loup pourpre Mon copain, le ragondin 15) Le roi de l’emboucanement

15) Le roi de l’emboucanement

Vous voulez bien m’héberger ? Vous voulez bien m’héberger ?


Cette interrogation revenait en boucle dans ma tête, tournant et retournant le sens de la question. Le plus grand mystère est : Pourquoi avait-il dit '' Oui, bien sûr.''?


Comme le Big Crush, personne ne le saurait avant que ce soit la fin de l’histoire.



Début décembre. Les dernières feuilles ocre s’étalaient lascivement sur le sol givré. Sa voiture slalomait soigneusemment entre les plaques blanchâtres. Il devait éviter l’accident. Sinon il aurait encore emmené l’arsouille du siège passager à l’hôpital. Vu comme il désaimait de tout son coeur les soins apportés à sa personne, ce ne serait pas la panacée.


— Ouah ! Mais ce n’est pas une maison, c'est un palace. Ce n’est pas étonnant que je me suis pris un bout de cette grandeur. Même moi, je n’ai pas l’habitude.


Ce fut sa première réaction en apercevant le domaine de Chaterley Platz.


On était encore à cinq kilomètres, sur la route forestière. Il n’avait pas tout vu de la splendeur du lieu.


Sa Subaru passa le portail qui s’était ouvert, défila et s’arrêta au bout du chemin à la teinte mordorée sous l’aurore. Encore la réverbération du givre. Il devrait appeler l’homme de bonne main du quartier, Juanito. S’il pouvait rafraîchir le gazon de Madame de Strückmuch, il pouvait probablement dégeler le sien tout aussi vite.


Les hauts murs gré s’étayaient avec détail sur l’horizon. Alors qu’il s’engagea sur la voie privée, le malade continua :


— Vous êtes un petit cachottier. Vous ne m’aviez pas dit que vous possédiez une fortune immense. Pour un p’tit bout d’chou, c'est déconcertant.


— Et pourtant, j’ai la plus grosse que vous n’avez jamais vu... Enfin... La propriété, hein ?


Je rougis de honte. Dieu qu’il faisait chaud dans cette voiture et ce n’était pas la climatisation qui était en cause. Je sortais de l’habitacle comme mon voisin, me dirigeant vers l’entrée de son chez moi.


C’était mon domaine. Enfin, celui de mon ancêtre l’albanais qui s’est acoquiné avec une des dernières du Mayflower. Une certaine Maxima de Winters. On l’appelait Maxou dans la famille. Je ne sais pas pourquoi. Une référence à Vanessa Paradis ?




La double porte en acajou me faisait face. Je passai le seuil avec mon invité. Le grand Hall où l’escalier de marbre allait jusqu'aux quatre étages nous accueillit.


— Ma famille a acquis ce manoir des siècles de cela. C’est mon aieul Goran Mulosevic qui l’a acheté. Il a fait fortune dans le chemin de fer et l’exploitation minière. Cependant, son plus gros fait d’armes est de s’être imposé face à ses concurrents et acquis la plus grande parcelle forestière. Ça doit être pour ça qu’on l’a appelé le Rongeur de Fondements.


— Ah oui, tu crois ça, Alberth ?!


Il me fit un sourire sarcastique dont je ne compris pas le sens.


— Je ne te suis pas Yorl. Qu’est-ce tu veux sous-entendre ?


Il resta bouche close, le sourire figé. Un air interloqué s’accrochait à sa face.


C’est vrai que c’était la première fois que je l’appelais par son prénom et aussi que je le tutoyais.




— Tu comprendras quand tu seras plus grand, mon petit bout d’chou.


Il me laissa avec cette phrase sybilline et parfaitement moqueuse sur le palier de ma demeure. Le dégingandé s’avança déjà vers le salon parqueté d’un blond de chênes centenaires.


Il est vraiment bizarre des fois mais bon, je commence à m’y habituer.


Les sourcils froncés un temps, cette réplique s’effaça de ma mémoire. Je le suivis et lui fis le tour du propriétaire.




Mais pourquoi l’avait-il accepté en son sein ? C’était pure folie.

C’est vrai qu’il était encore en convalescence d’après le médecin.


C’est vrai que le convalescent avait dit qu’il n’avait personne chez qui allait.


Et puis, il lui avait fait un regard de chien battu. Sa cryptonite de Supermou.


C’est vrai qu’une idée lui était venu à l’esprit :


Et pourquoi pas le prendre ? Le fait qu’il s’introduise en moi....


Qu’est-ce que je déblatère ?


Qu’il cohabite chez moi ne me ferait pas de mal. Cela me serait plutôt bénéfique en cette sombre période.


Il en avait vu d’autres avec ces voisins.


C’était ce qu’il s’était dit.


Maintenant qu’il l’observait gigoter comme un gamin hystérique, admirant le luxe de ses intérieurs avec ses lustres cuivrés aux cristaux décadents, il n’était plus très sûr.

Il s’était fait avoir sur toute la longueur et, malheureusement, il en avait fallu bien peu.


C’était le roi de l’emboucanement, celui-là. Un boucanier ayant volé le trésor de son cœur par ses yeux n’aurait pas fait mieux.

Tu as aimé ce chapitre ?

2

2 commentaires

Gottesmann Pascal

-

Il y a 12 jours

Oh le voleur de cœur. Rien à dire c'est poétique et joliment dit.

loup pourpre

-

Il y a 13 jours

Petite bévue. Ici, je suis au passé/imparfait et à la troisième personne. Je retourne à la première au chapitre suivant. Et au présent. 😉
Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.