Fyctia
Le sacré imparfait 2
En quittant la Cathédrale Inachevée, le groupe se retrouvait à nouveau enveloppé par une aura d’incertitude. Le désert, calme mais hanté par un silence pesant, semblait murmurer des vérités qu’ils n’étaient pas encore prêts à entendre. Les étoiles au-dessus d’eux brillaient plus fort que jamais, formant des constellations qu’aucun d’eux ne reconnaissait.
Léandre, tenant le fragment imparfait dans ses mains, sentit un frisson parcourir son corps. Une nouvelle vision s’imposa à lui : une vallée noyée dans un brouillard dense, où les ombres prenaient des formes humaines, des silhouettes tourmentées qui murmuraient des secrets oubliés.
— « La Vallée des Voix Silencieuses, » dit-il d’une voix grave, rompant le silence du groupe.
— « Encore une légende… » murmura Christopher, bien que son scepticisme habituel semblait ébranlé. « Et que cherchons-nous cette fois ? »
Carthos Jo répondit, le regard lointain :
— « Une vérité cachée. Ce fragment que nous portons est incomplet. Il s’agit d’un éclat d’âme, et si la Cathédrale nous a montré l’imperfection humaine, cette vallée pourrait bien révéler les liens invisibles qui nous unissent. »
Après plusieurs jours de marche, ils atteignirent l’entrée de la vallée. Une brume dense s’étendait à perte de vue, et un silence surnaturel pesait sur l’air. Même le vent semblait évité cet endroit. Chaque pas qu’ils faisaient était comme une plongée dans l’inconnu, un passage entre leur monde et quelque chose d’autre, de plus ancien, de plus profond.
Alors qu’ils progressaient, les murmures s’amplifièrent. Des voix indistinctes les entouraient, des fragments de prières, de regrets, de promesses brisées. Camille, troublée, s’arrêta un instant.
— « Ces voix… elles me rappellent mes propres mots, des choses que j’ai écrites, mais jamais partagées. »
Jenny, à ses côtés, hocha la tête.
— « Moi aussi. C’est comme si cette vallée connaissait nos âmes, nos secrets. »
Soudain, une ombre surgit devant eux. Contrairement à celles qu’ils avaient affrontées jusque-là, celle-ci semblait paisible, presque accueillante. Elle tendit une main éthérée vers Léandre, l’invitant à s’approcher.
— « Que cherchez-vous ? » murmura-t-elle, sa voix résonnant dans l’esprit de chacun.
L’ombre guida le groupe vers une clairière où une immense mosaïque était incrustée dans le sol, composée de milliers de fragments de cristal. Chacun reflétait une scène différente, comme des souvenirs volés à travers le temps.
— « Voici le Nœud des Destins, » dit l’ombre. « Chaque fragment représente une âme, une vie, une quête. Pour avancer, vous devez trouver celui qui vous appartient. Mais attention, chaque choix portera une conséquence. »
Le groupe échangea des regards inquiets, mais Léandre fut le premier à s’avancer. Il scruta les fragments, son cœur battant à tout rompre. Chaque scène qu’il voyait semblait l’appeler, mais une en particulier attira son attention : un reflet de lui-même, plus jeune, assis devant une toile inachevée.
— « C’est celui-là, » dit-il, tendant la main.
Lorsqu’il toucha le fragment, une lumière éclatante envahit la vallée, et une nouvelle vision lui apparut. Il vit les ombres de la vallée se transformer en figures humaines, des hommes et des femmes qui portaient leurs propres cicatrices, leurs propres imperfections. Et au centre de tout, un éclat lumineux, une vérité qu’il ne pouvait encore saisir.
Quand la lumière s’éteignit, le groupe se retrouva dans une autre partie de la vallée, devant une structure ancienne : un cercle de pierres gravées de symboles mystiques. Camille, fascinée, examina les inscriptions.
— « Ces marques parlent des liens entre les âmes, des connexions qui transcendent le temps et l’espace. C’est comme si elles disaient que nous sommes tous des fragments d’un tout, chacun essentiel à l’équilibre. »
Jenny, toujours sensible aux énergies, posa une main sur l’une des pierres. Elle frissonna et recula brusquement.
— « Ces pierres… elles chantent. Mais c’est une chanson triste, une mélodie brisée. »
Carthos Jo hocha lentement la tête.
— « C’est là que réside le sacré dans l’imperfection : accepter que nous sommes incomplets, mais que nos connexions nous rendent entiers. »
Alors qu’ils tentaient de comprendre la signification du cercle, une étrange agitation se fit sentir dans la brume. Des formes sombres apparurent, mais cette fois, elles étaient plus tangibles, plus agressives. Les Égarés, des âmes qui avaient perdu leur chemin dans la vallée, surgissaient, leurs visages déformés par la douleur et la colère.
Le groupe se prépara à se défendre, mais ces adversaires n’étaient pas faits de chair et de sang. Leurs attaques étaient psychiques, ciblant les peurs et les doutes de chacun. Léandre sentit une vague de désespoir l’envahir, une voix chuchotant à son oreille :
— « Tu n’es qu’un imposteur. Tu ne trouveras jamais le divin. »
Mais il repoussa ces pensées, se rappelant les paroles de Carthos Jo.
— « Ce n’est pas ma perfection qui compte, mais ma volonté d’avancer malgré mes failles. »
Ses mots semblèrent résonner dans la vallée, affaiblissant les Égarés. Camille, inspirée, sortit un de ses anciens écrits, récitant des vers sur la beauté de l’humanité imparfaite. Les Égarés reculèrent, leurs formes se dissipant dans la brume.
Lorsqu’ils atteignirent le centre du cercle, un dernier fragment de cristal apparut, brillant d’une lumière douce mais puissante. Contrairement aux autres, celui-ci semblait vivant, pulsant comme un cœur.
— « C’est le Fragment des Connexions, » murmura Camille. « Le dernier morceau du puzzle. »
Léandre le prit dans ses mains, sentant une chaleur familière. Pour la première fois, il comprit que leur quête n’était pas seulement une recherche extérieure, mais une exploration de ce qui les liait en tant qu’êtres humains.
Alors qu’ils quittaient la vallée, un nouvel objectif se dessinait devant eux : assembler tous les fragments pour révéler la véritable nature du divin, non pas comme une entité lointaine, mais comme une force présente dans chaque imperfection, chaque connexion, chaque acte de création humaine.
Le silence du voyage de retour était empli d’une étrange mélancolie. Les cristallins, désormais rassemblés, pulsaient doucement dans le coffre orné où ils les avaient placés. Le poids de leur quête accomplie, mais inachevée, semblait s’étendre sur chacun.
Carthos Jo fut le premier à briser le silence alors qu’ils atteignaient une bifurcation dans la route.
— « C’est ici que nos chemins se séparent pour l’instant. Nous avons accompli une partie de la tâche, mais le prochain chapitre nécessite que chacun de nous trouve en lui-même ce qu’il a appris dans cette quête. Retournez chez vous, retrouvez ceux que vous aimez et, surtout, retrouvez-vous. »
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