Fyctia
La déesse Myrithia 5
Un souffle de vent, presque imperceptible, fit vibrer les piliers. Une voix éthérée résonna, douce mais sévère, emplissant l’espace.
— « Ceux qui cherchent à capturer l’infini doivent d’abord se libérer du poids de leur propre esprit. Le premier fragment de lumière repose dans l'ombre de ce qui ne peut être vu. Trouvez-le, mais sachez que chaque vérité a son prix. »
Les mots laissèrent le groupe perplexe. L’ombre de ce qui ne peut être vu ? Était-ce une métaphore, une illusion, ou une épreuve supplémentaire ?
— « L’ombre de l’invisible… » murmura Léandre. « Cela ne peut signifier qu’un reflet. Nous devons chercher à voir ce qui est caché dans ce qui semble évident. »
En suivant les piliers, le groupe se retrouva dans une vaste salle semblable à un labyrinthe, où chaque mur était recouvert de miroirs anciens, ternis par le temps. Mais ces miroirs n’étaient pas normaux. Lorsqu’ils se regardaient, leurs reflets n’étaient pas fidèles : leurs visages se déformaient, leurs traits changeaient.
Jenny, la première à approcher un miroir, vit une version d’elle-même avec des ailes translucides, jouant une harpe dans un champ de lumière éclatante. Mais son visage était empreint d’une tristesse insondable.
— « Est-ce… une possibilité ? Une version de moi qui a réussi ? » demanda-t-elle, troublée.
Christopher, quant à lui, vit un reflet où il tenait un livre ouvert, mais les pages s’effritaient dans ses mains. Une silhouette derrière lui, indiscernable, chuchotait des mots qu’il ne comprenait pas.
— « Ces miroirs jouent avec nos peurs et nos désirs, » dit-il sèchement. « Ils veulent nous distraire, nous désorienter. »
Léandre, pour sa part, resta immobile devant son propre reflet. Il se voyait tel qu’il était : plus âgé, fatigué, mais avec une étincelle de détermination dans les yeux. Cependant, derrière lui, une ombre immense se dessinait, menaçante et insondable.
— « Nous devons continuer, » dit-il finalement. « Ces visions ne sont que des échos. Elles ne peuvent pas nous toucher, pas si nous les ignorons. »
Au centre du labyrinthe se trouvait une fontaine de cristal, dont l’eau semblait scintiller d’une lumière propre. Mais le liquide était étrange, presque vivant, se déplaçant dans des formes fluides et imprévisibles.
— « Voilà notre épreuve, » dit Camille, en observant la fontaine. « L’eau reflète tout, mais elle-même ne se reflète nulle part. »
La voix éthérée revint, murmurant presque :
— « Plongez vos mains dans la source, mais sachez que le cristal que vous cherchez révélera ce que vous êtes prêts à perdre. »
Jenny hésita, mais Léandre s’avança sans peur. Il plongea ses mains dans l’eau, et un frisson intense parcourut son corps. Des visions apparurent devant lui : sa jeunesse, ses œuvres les plus célèbres, des instants de gloire et de douleur.
Puis, un éclat lumineux émergea de la fontaine. C’était un fragment de cristal, brillant d’une lumière presque insupportable. Mais au moment où il le saisit, l’ombre qu’il avait vue dans le miroir sembla surgir autour de lui, grandissant en intensité.
— « L’infini demande toujours un sacrifice, » dit la voix, presque moqueuse.
— « Chaque fragment vous rapproche de votre objectif, mais vous éloigne un peu plus de vous-mêmes. »
Alors que le groupe reprenait son souffle, le labyrinthe sembla s’effondrer autour d’eux. Les miroirs se brisèrent, libérant des ombres informes qui se ruèrent sur eux. Chaque ombre semblait porter les traits d’un membre du groupe, comme une version corrompue de leur âme.
Léandre brandit le fragment de cristal, sa lumière repoussant momentanément les ombres.
— « Courez ! » cria-t-il, mais les ombres les poursuivaient avec une détermination surnaturelle.
Jenny joua une note sur une harpe qu’elle avait invoquée presque instinctivement, le son créant une onde de choc qui dispersa certaines des ombres. Christopher, bien qu’hésitant, commença à réciter un poème qu’il avait créé dans un moment de doute, et les mots eux-mêmes semblèrent affaiblir leurs assaillants.
Ils trouvèrent refuge dans une cavité obscure, où la lumière du cristal illuminait leurs visages épuisés. Camille, tenant toujours son journal, griffonna frénétiquement les symboles qu’elle avait observés sur les piliers, cherchant un sens à tout cela.
— « Ce n’était que le premier fragment, » dit-elle, sa voix tremblante. « Si c’était l’épreuve pour un seul, qu’arrivera-t-il avec les cinq autres ? »
Léandre, malgré sa fatigue, sourit faiblement.
— « Peu importe. Nous avancerons. Parce que si nous ne le faisons pas, personne ne le fera. »
Alors qu’ils reposaient dans la cavité sombre, un silence surnaturel les enveloppa. Pourtant, dans ce silence, il semblait qu’un murmure léger, presque imperceptible, venait des profondeurs de l’obscurité. Les murs autour d’eux vibraient faiblement, et l’air semblait chargé de présences invisibles.
Jenny serra ses bras autour d’elle, son souffle devenant irrégulier.
— « Vous entendez ça ? Ce n’est pas… juste le vent. »
Camille, absorbée dans ses notes, releva la tête brusquement.
— « Ce sont des voix. Pas des voix humaines, mais des échos d’une autre réalité. Ils nous observent. »
Léandre, tenant fermement le fragment de cristal, sentit une pulsation en lui, comme si l’objet cherchait à communiquer. Des images lui traversèrent l’esprit : une mer infinie, un ciel étoilé, et une silhouette féminine, indistincte mais magnifiquement lumineuse.
— « Myrithia, » murmura-t-il. « C’est elle… ou une trace d’elle. Elle nous guide, mais elle nous teste aussi. »
La lumière du cristal révéla une faille dans la paroi rocheuse, une ouverture menant à un tunnel sinueux. Christopher, toujours méfiant, fronça les sourcils en observant l’entrée.
— « C’est une invitation. Mais de qui ? Ou de quoi ? »
— « Nous n’avons pas le choix, » répondit Camille. « Le chemin a été tracé. C’est là que nous devons aller. »
Ils pénétrèrent dans le tunnel, dont les murs semblaient faits d’un matériau étrange, ni pierre ni métal. Des symboles anciens apparaissaient et disparaissaient au gré de leurs pas, comme si les murs réagissaient à leur présence.
Puis, soudain, ils atteignirent une vaste salle. Le plafond était invisible, perdu dans l’obscurité, mais le sol était jonché de statues brisées. Chaque statue représentait une figure humaine, figée dans une expression de terreur ou de désespoir.
Jenny s’approcha de l’une d’elles, une femme dont les mains semblaient tendues vers le ciel.
— « Ce ne sont pas des sculptures. » Sa voix était un souffle. « Ce sont… des âmes. »
3 commentaires
Astrid.D
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Il y a un mois