Chris LEVOYAGEUR MUSE DU REGARD ÉTERNEL. TOME 1 Quête de l'infini 5

Quête de l'infini 5

Elle s’était vue en train de danser au centre de cette lumière, son corps se mouvant au rythme d’une musique qu’elle ne connaissait pas mais qui semblait inscrite dans ses os. À chaque mouvement, des fragments de la muse apparaissaient : un éclat d’œil ici, une main délicate là. Jenny avait tenté de les rassembler, de donner forme à cette entité insaisissable, mais à chaque fois qu’elle pensait réussir, tout s’évanouissait comme du sable entre ses doigts.


— « Elle ne veut pas qu’on la possède, » murmura Jenny en fixant la flamme vacillante de sa bougie. « Elle veut qu’on la suive, qu’on la comprenne… mais jamais qu’on l’enferme. »


Dans la vision de Bill Kal, la muse était une silhouette figée dans le marbre, parfaite et immuable. Tout autour, des blocs de pierre s’effondraient alors qu’il tentait désespérément de sculpter son image. Chaque coup de ciseau qu’il donnait semblait déformer davantage son œuvre, comme si la perfection qu’il recherchait s’éloignait à mesure qu’il s’acharnait.


Sa frustration s’était transformée en rage, et il avait fini par briser ses propres créations. Mais alors qu’il s’agenouillait parmi les débris, un murmure s’était élevé dans l’air, une voix douce et moqueuse à la fois.


— « La beauté n’est pas une prison, » avait-elle soufflé.


Cette phrase l’avait hanté depuis qu’il avait rouvert les yeux. Bill serra les poings en regardant la carte que Carthos Jo avait étalée.


— « Si elle refuse d’être capturée, alors je trouverai un moyen de dépasser ses règles. Elle n’a pas le droit de nous échapper éternellement. »


Christopher Mech n’avait pas vu de lumière ou de silhouette dans sa vision. Il s’était retrouvé dans un vide infini, entouré par une obscurité pesante. Pourtant, au centre de ce néant, une plume flottait, suspendue dans l’air. Il avait tenté de l’attraper, mais à chaque fois qu’il tendait la main, la plume s’éloignait, défiant toute logique.


Enfin, une voix grave et distante avait résonné.


— « Pourquoi cherches-tu une vérité que tu refuses de croire ? »


Cette question l’avait laissé déstabilisé. Maintenant, dans la pièce, il masquait son trouble derrière son habituelle façade cynique.


— « Ce que j’ai vu n’était rien de plus qu’une illusion, » affirma-t-il, bien qu’une part de lui n’en soit pas si sûre.


Carthos Jo, lui, n’avait pas eu besoin de fermer les yeux pour ressentir la présence de la muse. Pour lui, elle était une vieille compagne, une ombre qui l’avait accompagné pendant des décennies sans jamais se révéler entièrement. Lors du rituel, il avait vu les fragments de sa propre vie défiler, entrelacés avec des éclats de lumière et de ténèbres.


Ce n’était pas une vision nouvelle, mais une confirmation : la muse était à la fois le guide et l’épreuve ultime.


— « Elle n’est pas une réponse, mais une question, » déclara-t-il en fixant les autres. « Ceux qui espèrent la posséder ou la comprendre entièrement se perdront. Elle n’existe que dans le regard de ceux qui osent la chercher. »


Léandre, quant à lui, n’avait pas seulement vu la muse. Il avait senti sa présence, presque tangible, comme une chaleur douce qui enveloppait son esprit. Lorsqu’il avait croisé son regard, il avait eu l’impression que le temps s’était arrêté, et qu’il était suspendu dans une vérité qu’il ne pouvait pas encore comprendre.


La muse ne lui avait rien dit, mais son silence était plus éloquent que mille mots. Il savait, sans savoir pourquoi, qu’il avait été choisi pour une raison qui lui échappait encore.


— « Ce n’était pas seulement un reflet, » murmura-t-il. « Elle voulait… quelque chose. De moi, de nous. »


Jenny posa une main sur son épaule, un sourire doux mais grave sur les lèvres.


— « Alors il faut découvrir ce que c’est. »

Le groupe était réuni autour de la carte. Carthos Jo traça une ligne entre les points marqués, désignant la Crypte d’Orion comme leur prochaine destination.


— « Nous partirons à l’aube, » dit-il. « Là-bas, vous trouverez des réponses… ou davantage de questions. Mais souvenez-vous : la muse ne se révèle qu’à ceux qui acceptent de perdre ce qu’ils croient savoir. »


Chacun acquiesça, bien que leurs motivations soient aussi variées que leurs visions. La quête était lancée, et chacun portait en lui une part du mystère. La lumière vacillante des bougies projeta leurs ombres sur les murs, des formes incertaines qui semblaient danser, comme si elles savaient déjà ce qui les attendait.


La Crypte d’Orion était à la fois une promesse et une menace, un premier pas vers un voyage qui transformerait chacun d’eux à jamais.


Il y avait une époque où le nom de Camille Veyr était presque aussi éclatant que celui de Léandre. Écrivain prodigieuse et exploratrice du mysticisme, elle avait captivé les foules avec ses récits qui effaçaient la frontière entre le tangible et l’invisible. À travers ses mots, elle évoquait des mondes où le divin se glissait dans les ombres du quotidien, où l’inspiration n’était pas un simple élan créatif mais un souffle transcendant, presque sacré.


Léandre et Camille s’étaient rencontrés au sommet de leurs gloires respectives. Ensemble, ils avaient échangé des idées, des rêves et des doutes, partageant cette quête commune de quelque chose qui dépassait les limites de l’art et de l’humain. Mais leur chemin s’était séparé lorsque Camille avait entrepris une quête bien plus périlleuse et solitaire : celle de l’inspiration éternelle, une quête qui, selon elle, conduirait directement à la source du divin.


Les rumeurs de sa disparition avaient circulé pendant des années. Certains disaient qu’elle avait abandonné l’écriture pour vivre en ermite dans une forêt oubliée. D’autres pensaient qu’elle s’était perdue, dévorée par sa propre obsession. Léandre, bien qu’il ne l’avouât jamais, avait ressenti un vide après son départ. Elle avait été bien plus qu’une alliée intellectuelle : un miroir qui reflétait ses propres aspirations et ses doutes.


Dans une lettre qu’elle lui avait envoyée peu avant son départ, Camille avait écrit :


"Léandre, si tu lis ceci, sache que je vais là où les mots n’ont plus de pouvoir. Je cherche ce qui inspire les premiers poètes, les premiers hommes qui ont levé les yeux vers le ciel. Si je réussis, je reviendrai avec une vérité que personne n’osera contester. Mais si je ne reviens pas, sache que c’était un choix. Je n’ai jamais eu peur de me perdre pour trouver l’essentiel."


Et puis, plus rien.


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2 commentaires

Nicolasm59

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Il y a un mois

Je trouve que par rapport aux chapitres précédents qui montrent une certaine continuité quant aux différents symboles tentant d’appréhender la muse, l’apparition de Camille Veyr est un peu abrupte. J’aurais peut être fait cette explication sur elle plutôt au tout début mais ce n’est que mon humble avis
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