Fyctia
La déesse Myrithia 1
La légende de Myrithia est chuchotée dans les couloirs de l’histoire comme une ombre insaisissable. Elle était une femme dont la beauté transcendait l’humanité, une perfection si absolue qu’elle semblait défiée les lois de la nature. On disait qu’un seul regard dans ses yeux pouvait inspirer une vie entière d’art ou condamner un esprit à l’obsession.
Myrithia était adorée comme une déesse par les civilisations oubliées, celles qui sculptaient leurs temples dans la pierre brute et gravaient des étoiles dans leurs mosaïques. Ses fidèles croyaient que son visage n’était pas de ce monde, mais une empreinte de l’infini, un fragment du divin tombé sur terre.
Les récits diffèrent sur l’origine de Myrithia. Certains disent qu’elle était née d’une union céleste entre une étoile et la mer. D’autres prétendent qu’elle était l’avatar d’une entité divine, descendue pour révéler la beauté pure à une humanité aveugle à l’essence même de la création.
Mais tous s’accordaient sur un point : Myrithia n’appartenait pas à ce monde. Sa peau scintillait sous la lumière de la lune, ses cheveux reflétaient le crépuscule, et ses yeux… ses yeux étaient des abîmes de lumière où l’on voyait l’éternité.
Elle marchait parmi les hommes, sa présence bénissant les paysages, faisant éclore des fleurs même dans les terres les plus arides. Les artistes qui la rencontraient trouvaient une inspiration si profonde qu’ils créaient des œuvres immortelles. Mais cette inspiration avait un prix : une fois qu’ils avaient vu Myrithia, plus rien d’autre ne leur semblait digne de leurs efforts. Beaucoup sombraient dans la folie, cherchant désespérément à capturer l’insaisissable.
Bien que vénérée, Myrithia était aussi crainte. Sa beauté était trop parfaite, trop divine. Les cœurs des hommes se brisaient à sa vue, et les femmes la maudissaient dans leur jalousie. On raconte qu’un roi, après l’avoir contemplée, avait détruit son propre royaume, incapable de supporter une réalité où il ne pouvait la posséder.
Myrithia elle-même semblait porter le poids de cette adoration. Certains récits la décrivent comme mélancolique, comme si elle ressentait la douleur qu’elle infligeait simplement en existant. Les rares poèmes attribués à ses fidèles parlent d’une tristesse infinie dans son sourire, d’une distance dans son regard qui laissait entendre qu’elle était prisonnière de sa propre perfection.
— « Je ne suis pas beauté, mais reflet, » aurait-elle murmuré une nuit à un poète égaré. « Ce que vous voyez en moi, c’est ce que votre âme désire, mais jamais ce que je suis. »
Un jour, sans avertissement, Myrithia disparut. Certains disent qu’elle avait été rappelée par les dieux, trop parfaite pour demeurer dans un monde si imparfait. D’autres pensent qu’elle s’était elle-même retirée, fatiguée d’être une énigme vivante.
Mais avant de disparaître, elle laissa derrière elle un héritage mystérieux : sept fragments de sa propre essence, que l’on appelle aujourd’hui les cristallins. Ces fragments, dit-on, contiennent non seulement une part de sa beauté, mais aussi des réponses aux questions que l’humanité se pose depuis la nuit des temps : qu’est-ce que l’art, l’amour, et la divinité ?
Les cristallins furent scellés dans des lieux secrets, protégés par des épreuves conçues pour repousser les indignes. On prétend que seuls ceux qui comprendraient les limites de leur propre mortalité et accepteraient leur insignifiance devant l’infini pourraient espérer les retrouver.
La rumeur raconte que le corps de Myrithia repose dans une tombe sacrée, quelque part au-delà des frontières connues. Une crypte, sculptée dans l’or et l’obsidienne, où les murs mêmes reflètent les souvenirs et les désirs de ceux qui s’y aventurent.
C’est dans cette tombe que trois cristallins auraient été cachés, scellés avec elle dans un sommeil éternel. Mais la crypte est gardée par des épreuves si terribles que même les plus braves n’en sont jamais revenus.
Léandre, après avoir écouté cette légende rapportée par Camille, sentit une étrange vibration dans son esprit. Il n’était pas question de simples trésors ou de gloire. Cette quête était bien plus profonde.
— « Myrithia… » murmura-t-il. « Peut-être qu’en retrouvant ces fragments, nous ne ferons pas que comprendre l’art ou la beauté. Peut-être que nous comprendrons enfin ce que signifie être humain. »
Le silence qui suivit ces paroles était lourd, mais chargé d’un mystère ineffable. Le groupe comprit alors que leur quête dépassait toutes leurs attentes et leurs peurs. Ils allaient plonger dans les ténèbres du divin, au risque d’y perdre leur âme.
Alors que les dernières réverbérations de la légende de Myrithia résonnaient encore dans leur esprit, le groupe s’aventura au-delà du labyrinthe. Une fois de plus, le chemin se scindait, comme si les lieux eux-mêmes répondaient à une volonté capricieuse. La lumière du catalogue de diamant projetait une carte mouvante sur le sol poussiéreux, les points brillants représentant les fragments scintillant brièvement avant de disparaître.
Chaque pas dans ce lieu semblait peser lourd sur leurs âmes. Les ombres ne suivaient plus la logique du monde réel. Parfois, une silhouette apparaissait brièvement dans les recoins de leur vision, mais elle disparaissait avant qu’ils puissent la confronter.
Le premier obstacle apparut sous la forme d’un mur massif, orné de glyphes complexes et de mosaïques scintillantes. Camille, fascinée, s’approcha pour mieux les étudier. Les motifs semblaient danser devant ses yeux, formant des figures, des symboles et même des mots incompréhensibles dans une langue oubliée.
L’un des glyphes au centre se mit à briller d’une lueur surnaturelle. Une voix grave et impassible résonna soudain dans la crypte :
— « Pour avancer, vous devez comprendre ce que Myrithia a caché derrière ses reflets. La beauté est-elle un don ou une malédiction ? Répondez, mais sachez qu’une réponse incomplète entraînera des conséquences irréversibles. »
Christopher fronça les sourcils, son esprit cartésien en désaccord avec l’atmosphère mystique.
— « Une question piège… Cela dépend du point de vue. Une bénédiction pour ceux qui la contemplent, une malédiction pour celle qui la porte. »
Léandre intervint, son regard intense rivé sur le glyphe brillant :
— « Non. La beauté n’est ni l’un ni l’autre. Elle est un miroir. Elle ne fait que révéler ce qui existe déjà en celui qui la contemple. »
Les glyphes brillèrent plus intensément, et une lumière dorée se répandit dans la pièce, révélant un passage secret. Mais avant qu’ils ne puissent avancer, une ombre apparut devant eux.
0 commentaire