Anne-Estelle Muffin Season Chapitre 1 : Robin (2/2)

Chapitre 1 : Robin (2/2)

Elle porte de faux ongles rose pailletés, et je ne peux retenir un frisson.


— Tu m’as empêché de le rendre inoffensif à vie en lui chantant Jingle Bells, elle ironise en essayant de masquer le coup de stress qu’elle vient de se prendre. Je supporte plus ce genre de comportement, c’est viscéral, j’en ai marre qu’on ait honte ou peur ! J’avoue que l’adrénaline me rend un peu agressive mais sérieux, t’as vu tous ceux qui étaient là mais n’ont rien dit ? Rien fait ?

— Ça aurait pu mal se terminer, j’insiste.

— Si je n’avais pas pété mon câble, c’est pour elle, que ça se serait mal fini, elle indique d’un signe de tête l’adolescente qui nous tourne le dos. Et grâce à toi, tout va bien. Merci beaucoup, d’ailleurs. Père-Noël.


Elle m’offre un sourire à moitié moqueur en avisant mon bonnet que j’avais oublié. Plus viril face à un agresseur, tu meurs. On forme un bien drôle de gang de justiciers, elle avec ses ongles à paillettes et moi avec mon bonnet qui clignote. Heureusement, je fais preuve d’auto-dérision.


Elle attrape ses écouteurs dans son sac à main et je comprends qu’elle a besoin d’espace, que notre échange s’arrête ici. Je soulève mon bonnet et lui mime une révérence rigolote en m’éloignant de quelques pas, dans le sens opposé à l’avancée du tram, histoire de me soustraire à ses jolis yeux noisette.


Je me replonge dans mon téléphone qui déborde de cinq nouveaux messages de mon frangin. Je fais défiler les photos de Céline et lui en train de faire leur valise et des gifs de mec heureux. Je m’adosse contre les portes, du côté où elles ne vont pas s’ouvrir au prochain arrêt, et je ne peux m’empêcher de vérifier que la jeune femme mi courage mi inconsciente ne s’attire pas d’autres problèmes. Elle pianote sur son téléphone et regarde régulièrement l’écran en hauteur qui indique les arrêts.


Mon téléphone vibre à nouveau. Cette fois, c’est Céline qui m’informe que pour me remercier, elle va aller acheter des muffins. Je lui réponds que je préfère tester leur nouvelle cuisine en en préparant moi-même. Et je lui donne la liste des ingrédients à prendre.


Je relève la tête au moment où la justicière passe les portes du tram. Je la regarde s’éloigner, elle n’est pas bien grande mais avance le buste redressé, le menton en avant, ses mèches blondes qui dansent sur sa mâchoire, ses doigts resserrant la lanière sur son petit sac à main, et les autres tirant sa valise sur les pavés de la vieille ville. Une confiance absolue. Je me sens sourire alors que mon regard retrouve le siège qu’elle vient d’abandonner.


Merde. Elle a oublié son sac à dos. Je jette un œil rapide autour et les autres sièges du carré se sont aussi vidés. J’avise un type qui a également aperçu le sac et s’élance pour le choper avant moi. Je suis plus rapide.


— Désolé, c’est à mon amie, et je suis sûr qu’elle en a besoin.


Il s’éloigne en grommelant mais le tram a déjà redémarré. C’est loupé pour courir après l’inconnue, et en plus, Rémi m’attend. Je demanderai à Céline de fouiller le sac, en espérant qu’il y a bien dedans un numéro ou un moyen de joindre sa propriétaire.

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10 commentaires

Nora Rosen

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Il y a 12 jours

Hahaha, le coup du sac, toujours efficace. Très joliment mis en mot, toujours.

Anne-Estelle

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Il y a 12 jours

Ma grande soeur a oublié le sien il y a quelques mois. Elle n'a pas eu de mec (ou nana) gentil pour le récupérer, je me suis dit qu'il fallait inventer une meilleure issue à cette histoire :-D
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