Fyctia

Il bave. Il rebave. Il bave encore une fois. À croire qu’il ne sait que baver. D’envie. De plaisir, peut-être. Je ne sais pas.

Je ne suis pas à l’intérieur de sa tête après tout. Et tant mieux ! Cela doit être un beau bordel là-dedans.

Plein de belles plantes vénéneuses et de créatures fantasmagoriques.

Des pots de colle arrimés à ses bras. Des traits esquis dont il dessine les contours de ses doigts. Des parcelles de peaux qui effleurent sans tracas.

Son sens animal qui caresse dans le sens du poil. Donnant des heures et des heures de son expertise.

Excusez-moi. Je ne vous parle pas de ces conquêtes; là. Je vous explique son métier.

Rassurez-vous. Il ne va pas vous momifier. Mon cher compagnon est en vacances pour l’instant. Après tout ce qu’il a mal fait, c'est normal.

Ah ! Où en étais-je ? Sacrebleu !

Oui, c’est ça ! On l’appelle le maquilleur de morts et ce n’est pas pour vendre du saucisson.

Et encore il a de quoi faire en charcuteries. Un plateau de cochonailles et de fromages se dessèche lascivement au soleil sur son plan de travail.

Pas loin de là. Une tête de cerf attend tranquillement de se faire encadrer en trophée.

Ah! Il a de ces passions, je vous dis !

Il faut dire que ces deux activités sont très proches.

Entre taxidermiste et thanatopracteur, il n’y a qu’un pas pour se refaire une beauté.

Passons outre cette lubie macabre. Moi, je m’en bats les steaks. Désolé encore pour cette métaphore bouchère. Décidément, je vais finir boucher.

En attendant, ça me donne les crocs. Mon ventre gronde.

Je l’observe. Ronflant, pétant... Rotant? Non, pas maintenant !

Quelle horreur ! Est-ce que sa bouche est si grande que je la vois?

C’est dire s’il n'écrase pas son coing tous les quarts d’heure!

Vous croyez que là, il se repose sur ses lauriers ?

Jamais !!!

Il est concentré dans le sommeil.

Ou ... ... il somnole, seulement.

Je le regarde fixement comme si je voulais le dévorer. C’est vrai que j’ai faim mais pas à ce point. Il n’est pas à mon goût.

Trop... trop lui.

Il faut que je fasse quelque chose pour le réveiller.

Réfléchissons... Réfléchissons avec nos petites cellules grises, comme dirait un certain Hercule dans le poireau.

Ah ouais ! Éclair de génisse !

Ne prenant ma dose de lactose, je ne perds pas de temps à biberonner. C’est pas mon truc de vaciller tel l’alcoolo.

Là, je pars tout de go. Je me désincarcère du canapé et me ventripote comme si ma survie en dépendait.

Je rampe presque, encore bien dans les vapes, et évite tant soit peu les obstacles au passage.

Ting !

Malheureusement, je touche un objet.

Oh ! Le vase de mémé ! Je le stabilise. Vu la taille, cela pourra toujours servir comme urne funéraire.

Allez ! Trêve de plaisanteries. Cette entreprise, c’est du sérieux, voyons! Hein que c’est du sérieux ?!

Je chemine parmi le foutoir du parquet brun tel l’allié dans un champ de mines ennemies pour me retrouver enfin, tout en haut, sur un faît accompli.

Faisons attention à ne pas brûler les ailes. Je n’ai pas envie d’avoir le croupion roussi. Maintenant, il faut juste que je prenne un peu d’élan. Ou de cerf. Hein, mon poto!

Détournant le regard, je me concentre sur mon objectif. Prenant appui sur le rebord en bois, je saute tel Icare dans les cieux.

Et pan ! Sur l’objet ! Perfecto ! Splendissimo ! J’ai fait un triple lutz digne d’un rouleur de patins artistique.

C’est qui, le boss? C’est me, les girls. And boys, etcétéra.

Je m’accroche à la petite plate-forme et oscille de toute force.

Au début, cela ne bouge pas. Non! Qu’est-ce que je dis ?! Cela bouge très bien avec mon poids de rhinocéros anorexique.

Encore quelques centimètres sur la droite et c’est bon !

SCHPLAAANGGGG !!!!!!

Un fracas tonitruant s’empare de la pièce. Puis, une voix de rossignol fait son nid !

COUCOU ! COUCOU ! COUCOU !

Oh! Non, c’est un coucou ! Il faut dire que bien fait pour ces voleurs d’œufs.. .

Et bien fait pour lui ! Le foutu coucou qu’il a empaillé en horloge l’a eu. Il est tombé sur lui.

Revanche d’outre-tombe? Peut-être.