Fyctia
Quête de l'infini 10
La porte s’ouvrit sans un bruit, révélant un corridor infiniment long, baigné d’une lumière dorée qui semblait pulser au rythme d’un battement de cœur. À chaque pas, les murs se déformaient, se tordaient, comme si l’espace lui-même répondait à leur présence. Une étrange sensation les envahit : ils n’étaient plus de simples visiteurs. Le lieu les reconnaissait, les observait.
— « Nous sommes dans l’antichambre de quelque chose de plus grand, » murmura Carthos Jo.
Sur les murs, des fresques prenaient vie, animées par une force invisible. Elles racontaient des histoires qui transcendaient le temps : des civilisations disparues, des artistes oubliés, des âmes errantes ayant cherché la muse avant eux. Les scènes se répétaient, se déformaient, comme si elles étaient prises dans un cycle sans fin.
Jenny s’arrêta devant l’une d’elles. Une femme aux traits éthérés, semblable à la muse, tendait la main vers un homme. Mais à chaque fois qu’il s’en approchait, elle disparaissait, laissant derrière elle un vide béant.
— « Est-ce notre destin ? » demanda-t-elle, le souffle court.
Une voix s’éleva, émanant des murs eux-mêmes. Douce, omniprésente, elle portait le poids de mille vérités.
— « Votre destin n’est pas écrit. Vous êtes les auteurs de vos propres cycles. Mais chaque choix vous rapproche ou vous éloigne de ce que vous cherchez. »
Au bout du corridor se trouvait une salle circulaire, immense, où trônait un miroir gigantesque. Mais ce miroir était plus qu’un objet : il semblait vivant. Sa surface était fluide, changeante, et chaque reflet qu’il renvoyait n’était pas une copie exacte, mais une version alternative de celui qui s’y regardait.
Camille fut la première à s’approcher, incapable de résister à l’attraction du miroir. Elle vit une autre elle-même, plus jeune, assise à un bureau. Les pages d’un manuscrit s’empilaient devant elle, mais son visage était marqué par une expression de vide.
— « C’est la Camille que j’étais, » murmura-t-elle. « Celle qui croyait que l’inspiration pouvait être arrachée au monde. »
La Camille dans le miroir leva les yeux et parla :
— « Tu n’écris pas pour comprendre le divin. Tu écris pour remplir ton propre vide. Mais ce vide est aussi une porte. Oseras-tu l’ouvrir ? »
Léandre, attiré par le miroir, y vit une scène différente : lui-même, sur une scène, acclamé par une foule infinie. Mais à mesure qu’il avançait, les visages du public se fondaient en une masse informe, leurs acclamations devenant des murmures menaçants.
— « Qu’est-ce que cela signifie ? » demanda-t-il, la voix tremblante.
Le miroir répondit, d’une voix semblable à celle de la muse :
— « Tu as cherché la reconnaissance au lieu de la vérité. Mais la reconnaissance n’est qu’un reflet éphémère de l’éternité. Es-tu prêt à abandonner ton besoin de gloire pour embrasser l’inconnu ? »
Bill s’approcha à son tour, mais ce qu’il vit le terrifia. La statue parfaite qu’il avait toujours rêvé de sculpter se tenait là, mais elle était brisée en mille morceaux. Autour d’elle, d’autres statues, toutes incomplètes, formaient une nécropole de ses échecs.
— « Pourquoi est-ce toujours incomplet ? » cria-t-il.
— « Parce que l’art parfait est une illusion. Ce n’est pas l’œuvre terminée qui importe, mais l’acte de créer. Ton obsession t’éloigne de l’essence même de la beauté. »
Au centre de la salle, un escalier en colimaçon s’enfonçait dans l’obscurité. À chaque marche descendue, ils entendaient des murmures, comme des fragments de prières ou de pensées arrachées à l’univers.
— « Écoutez, » chuchota Jenny.
Les murmures étaient à la fois familiers et étrangers. Certains portaient des mots d’amour, d’autres des cris de désespoir, et d’autres encore des chants d’extase. Mais tous convergeaient vers une même idée : une quête de connexion, de compréhension, d’infini.
— « Ce sont les voix de ceux qui sont venus avant nous, » dit Camille. « Leurs espoirs, leurs peurs… et peut-être leurs échecs. »
Ils arrivèrent dans une autre salle, où la lumière et l’ombre dansaient ensemble, formant des formes changeantes. Chaque figure semblait raconter une histoire, mais aucune ne pouvait être saisie entièrement.
Carthos Jo s’assit, les yeux fixés sur le spectacle.
— « C’est cela, » murmura-t-il. « La beauté parfaite. Elle n’existe que dans le mouvement, dans le changement. Vouloir la capturer, c’est tuer ce qui la rend vivante. »
Léandre regarda les ombres et pensa à tout ce qu’il avait perdu pour en arriver là.
— « Alors pourquoi cherchons-nous ? » demanda-t-il à haute voix.
La lumière et l’ombre cessèrent de bouger. Une forme indistincte apparut, semblant les regarder tous. La voix de la muse, plus proche que jamais, répondit :
— « Parce que chercher, c’est vivre. Parce que le divin n’est pas une réponse, mais un voyage. Ce que vous trouvez dépend de ce que vous êtes prêts à voir. »
Alors qu’ils avançaient encore, ils atteignirent une dernière pièce, une vaste étendue où le sol semblait disparaître, donnant sur un vide étoilé. Le plafond brillait d’une lumière cosmique, chaque étoile vibrant comme une note de musique.
Ils comprirent alors que la Crypte d’Orion n’était pas un lieu, mais une métaphore : un pont entre l’humain et le divin, entre l’art et l’infini.
Camille regarda l’étendue et murmura :
— « Peut-être que l’inspiration éternelle n’est pas une chose à trouver. Peut-être qu’elle est déjà là, en nous, dans notre quête incessante de sens. »
Léandre hocha la tête, mais un doute persistait. Ce qu’ils avaient vu, ce qu’ils avaient ressenti… Cela les avait changés. Mais étaient-ils prêts à affronter ce que cela signifiait vraiment ?
La muse, ou ce qu’il en restait, résonna une dernière fois :
— « L’éternité n’est pas un lieu. Elle est un regard, une idée, un souffle. Et maintenant, vous devez choisir : continuer ou revenir. »
Devant eux, deux chemins s’ouvraient, plongeant encore plus profondément dans le mystère.
Le silence était lourd, presque palpable. Le sol sous leurs pieds vibrait d’une énergie invisible, et dans l’air flottait une tension qui n’appartenait qu’à ceux qui osaient frôler l’inaccessible. L’obscurité qui les entourait semblait être une toile en constante transformation, une matière mouvante qui les enveloppait tout en les maintenant à l’écart, comme si l’espace lui-même leur échappait.
Bill Kal, l’obsédé, s’était écarté du groupe sans un mot, absorbé dans ses pensées. Ses yeux, fixés sur l’ombre mouvante de la Crypte d’Orion, se perdaient dans l’immensité, comme un homme tenté par une promesse qu’il savait d’avance être une illusion. La quête de la perfection, de l’image parfaite qu’il n’avait jamais pu sculpter, le rongeait plus que jamais.
1 commentaire
DOM75
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Il y a un mois