David Belo Mourir Gentiment 5.-

5.-

J’allais mourir.

Devant son immeuble, Tiffaine me proposa de monter boire un verre. D’après elle, c’était « le moins qu’elle puisse faire ». Elle était penchée sur la portière, me dévisageant et attendant ma réponse. J’hésitai. Mes doigts serraient le volant avec force et un rictus débile grimait mon visage. Je décidai finalement de quitter l’habitacle et de la suivre.

Après tout, je ne faisais rien de mal.

L’appartement était cossu, décoré avec goût et modernité. De grands murs peints en blanc mat mettaient en valeur des centaines de photographies en noir et blanc, accentuées par la lumière provenant de grandes baies vitrées. Je fus stupéfait de reconnaitre le Kilimandjaro, les chutes du Niagara et quelques autres lieux magiques. Des lieux que j’avais recherché. Des lieux propices où j’aurai voulu fermer les yeux pour l’éternité. Tiffaine semblait avoir fait le tour de la terre. Chaque photo vous faisait voyager dans un autre monde. Par l’œil du photographe, on pouvait admirer des points de vue uniques. Elle était une véritable artiste.

Elle m’invita à prendre place dans le salon. Le canapé était capitonné de cuir rouge vif. La petite table en verre était également recouverte de photos. Mais, elles étaient d’un tout autre genre. Elles représentaient des parties de corps, de corps humains. Pendant que Tiffaine servait un whisky, je perçus, en gros plan, un œil, un sein et même un pénis en érection. Lorsqu’elle revint, deux verres à la main, en faisant cliqueter les glaçons, je la vis sourire. Elle en avait profité pour se changer, se mettre plus à l’aise. Elle portait un t-shirt large qui dénudait une épaule et accentuait l’absence de soutien-gorge. Son jean’s avait laissé place à un mini short rose. D’un geste, elle balaya les photos de la table comme un jeu de Mikado.

Pendant deux ou trois verres, elle me raconta sa vie, ses voyages et sa passion pour la photo corporelle.

Pendant deux ou trois verres, je vis passer en songe quatre-vingt-douze façons de la prendre dans chaque recoin de l’appartement.

Après tout, j’allais mourir.

Par la fenêtre, je vis le crépuscule tomber. J’envoyai un SMS à ma petite femme pour la prévenir que j’effectuais des heures supplémentaires. Qu’elle ne s’inquiète pas, elle pouvait diner avec les enfants car je rentrerais tard.

L’alcool commençait à me monter à la tête. Tiffaine s’approchait de plus en plus. Un moment d’égarement et je sentis un flash. Elle venait de me photographier. Je râlais par principe, mais j’étais flatté lorsqu’elle déclara :

— Je ne photographie que ce que je désire, et ce que je désire, je l’obtiens.

Je déglutis.

Je sentis le souffle de la petite brune aux cercles d’or, je sentis l’odeur de sa peau blanche et fraiche. Je sentis sa main sur mon entre-jambe.

— Stop, arrête ! Je ne peux pas, je suis marié et j’ai des enfants.

Sa bouche était entre-ouverte et ses yeux parfaitement ronds lorsqu’elle me chuchota à l’oreille :

—Avec tes cheveux remontés en chignon, tes tatouages et ton look de mauvais garçon, tu restes fidèle… un vrai gentil mari.

Je détournai les yeux, mon regard se fixa sur les photos encadrées. Je vis les chutes du Niagara s’écouler comme un torrent, la muraille de chine s’effondrer et le Kilimandjaro entrer en éruption.

Je sentis mon cœur battre à tout rompre, J’avais chaud, j’avais froid. Mon front transpirait pendant que mes poils se dressaient. Mes oreilles sifflèrent, ma vue se troubla.

Je regardai Tiffaine dans les yeux. De son épaule, son t-shirt glissa, laissant apparaitre la rondeur parfaite d’un sein. J’effleurai son téton du bout du doigts, il était doux et dur.

J’étais dur moi aussi.

Elle se jeta sur moi, à califourchon, arracha ma chemise et dégrafa mon pantalon. Elle saisit son appareil photo, j’allais rejoindre sa petite collection de clichés et je m’en foutais.

Lorsque je l’ai prise debout contre les vitres de l’immeuble, ses fesses nues ont rencontré la surface lisse et glacée du verre.

Au plaisir des voisins et des passants.

J’ai vu le reflet de mon visage dans la vitre. J’ai vu un visage avec des yeux rouges cerclés de noir, j’ai vu un sourire glaçant. Il était temps de vivre autrement.

Tiffaine haletait à chacun de mes coups de boutoirs. Elle encaissait avec plaisir, elle se mordait les lèvres et griffait mon dos. Ses jambes m’encerclaient.

Elle avait la tête en arrière, m’offrant son cou. Mes mains glissèrent de ses fesses à ses épaules, en passant par ses seins. Mes doigts touchèrent sa jugulaire qui palpitait. J’encerclai ce cou fragile et délicat. Alors que j’accélérai mes vas-et-viens, j’accentuai la pression de mes phalanges.

Encore. Encore.

Je serrai de plus en plus fort. Soudain, elle ouvrit les yeux et fixa mon regard. Au fur et à mesure qu’elle manquait de souffle, elle s’agita, cherchant à se dégager de mon emprise. Ses bras moulinaient et frappaient mon dos. Elle était prise au piège.

Lorsqu’on apprenait qu’on allait mourir, parfois, on lâchait prise. On se laissait déborder par sa rancœur, par le sentiment d’injustice et par sa colère. On dépassait les bornes, plus rien n’avait d’importance. On laissait place à son instinct, nos pulsions animales. On s’en moquait puisqu’on allait mourir.

J’ai vu le visage de Tiffaine changer de couleur, passer du blanc porcelaine au rouge pourpre. J’ai vu l’étincelle de vie s’éteindre peu à peu dans ses yeux. À cet instant, j’étais prêt à exploser, à jouir et j’ai… renoncé.

Je me suis retiré, j’ai lâché son cou.

Elle s’est écroulée.

J’ai porté Tiffaine sur le canapé, je l’ai allongée et je me suis enfui en la laissant inanimée, mais en vie.

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1 commentaire

cedemro

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Il y a 4 ans

Il a vraiment disjoncté le pauvre... Et elle , elle a abandonné sa voiture sur les lieux de son accident ?
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