Fyctia

Un grondement sourd résonna dans la crypte, comme si les murs eux-mêmes étaient vivants, respirant. Les statues entouraient maintenant Bill, formant un cercle parfait. Leur présence était écrasante, leur silence plus bruyant que n’importe quel cri.

— « Regarde, Bill, » dit une voix, venue de partout et de nulle part à la fois.

— « Regarde ce que ton obsession a engendré. »

Devant lui, une silhouette commença à se former, bien plus grande, bien plus imposante que les autres. C’était la muse, mais elle n’était plus la vision éthérée qu’il avait toujours poursuivie. Elle était sombre, déformée, comme une caricature de sa propre quête. Ses yeux brillaient d’une lumière noire, un paradoxe impossible, et dans son regard, il vit toutes les fois où il avait échoué, toutes les fois où il s’était perdu.

— « Tu voulais me posséder, » dit-elle, sa voix résonnant comme une multitude de voix superposées. « Mais l’infini ne se possède pas. Il dévore. »

Bill tomba à genoux, les mains tremblantes. Il comprit alors que ce qu’il voyait n’était pas la muse elle-même, mais une manifestation de son obsession, un reflet de tout ce qu’il avait sacrifié pour une quête qu’il ne comprenait pas.

La muse tendit une main vers lui.

— « Tu veux me toucher ? Alors abandonne. Renonce à tout ce que tu es, à tout ce que tu crois être. C’est le prix de l’infini. »

Bill sentit son esprit vaciller. Chaque fibre de son être le poussait à accepter, à se jeter dans cet abîme prometteur, mais une petite voix en lui, faible mais persistante, lui murmurait un avertissement : Si tu abandonnes tout, il ne restera rien.

Il serra les poings, ses ongles s’enfonçant dans sa peau.

— « Non, » murmura-t-il, puis plus fort : « Non ! L’infini n’a pas le droit de me détruire. »

La muse recula légèrement, un sourire ambigu sur ses lèvres.

— « Alors continue de chercher, » dit-elle. « Mais sache ceci : chaque pas que tu fais vers moi t’éloigne un peu plus de toi-même. »

La lumière revint soudainement, aveuglante, et Bill se retrouva seul, au centre de la salle. Les statues avaient disparu, tout comme la muse. Il était seul avec ses pensées, mais quelque chose en lui avait changé.

Il savait qu’il ne pouvait plus poursuivre cette quête comme avant. La perfection n’existait pas, pas dans la forme qu’il avait toujours imaginée. Mais pouvait-il vraiment renoncer à la chercher ?

En retournant vers le groupe, il se promit une chose : il ne laisserait plus l’obsession le dévorer. Il chercherait, mais cette fois, il chercherait à comprendre, à créer pour le simple acte de créer, et non pour atteindre une chimère.

Dans l’ombre de la crypte, une autre présence l’observait, silencieuse. La muse, ou peut-être quelque chose de bien plus grand qu’elle, esquissa un sourire. Le chemin de Bill n’était pas terminé, mais il venait de franchir une étape cruciale.

Lorsqu’il rejoignit les autres, leurs regards se tournèrent vers lui, inquiets mais silencieux. Aucun d’eux ne posa de question, comme s’ils savaient que l’expérience qu’il venait de vivre ne pouvait être expliquée.

Camille, cependant, le fixa un instant de plus.

— « Tu as vu quelque chose, » dit-elle doucement.

Bill hocha la tête, incapable de trouver les mots.

— « L’infini n’est pas ce que nous croyons, » murmura-t-il enfin.

Camille sourit, un sourire triste et plein de mystère.

— « Non, » répondit-elle. « Mais peut-être que c’est ce que nous devons apprendre à accepter. »

Le groupe reprit sa marche, mais dans l’esprit de chacun, une question persistait, plus lourde et plus énigmatique que jamais : Jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour toucher l’éternité ?