Lindsay Lorrens Mon jardin d'hiver Chapitre 48

Chapitre 48

Sur la route, nous échangeons des banalités sur le temps, pas encore très à l’aise. Je décide de prendre les choses en main pour détendre l’atmosphère.

— Tu m’emmènes voir quel film ?

— Ah, ça, c’est une surprise, me dit-il, amusé.

— Tu ne me donnes même pas un indice ?


À vrai dire, j’ai jeté un œil aux dernières sorties, et il n’y en a qu’une qui me tente vraiment. Un film comique qui a l’air génial !


— OK… Alors, disons juste que si tu t’attends à une superproduction hollywoodienne avec de l’action, de l’horreur ou du sentimental, tu vas être déçue. Les films d’auteur, tu connais un peu ?

Oh non… Pas ça ! Les trucs en version originale sous-titrée, ou bien des documentaires compliqués censés nous faire réfléchir, c’est de ça qu’il est en train de me parler ?

Réponds quelque chose, Maddie !

— Euh… En fait, je vais très rarement au cinéma.

Oh, ça va, ne me regardez pas comme ça ! Qu’est-ce que j’aurais dû répondre ?

— Vu les navets qui sortent ces dernières années, je te comprends ! J’appelle ça, le septième art des décérébrés. Dès qu’il faut réfléchir un peu, il n’y a plus personne. Allez, je peux bien te le dire : ce soir, je t’emmène voir un film satyrique sur les sociétés post-modernes.


Non, n’écarquille pas les yeux… Surtout, n’écarquille pas les yeux…

— Ah, super… J’ai hâte !

Je frotte mes paumes moites sur le tissu de ma robe. Pour moi, le cinéma, c’est un bon moyen de se détendre, de passer un bon moment. Pas de réfléchir sur un sujet donné. Il va falloir que je garde les yeux ouverts pendant la séance. Et que j’écoute, aussi. Si ça se trouve, Raph voudra débattre des sujets abordés sur le trajet retour.

Quoi ? Moi, j’ai un regard horrifié ? Mêlez-vous de vos affaires, d’abord.

Comme nous n’avons que peu de temps devant nous avant la séance, nous dînons dans le restaurant du cinéma où nous nous rendons ce soir. Je suis un peu déçue par l’atmosphère du lieu, très différent des complexes où j’ai l’habitude d’aller. Ici, point de salle d’arcades, de boutique où l’on vend du pop-corn et des bonbons. Les bonnes odeurs habituelles sont remplacées par un parfum de désinfectant. Il n’y a pratiquement pas de jeunes ; les gens autour de nous arborent des mines sérieuses et hautaines. Je ne me sens pas très à l’aise dans ce genre d’endroit.

Nous montons à l’étage, où se trouve « L’Antre de Pantagruel ». Rien que ça… Un maître d’hôtel à l’allure compassée vient nous accueillir en se courbant légèrement. Il nous mène à une table pour deux, dans un coin. L’ambiance est très guindée. Des serveurs en costume noir et chemise blanche apportent les menus et les plats en toute discrétion. Les gens attablés autour de nous chuchotent. Il n’y a presque pas un bruit. J’observe distraitement la carte que l’on vient de m’apporter. Les plats ont tous des noms ridiculement longs et recherchés. Je lève les yeux, Raph m’observe en souriant. Je me détends quelque peu.

Pour moi, ce sera « écrasé multicolore au crumble de parmesan avec son carpaccio de saumon au citron confit et sa verdure de saison ». Essayez de le dire très vite, sans reprendre votre souffle. Pas facile, hein ?

— Tu viens souvent ici ? lancé-je pour me débarrasser de ce carcan de nervosité qui m’étouffe depuis mon entrée dans cet endroit.

— Très. J’aime beaucoup l’atmosphère décontractée et authentique qui règne ici.

Je bugge durant quelques secondes, puis reviens brusquement à la réalité.

Non, pas ça. Pas maintenant.

Je vous ai déjà parlé de ma propension à être prise de fous rires nerveux et incontrôlables aux pires moments ? Voilà, c’en est un. Je dois absolument filer aux toilettes avant d’attirer l’attention de toute la salle sur moi. Je saisis l’élégante serviette en lin posée sur mon assiette, la plaque sur ma bouche et simule une quinte de toux. Je m’excuse brièvement auprès de Raphaël avant de prendre la fuite. Dès que j’ai repéré la porte des WC, je la pousse brusquement et me réfugie dans l’une des cabines, où je laisse déborder mon hilarité, les spasmes me secouer et les larmes couler. « L’atmosphère décontractée et authentique. » Sérieusement ? Même leurs sanitaires sont ostensiblement luxueux : du marbre, des serviettes éponge moelleuses, de la musique classique.

Mince ! Avec mes bêtises, je suis sûre que tout mon mascara a coulé… Une fois certaine que la crise est passée, je sors et me dirige vers le grand miroir à la propreté irréprochable. Bon, ç’aurait pu être pire. Je saisis du papier dans l’un des distributeurs et m’essuie le coin des yeux. Après quelques exercices de respiration, je retourne à la cour du roi Soleil.


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26 commentaires

Laeticia LC

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Il y a 2 ans

✨💕

Chrys59

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Il y a 2 ans

Voilà c'est fait ma Céline ! Du coup j'ai 2 chapitres à lire ! Ça va, pas beaucoup de retard

Gabrielle Dubois

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Il y a 2 ans

... Maddie

snliska

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Il y a 2 ans

Coup de pouce ^^

Ana_K_Anderson

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Il y a 2 ans

<3

Jessica M

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Il y a 2 ans

😊

Ninon Amey

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Il y a 2 ans

☺️

Maryline PIAUD

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Il y a 2 ans

👍❤️

Chloe Miller

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Il y a 2 ans

Coup de pouce <3

Nabemy

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Il y a 2 ans

💗💗💗
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