Fyctia
Chapitre 53
Quand j’arrive à la maison, il fait nuit noire. Il a fallu que je donne à manger aux perroquets, que je me rafraîchisse (oui, parce que, si vous avez bien suivi, j’ai eu très peu de temps pour me préparer ce matin) et que je range un peu le bazar que j’avais laissé dans la cuisine. Résultat des courses, quand je frappe à la porte, il est 19 h 30. C’est mon père qui m’ouvre, l’air hilare.
— Maddie ! Toujours à l’heure à ce que je vois.
Il m’ouvre les bras. Je ne me fais pas prier pour m’y réfugier.
— M’en parle pas. Charline dit que c’est mon karma.
— Sornettes ! C’est ta nature, ma puce. Ne t’en fais pas, le dîner n’est pas encore prêt.
Nous nous séparons, il ouvre grand la porte. Je suis assaillie par un fumet qui me fait saliver. J’entends ma mère crier depuis la cuisine :
— C’est Maddie ?
— Et qui veux-tu que ce soit d’autre, hein ?
Elle vient à ma rencontre, un torchon à la main.
— Mon chou, qu’est-ce qui t’est arrivé, encore ?
— Laisse-la donc respirer, Martine.
Elle vient me prendre dans ses bras à son tour et me serre à m’étouffer. Dieu que c’est bon ! Elle s’écarte puis m’observe en me tenant le visage dans les mains.
— Tu as bonne mine, en tout cas. Mais je n’ai pas l’impression que c’est grâce aux cochonneries que tu ingurgites.
Je prends un air contrit. Mon père ricane.
— Allez, viens là. Tu vas nous raconter les nouvelles.
Nous nous dirigeons vers la cuisine, une pièce lumineuse, chaleureuse, emplie de tout un bric-à-brac, de meubles en bois, d’ustensiles divers et variés, de casseroles en cuivre qui pendent à des crochets sur les murs, et nous asseyons sur des tabourets autour de l’îlot central.
— Baptiste m’a dit qu’il t’avait vue dans son bouchon il n’y a pas longtemps. Pour lui, tu ne changes pas, tu restes la gamine qui lui tirait les moustaches quand elle était petite.
Je souris.
— J’évite de le faire quand je suis avec mes collègues.
— Quand est-ce que tu te décideras à te rendre dans son restaurant en galante compagnie ? intervient ma mère depuis ses fourneaux, tout en remuant le contenu d’une énorme marmite.
Je lève le museau et renifle comme un chien l’odeur alléchante. Je ne sais pas… Peut-être que j’y emmènerai Raphaël bientôt, si notre relation évolue. Ce qu’il y a, c’est que mon père sera mis au courant dans la minute.
— Bon sang, Martine, laisse-la un peu tranquille avec ça. Maddie n’est pas comme tout le monde. Ma petite puce mérite quelqu’un d’exceptionnel.
— Ça sent drôlement bon, lancé-je. C’est un pot-au-feu ?
Ma mère se retourne avec son énorme cuillère en bois. Elle me sourit et hoche la tête.
— Tu veux que je mette la table ? proposé-je.
— Reste assise, papa va le faire.
Elle se tourne de nouveau vers son souper, mon père me lance un regard entendu.
— Tu sais, je suis bien content d’être rentré, me chuchote-t-il. Les voyages, c’est bien, mais je suis mieux à la maison. C’est ta mère qui veut qu’on profite de notre retraite, qu’on voie du pays. Mais moi, lire mon journal dans mon fauteuil, aller à la pêche, refaire le monde avec Baptiste, ça me suffit. J’ai pas besoin de courir partout pour être heureux.
— Alors pourquoi tu le fais ? rétorqué-je sur le même ton de conspiratrice.
— Pour faire plaisir à ta mère, pardi. Depuis qu’on est tout jeunes, elle me dit : « Quand on sera vieux, que les enfants seront grands, on profitera de la vie, on voyagera. » Je ne vais quand même pas lui briser son rêve.
Je le contemple, attendrie, et pose une main sur la sienne.
— Eh bien, Bernard ? La table ne va pas se mettre toute seule.
Il se lève dans la seconde en me lançant un clin d’œil.
— Oui, oui, ma chérie.
Je pose les coudes sur la table et le menton sur mes paumes tout en les observant s’activer. Ça me fait chaud au cœur de passer une soirée à la maison avec mes parents. Même s’ils se chamaillent souvent, les paroles de mon père prouvent à quel point ils s’aiment. J’espère un jour rencontrer celui qui sacrifiera son petit confort juste pour ne pas briser mes rêves.
Durant le repas, tandis que je me régale de légumes frais, nous parlons de Charline, des jumeaux, de mon quotidien. Avec ma famille, je peux être moi-même, sans filtre. Ils m’aimeront toujours, quoi que je dise ou fasse. C’est libérateur.
À 21 heures, l’âme, le cœur et le ventre pleins, je décrète qu’il est temps pour moi de regagner mes pénates. Je compte régler mon réveil pour qu’il sonne quinze minutes plus tôt demain. Il est hors de question que je refasse le même coup à Fred.
Avant d’aller me coucher, mes pas se dirigent automatiquement vers mon havre de paix. Je fais doucement glisser la baie vitrée pour ne pas réveiller mes deux locataires, entre précautionneusement, puis inspire l’oxygène saturé d’humidité, hume l’odeur de la terre et des fleurs. Je repense à mes parents, à leur longue vie commune.
Faites que je trouve bientôt ma moitié, moi aussi…
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Laeticia LC
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