Fyctia
08. Quentin – Bilan de soirée
La peau rafraichie par la douche prise à mon retour de soirée passée en compagnie de mes parents, je tire la couette sur moi. J’hésite même à enfiler mes chaussettes. Fait sacrément froid ce soir.
Les images se succèdent dans mon esprit et m’empêchent de trouver le sommeil. D’abord la mine surprise de ma future collaboratrice, les sourires moqueurs de deux cousins, le visage de Flo près du mien me complimentant sur mon aftershave, les mignardises, mais aussi les éclairs de colère dans les yeux de Jane, ou son désarroi. J’ai même eu l’impression qu’elle était en panique lorsque j’ai quitté son logement.
Je comprends mieux pourquoi elle tient à se remettre en selle. Non seulement l’appart’ est bien situé, spacieux et avec une cuisine de dingue, mais en plus la miss excelle en pâtisserie. Je suis d’habitude, avare d’éloges, mais là… rien n’était trop. Ni trop lourd, ni trop sucré, trop volumineux, trop gras, trop croustillant, ou trop moelleux. Elle parvient à faire de chaque bouchée une explosion de saveurs sublimes.
Bordel, mec ! On dirait une chochotte qui parle là ! C’était bon. Point !
Par contre, je me demande ce qui s’est passé pour que d’un jour à l’autre tout tombe à l’eau. Elle est restée vague sur sa chute aux enfers, mais d’après ce que Pierre a lâché, la descente a été terrible. Je lui poserai la question.
Au milieu des images des créations de Jane viennent se superposer les visages de ma mère et mon père. Souriants en me voyant, inquiets en fin de repas, voire même carrément fermés au moment de prendre la décision. Ou du moins, de m’accorder le délai demandé.
La soirée a été plus mouvementée que l’après-midi. Plus tendue aussi. Ma grand-mère n’est plus suffisamment indépendante pour vivre seule et mes parents ne peuvent ni s’en occuper ni payer un soutien à domicile, plus avec la même fréquence. Mamie n’est pas sénile, démente et encore moins handicapée, elle a simplement des pertes d’équilibre. Et après sa dernière chute, maman a été catégorique : une aide chaque jour ou l’EHPAD. Autant dire que ma grand-mère ne voulait ni de l’un ni de l’autre, mais qu’elle a fini par accepter une présence surtout pour rassurer sa fille.
— J’ai une suggestion. Mais laissez-moi finir avant de refuser, avais-je annoncé à mes parents peu avant le dessert, ce soir. Mon travail ne m’oblige pas à me rendre quotidiennement dans un bureau à l’autre bout de la ville. Je peux quasiment bosser de n’importe où. Je vous propose de m’installer chez mamie durant un mois, de faire venir l’aide à domicile pour les soins intimes ou médicaux que je ne peux pas faire et pour le reste, vous me laissez gérer.
— Mais… et ton appart ?
— Pour décembre, rien ne change. Si la situation perdure, je trouverai quelqu’un à qui le louer.
— Quentin, même si ta grand-mère n’est plus toute jeune, elle peut vivre encore dix ans. Tu es prêt à sacrifier une partie de ta vie pour…
— Qui parle de sacrifice, maman ? Si pour toi, c’est mettre ton quotidien entre parenthèses en t’occupant d'elle, je peux le comprendre, mais tu peux aussi admettre que…
— C’est une mauvaise idée, était intervenu mon père d’un ton qui n’accepte aucune remarque et pourtant je ne me suis pas arrêté là.
— J’ai besoin de me recentrer sur moi, sur ma vie, sur ce que je veux faire. Un peu comme un retour aux sources, je passe les fêtes avec mamie et on avise en janvier. Si c’est trop lourd pour moi ou trop déstabilisant pour elle…
— Et tes petites amies ? Tu ne vas pas les emmener chez ta grand-mère ?
— Mes petites amies ? Maman ! Je n’ai pas DES petites amies. J’ai des amies avec qui je partage du temps, mais je ne couche pas tous les soirs avec elles.
La conversation s’était poursuivie sur nos rythmes différents, nos habitudes à l’opposé l’un de l’autre, l’éloignement de la ville, la crainte que notre relation se détériore, mais au final, j’avais tenu.
Je ne sais pas trop s’ils espéraient que je me plante et que j’avoue ne pas en être capable ou au contraire s’ils seraient soulagés de ma présence près de mamie. Sans doute un peu des deux. Comme moi, d’ailleurs. Je n’ai jamais vécu avec quelqu’un depuis que je suis parti de la maison familiale et si au moment du repas, cela me paraissait être une bonne idée, là au milieu de la nuit, j’ai un sérieux doute qui m’envahit.
J’avais terminé la soirée dans une boîte du quartier, flirtant ouvertement avec la barmaid, qui n’a pas refusé que je la raccompagne. La prochaine du genre risque d’avoir lieu dans longtemps, si je deviens le chaperon de ma grand-mère. Mais je dois bien admettre que… même si j’adore les conquêtes, la finalité commence à me lasser. Enfin… Ne croyez pas que je n’aime pas le sexe. Au contraire. Mais je préfère le jeu de la séduction.
Comme je termine toujours avec le même genre de fille, grande svelte, sportive, petite poitrine, ventre plat, hanche arrondie, leur corps finissent par se ressembler. Alors que leur réaction face à un regard appuyé, un sourire enjôleur, une caresse volée ou un compliment à demi-avoué… le risque d’une boutade, d’une baffe ou de les faire rougir me surprend bien plus. Tout comme le moment où il faut choisir si on passe la nuit ensemble… l’instant où les mots perdent de leur sens et seuls les yeux se parlent. Les émotions se bousculent, l’attente avant la confirmation est grisante. J’adore ces quelques secondes. Parfois j’aimerais tout arrêter juste pour avoir le plaisir de séduire à nouveau.
Ma respiration se calme, mes paupières sont closes et je m’endors avec les paroles douces de Floriane, glissé à mon oreille peu avant mon départ. Était-ce du flirt comme je l’entends ou espérait-elle plus de ma part ?
9 commentaires
loup pourpre
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Il y a 9 jours
MarjorieM
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Il y a 9 jours
MélineDarsck
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Il y a 9 jours