Fyctia

— Non. Ce sont mes neveux. J’ai 28 ans, vous savez.

Elle écarquille les yeux et me dévisage, sceptique.

— Vraiment ?

— Vraiment.

— Désolée…

— Ne le soyez pas. J’ai l’habitude.

Notre attention se focalise de nouveau sur les petits êtres excités qui évoluent devant nous.

— Euh… C’est votre nièce qui est en train de tirer les cheveux de ma fille ?

— Oups, désolée. Je m’en charge.

Je me lève aussitôt et me dirige vers la jeune Sioux adepte du scalp.

— Lily ! Lâche cette petite fille.

— C’est pas sa faute, tata, intervient Thomas, prenant la défense de sa jumelle. Elle veut lui prendre sa balançoire.

La petite fille se met à chouiner.

— Elle est vilaine ! Elle veut pas me la prêter.

— Tu dois attendre ton tour ! râle Lily. Je viens juste d’arriver.

— Oh, regarde, lancé-je à la petite peste. Une autre balançoire vient de se libérer.

— Non, c’est celle-là que je veux !

Elle croise les bras devant elle. Respire, Maddie…

— Écoute, lui dis-je, diplomate, Lily était là avant toi. Donc, soit tu t’assois sur l’autre, soit tu vas sur un autre jeu !

Sa lèvre inférieure se met à trembler, elle fait demi-tour en criant : « maman ! ».

Génial… Ma voisine de banc se lève et vient à ma rencontre, le visage fermé.

— Il y a un problème ? me demande-t-elle sèchement.

— Pas du tout, répliqué-je aimablement.

— Pourquoi votre nièce refuse-t-elle que ma fille joue à la balançoire ?

— Je me permets de rectifier, si vous le permettez : ma nièce vient juste d’arriver sur cette balançoire et votre fille veut prendre sa place. Vous le voyez bien, il y en a une autre juste à côté.

Mon interlocutrice renifle bruyamment et déclare à son petit poison :

— Viens, Annabelle. Il est inutile d’essayer de discuter avec ce genre de personnes.

Elle ponctue sa phrase d’un regard de haut en bas sur ma personne, avant de quitter les lieux.

OK…

— Bon, Lily, Thomas, essayez d’être gentils et de ne pas vous faire remarquer, s’il vous plaît.

— Mais, on n’a rien fait, tata.

— Non, je sais bien. Allez, je retourne sur le banc. Soyez sages, hein ? Sinon, pas de glace.

Ils hochent la tête.

Je continue de les surveiller d’un œil tout en contemplant les environs. Ce parc est vraiment agréable. De hauts conifères et des arbustes à feuillage persistant tels que des camélias, des rhododendrons ou encore des lauriers apportent une touche de verdure bienvenue, surtout en cette saison hivernale. Un peu plus loin, des canards, des hérons et des oies parcourent tranquillement l’étang, tout en poussant des cris de temps en temps. Je pense à mon jardin d’hiver. Je pourrais peut-être y ajouter un camélia ? J’adore cette fleur. Une sensation de calme m’envahit… jusqu’à ce que mes yeux se posent de nouveau sur l’aire de jeux. Où est passé Thomas ?! Je me lève instantanément. Mon cœur s’arrête de battre. Je cours en direction des différentes structures.

— Lily ? Où est ton frère ?

— Je sais pas… Tata, je dois faire pipi.

OK. Je suis en train de faire un cauchemar. Et je vais bientôt me réveiller. Bon, il est quand même très réaliste, le cauchemar !

— Thomas ? Thomas !!!

Je me mets à tourner en rond, comme un lion en cage. J’attrape Lily par le bras et me lance à la recherche du petit fugueur. Mon Dieu ! Et s’il avait été enlevé ? Jamais je ne me le pardonnerais… Mes yeux se remplissent de larmes.

— Thomas ! hurlé-je, des sanglots dans la voix.

— Coucou, tata !

Mon neveu surgit de derrière une cabane et me saute dessus.

Mes jambes me lâchent, je tombe lourdement dans les cailloux. Il se rue sur moi.

— Je t’ai bien eue, hein ?

Ce gosse vient de me faire perdre dix ans de vie en cinq minutes ! Je comprends mieux pourquoi Charline a un paquet de cheveux blancs. Je l’attrape par les épaules et braille :

— Mais pourquoi tu as fait ça, bon sang ?!

— Ben, je jouais à cache-cache. Tu as perdu !

— Tata, je crois que j’ai fait pipi…