Fyctia

Ce soir, j’ai le moral dans les chaussettes. Mais je n’ai pas envie de jouer les Dr Freud, à tenter une auto-psychanalyse. Inutile de chercher midi à quatorze heures. Il n’y a qu’une chose qui puisse m’apporter du réconfort : mon jardin d’hiver.

Je marche lentement jusqu’à ma chambre, pour ménager ma cheville toujours un peu douloureuse, me dirige vers le placard où j’attrape un bas de jogging et un vieux tee-shirt que j’enfile, assise sur mon lit. Je pousse un soupir de bien-être. Ces vêtements sont bien plus confortables ! Mais je me vois mal aller au bureau tous les jours dans ce genre de tenue. Je me mets à ricaner en imaginant la tête des autres si je tentais l’expérience. Je saisis un élastique sur ma table de chevet, attache à la va-vite mes cheveux en queue-de-cheval puis redescends avec précaution pour me diriger vers mon cocon.

Quand je m’occupe de mes plantes, je ne pense plus à rien. Ça a un effet thérapeutique sur moi. Je fais coulisser la baie vitrée et la referme aussitôt derrière moi. Je me gorge de cet air tiède, humide et parfumé aux fleurs. Après avoir poussé un soupir de satisfaction, je focalise mon attention sur Trévor et Véran… euh… Vanda, qui s’ignorent toujours avec application. Trévor est perché sur sa branche préférée, ce qui m’arrache un sourire.

— Alors, mon beau, tu joues les sentinelles ? Tu as peur que Miss Vanda te pique la place ?

Je m’approche de lui pour vérifier son plumage. Pas de nouvelles plumes arrachées, on dirait.

— Hum… On joue la carte de l’indifférence, mais on surveille quand même son apparence, hein ?

Il me jette un coup d’œil, puis détourne le regard. Je suis secouée d’un léger rire et lui donne quelques caresses derrière la tête. Il ferme les paupières. C’est un amour. Je saisis ensuite un sachet de fruits secs dans la petite armoire où je range leur nourriture et en dépose quelques morceaux dans le bol.

— C’est dommage que vous ne mangiez pas de vers de terre. Vous auriez pu faire un remake de la scène des spaghettis, dans La Belle et le Clochard. Vous seriez tombés amoureux direct ! Avec des graines et des fruits coupés en morceaux, c’est moins évident.

Je marche ensuite en direction de ma nouvelle pensionnaire, mais elle n’est pas encore tout à fait habituée à moi et s’envole dès que j’arrive près de la branche sur laquelle elle est posée. Ce n’est pas grave, je dois lui laisser le temps de s’acclimater.

J’enfile alors mes gants de jardinage et passe aux choses sérieuses. J’attrape plusieurs pots en terre cuite de toutes tailles que j’aligne à mes pieds, dépose tout au fond une couche de billes d’argile et m’occupe du rempotage de certaines plantes qui commencent à se trouver à l’étroit dans leur contenant actuel. Je saisis le sac de terreau, ma petite pelle et offre à mes copains bégonias, azalées et cyclamens un nouveau souffle. Je les arrose enfin copieusement pour éviter qu’ils ne se flétrissent avec le stress causé par le changement de pot. Ensuite, je m’attelle à tailler les bonzaïs et mon merveilleux rosier de Damas, avant de donner un peu d’engrais aux orchidées.

Trévor choisit ce moment pour venir se poster sur la table en fer forgé, juste à côté de moi. Je lui souris puis ôte l’un de mes gants.

— Tu veux encore des caresses, coquin ?

« On t’aime, tata. »

— Oh… Lily et Thomas… Ils sont trop mignons…

« Je veux une Barbie. »

Mes yeux s’écarquillent.

« Moi des Pokémon. »

Je marque un temps d’arrêt puis renverse la tête en arrière et ris à gorge déployée, faisant peur à mon perroquet qui retourne sur sa branche d’olivier. Les monstres ! Ce sont de sacrés petits malins. Ils ne lui ont pas appris de mots interdits, cette fois-ci, comme je le leur ai demandé. Non. Ils m’ont transmis un message pour leurs cadeaux d’anniversaire. Je finis par m’essuyer les yeux, humides de larmes.

Je les adore…