Fyctia
Obsession Immortel 1
Lorsque le groupe quitta la Crypte d’Orion, un silence pesant les enveloppa, comme si la crypte avait laissé une empreinte indélébile sur leurs âmes. Mais à peine avaient-ils franchi les frontières de ce sanctuaire mystérieux qu’un nouvel indice émergea, un fragment d’une autre énigme laissée par la muse.
C’était un simple parchemin, trouvé par Camille dans une alcôve oubliée, là où la lumière semblait s’effriter en ombres mouvantes. Le parchemin portait des symboles gravés, incompréhensibles, mais au centre, une phrase écrite dans une langue ancienne qu’ils pouvaient à peine traduire :
— « Ce qui est immortel se souvient de tout, et ce qui se souvient de tout ne peut mourir. »
Carthos Jo, l’ancien maître, fut le premier à parler alors qu’ils décryptaient les symboles.
— « L’immortalité et la mémoire… » murmura-t-il en traçant du doigt les courbes élégantes des runes. « Ces deux concepts sont liés. La mémoire est l’essence de ce que nous sommes, et pourtant, elle est aussi une prison. Si l’on se souvenait de tout, pourrait-on jamais avancer ? »
Jenny Carley, la visionnaire, ferma les yeux comme pour chercher une réponse dans l’éther des rêves qui guidaient souvent son intuition.
— « Il y a un lieu, » dit-elle doucement, sa voix teintée de certitude. « Un sanctuaire dans les montagnes, où les âmes immortelles gardent la mémoire de tout ce qui fut. La muse a dû y laisser une autre partie d’elle-même, une vérité qu’elle cache dans l’oubli. »
Christopher Mech, le sceptique, haussa les sourcils.
— « Un sanctuaire des souvenirs ? Allons. Ce n’est qu’une légende. Qui pourrait supporter le poids d’un tel savoir ? »
Camille lui répondit avec une froide assurance.
— « Ce n’est peut-être qu’une légende, mais chaque légende a sa part de vérité. Et si la muse a laissé un fragment de son essence là-bas, nous devons y aller. C’est peut-être la clé pour comprendre pourquoi elle joue avec nos vies. »
Le groupe se mit en route vers les montagnes évoquées par Jenny, un lieu appelé Les Cimes du Néant, réputé pour être un labyrinthe de pics enneigés et de gouffres insondables. Selon les récits anciens, le sanctuaire y reposait, un temple caché dans un royaume où la réalité et le rêve se confondaient.
Leur ascension fut éprouvante. Les vents hurlaient comme des âmes en peine, et la neige tombait en tourbillons aveuglants. Chaque pas les rapprochait d’un endroit où le monde semblait s’effacer, comme si les montagnes elles-mêmes refusaient de les accueillir.
Au bout de plusieurs jours, ils atteignirent une crête escarpée où une arche ancienne se dressait, marquée des mêmes symboles que ceux du parchemin. À mesure qu’ils s’approchaient, une étrange chaleur les enveloppa, contrastant avec le froid mordant. L’air semblait chargé d’une énergie vibrante, presque vivante.
L’intérieur du sanctuaire était une merveille d’architecture impossible. Des colonnes d’un matériau inconnu s’élevaient dans les hauteurs, scintillant d’une lumière dorée, comme si elles contenaient le soleil lui-même. Au centre, un bassin circulaire d’eau noire reflétait leurs visages, mais avec une étrange distorsion : ils voyaient leurs reflets à des âges différents, à des moments qu’ils n’avaient pas encore vécus.
— « Ce lieu n’est pas fait pour nous, » murmura Carthos, la voix tremblante. « Il appartient à ceux qui n’ont plus peur du temps. »
Bill, fasciné, s’approcha du bassin, mais Camille l’arrêta d’un geste ferme.
— « Ne touche pas, » dit-elle. « Ce bassin est une porte, mais chaque porte exige un prix. »
Jenny s’agenouilla près du bassin, ses doigts effleurant la surface sans la briser. Une voix douce, presque imperceptible, émergea des profondeurs.
— « Pour savoir, il faut se souvenir. Pour se souvenir, il faut s’oublier. »
Leur regard se tourna vers le mur opposé, où une immense fresque commença à s’animer. Elle montrait des fragments d’histoires anciennes, des vies entières gravées dans la pierre. Des artistes, des rois, des mendiants, tous liés par un fil invisible : celui de la muse. Chaque vie semblait converger vers un moment unique, une rencontre avec une lumière aveuglante, avant de s’éteindre dans le néant.
Carthos, le maître, prit la parole, sa voix grave résonnant dans le sanctuaire.
— « L’immortalité de la muse n’est pas une bénédiction. C’est une malédiction. Elle se souvient de tout. Chaque vie qu’elle touche, chaque âme qu’elle inspire, elle les porte en elle pour l’éternité. Mais à quel prix ? »
Christopher, toujours sceptique, observa la fresque avec un mélange de fascination et de méfiance.
— « Si elle se souvient de tout, alors pourquoi nous pousse-t-elle à chercher ? Pourquoi ne partage-t-elle pas simplement son savoir ? »
Jenny répondit sans détourner les yeux de la fresque.
— « Parce que ce n’est pas un savoir que l’on peut recevoir. C’est un fardeau. Peut-être que ce sanctuaire est sa manière de déléguer une partie de ce poids. »
Alors qu’ils débattaient, le bassin se mit à bouillonner, projetant des vagues d’énergie lumineuse qui enveloppèrent chacun d’eux. Le sanctuaire leur montra des fragments de leurs propres vies, des souvenirs oubliés, des moments qu’ils auraient préféré effacer.
Bill revit le visage d’une femme qu’il avait aimée mais perdue à cause de son obsession. Camille vit l’ombre d’un livre qu’elle n’avait jamais écrit, une œuvre qu’elle avait abandonnée par peur de l’échec. Jenny, elle, fut confrontée à un rêve qu’elle n’avait jamais osé poursuivre, un reflet de sa propre peur de l’échec.
Le sanctuaire testait leur volonté, leur capacité à porter leur propre mémoire avant de prétendre toucher celle de l’infini.
Au cœur du bassin, une lumière émergea, prenant la forme d’un fragment cristallin. Il pulsait doucement, comme s’il était vivant. Lorsqu’ils s’approchèrent, une voix leur parla, différente de celle qu’ils avaient entendue auparavant.
— « Ce fragment est une partie de moi, une part de ce que j’ai abandonné pour devenir immortelle. Si vous le prenez, vous porterez un fragment de l’éternité. Mais rappelez-vous : ce qui est éternel ne peut être oublié. »
La question resta en suspens : étaient-ils prêts à porter ce poids ? À affronter non seulement leurs souvenirs, mais ceux de la muse elle-même ?
Tandis que les lumières du sanctuaire s’éteignaient doucement, il y eut un silence, comme si l’air lui-même retenait son souffle. Léandre, jusque-là resté en retrait, s’avança vers le bassin d’eau noire. Sa silhouette, illuminée par les derniers éclats du fragment cristallin, semblait vaciller entre l’homme qu’il était et une ombre plus grande, une figure marquée par le destin.
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Marcus T
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Jacky KAl
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Jackson J
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