Fyctia
Épisode 1 - Partie 1
— Oui, allô ? répondis-je en bâillant.
— Bonjour, je souhaiterais parler à David.
— C’est moi… Qui est-ce ?
— Je me présente, je suis le docteur Retcel.
— Bonjour, docteur.
— Excusez-moi de vous déranger un samedi, mais auriez-vous quelques minutes à m’accorder ?
Le docteur Retcel avait une voix rauque bien sympathique, aux accents familiers. Pourtant, j’étais sûr de ne pas le connaître.
— Pas de problème, vous ne me dérangez pas du tout, lui indiquai-je. Pour tout vous dire, je me prélassais dans mon jardin, allongé sur un transat. Je profite du soleil…
— Hum… Parfait ! Vous êtes bien un patient du docteur Bochamps ?
— Oui, tout à fait. C’est notre médecin de famille depuis plus de vingt ans.
— Je vois… Alors voilà, c’est un peu délicat mais… j’ai le regret de vous annoncer qu’il nous a quittés avant-hier. Il est décédé d’une crise cardiaque.
— Oh ! vraiment ? Je n’étais pas au courant… Wouah, je l’ai consulté il y a à peine quelques semaines ! m’exclamai-je, abasourdi.
— Oui, malheureusement, tout s’est passé très vite. Les membres du secrétariat et de l’infirmerie sont très affectés, cela a été un choc pour tout le monde.
— Je n’en doute pas, le docteur Bochamps était très apprécié. D’ailleurs, ma famille et moi l’aimions beaucoup. C’est lui qui a suivi les grossesses de mon épouse et qui a accompagné nos enfants depuis leur naissance. Merde ! J’en reviens pas. Une crise cardiaque… Comment c’est possible ? Il n’était pas vieux.
— Cinquante-huit ans ! Même pas l’âge de la retraite.
— C’est vraiment triste.
— Oui… Une tragédie.
La conversation laissa place à un instant de silence, comme un moment de recueillement en l’honneur de ce cher docteur Bochamps. Puis Retcel reprit la parole :
— David, je vous appelle également pour une autre raison. J’ai repris les dossiers de mon confrère. J’aurais préféré vous recevoir dans mon cabinet, mais nous avons pas mal de tri à faire, j’ai beaucoup de patients à contacter, et c’est un peu la folie en ce moment.
— Naturellement, je comprends.
— À la demande du docteur Bochamps, vous avez passé des examens suite à votre dernière consultation, et nous avons reçu les résultats. Je vais être direct, ils ne sont pas bons, pas bons du tout.
Ma jovialité s’estompa. Je répondis avec lenteur :
— O.K…
— Tout d’abord, la fibroscopie a révélé que vous souffrez de nombreux petits ulcères à l’estomac. Ce sont des lésions qui s’enflamment et provoquent vos remontées acides. Quant à la coloscopie, elle indique la présence de polypes, d’une taille assez inquiétante. Ils retiennent de la matière fécale qui fermente, ce qui aggrave votre état de santé.
— Si je comprends bien, mes problèmes intestinaux viennent de là ?
— En partie, oui.
— Docteur, par pitié, ne me dites pas que je vais devoir repasser l’examen ! Je vous assure que ce n’est pas mon meilleur souvenir. La préparation qu’on m’a fait boire est tout simplement infecte, dis-je avec dégoût.
— Non, cela ne sera pas nécessaire.
— Vous me rassurez !
Après une grande inspiration, le docteur Retcel ajouta :
— David, il y a plus grave… Les résultats de votre prise de sang sont également très mauvais. La présence d’un grand nombre de globules blancs nous indique que votre corps tente de se défendre contre une infection… une infection que nous avons découverte dans vos examens suivants. Écoutez, j’aurais vraiment préféré vous recevoir au cabinet et vous l’annoncer de vive voix, mais…
— Je… Je vous écoute, balbutiai-je.
— Les images de votre IRM et du scanner sont très claires. Nous avons repéré une masse… une noirceur sur une partie de votre cœur. J’en suis désolé…
— Une masse ? Que voulez-vous dire ? Un cancer ?
— Non, pas vraiment. En fait, c’est comme si les cellules et tissus se nécrosaient, un par un. Pour vous l’expliquer simplement, votre cœur s’assombrit et meurt lentement.
Un ange passa.
— O.K. ! finis-je par m’exclamer, me raccrochant à une lueur d’optimisme. Quel est le traitement ?
— Une fois de plus, je suis désolé… mais il n’existe aucun traitement à ce jour, me répondit Retcel. L’affection qui vous touche est rare. On recense seulement une dizaine de cas dans le monde. Nous ne sommes même pas sûrs qu’il s’agisse d’une maladie ; plutôt un renoncement de votre corps, une capitulation.
— Quoi ? Mais, docteur, je ne comprends pas ! De quoi parlez-vous ? J’ai passé tous ces examens pour de simples problèmes de diarrhées chroniques et de ballonnements. Le docteur Bochamps m’avait certifié qu’il n’y avait rien de grave, putain, que ce n’était qu’une formalité.
— David, restez calme. Je comprends que la nouvelle soit difficile à digérer, mais vous énerver ne vous mènera nulle part. Souhaitez-vous que je vous rappelle plus tard ? Le temps pour vous d’encaisser le choc ?
— Non ! criai-je.
— Comme vous voulez.
— Bordel, il doit y avoir une erreur. Vous vous êtes peut-être trompé, le docteur Boch…
— Il n’y a aucune erreur possible, me coupa Retcel. Certes, vos symptômes semblaient effectivement anodins à première vue. Le docteur Bochamps avait noté qu’ils étaient sans doute causés par une bactérie présente dans vos intestins. Il n’aurait jamais pu imaginer votre pathologie. Mais, comme je vous l’ai précisé, les images parlent d’elles-mêmes. Le diagnostic est incontestable. Votre cœur se meurt…
— Il existe forcément une solution !
— Non.
— Ne pourrait-on pas envisager une greffe ? Un nouveau cœur, pour me sauver la vie ?
— En théorie, oui, cela serait une solution…
— Eh bien voilà, faisons ça ! m’enthousiasmai-je.
— Attendez, je n’avais pas terminé ma phrase. Je disais donc : en théorie, oui, cela serait une solution. Mais en pratique, c’est sans espoir.
— Pourquoi ?
— Ce n’est pas si simple. Vous devez passer une batterie d’examens pour confirmer qu’on peut vous inscrire sur la liste d’attente des greffes. Cette procédure seule dure plusieurs semaines. Ensuite, il vous faudra patienter jusqu’à ce que votre tour arrive. Un grand nombre de patients sont déjà en attente.
— Combien ?
— Plus de cinq mille, je dirais.
— Plus de cinq mille…, répétai-je, incrédule.
— Certains d’entre eux attendent un cœur depuis plusieurs années, reprit Retcel. Malheureusement, le plus souvent, les malades décèdent avant d’être greffés.
— Attendez, où voulez-vous en venir exactement, docteur ?
— David… cette solution est inenvisageable pour vous car malheureusement, vous manquez de temps.
— Comment ça ?
— Eh bien…
— Docteur, combien de temps me reste-t-il ? cinglai-je, perdant patience.
Retcel soupira avant de m’annoncer :
— Quelques semaines… Avec un peu de chance, six mois, au maximum.
— Avec un peu de chance… La blague !
J'explosai d’un rire nerveux mêlé de pleurs. À l’autre bout du fil, le docteur s’enquit, gêné :
— David, vos proches sont-ils près de vous ?
— Non. Ma femme fait quelques courses et mes enfants sont chez des amis.
— Vous ne devriez pas rester seul dans un moment pareil.
— Et c’est maintenant que vous vous en inquiétez ? m’agaçai-je. Putain ! Sans déconner, vous vous rendez compte de ce que vous venez de m’annoncer ? Vous m’appelez tranquillement, vous me dites que mon médecin, que je connais depuis des années, est mort subitement, et dans la foulée, vous m’annoncez que je vais bientôt le rejoindre… Comme si cela ne suffisait pas, vous ajoutez qu’il ne me reste que quelques semaines à vivre. Mais allez vous faire foutre !
Ma voix avait tendance à monter dans les aigus avec l’énervement. Là, j’avais carrément pris une octave.
— Vous avez raison, et j’en suis navré, me répondit Retcel. David, appelez votre femme. Moi, je vous recontacterai très bientôt. Nous pourrions convenir d’un rendez-vous…
— ALLEZ VOUS FAIRE FOUTRE !
5 commentaires
M. Staehle
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Il y a 4 ans
Emma Hermosa
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Il y a 4 ans
cedemro
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Il y a 4 ans
Caroline Fournier
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Il y a 4 ans
Sabrina A. Jia
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Il y a 4 ans