MélineDarsck Miss ni oui ni non 06. Quentin – Définir le job

06. Quentin – Définir le job

Elle m’amuse. Elle ne semble pas comprendre quand je plaisante, ou alors elle ne saisit pas le second degré, mais ses maladresses me distraient. Si au début j’avais l’impression de perdre mon temps, en la suivant dans son antre, je me surprends à vouloir lui lancer d’autres pics juste pour la déstabiliser et la voir se démener avec ces tourments intérieurs. J’avoue que son t-shirt informe accompagné de son leggin défraichi détonne un peu avec la tenue plus sexy de son amie, tout comme son attitude. J’ai même le sentiment qu’il n’y a que Floriane et Pierre qui s’enthousiasment pour ce projet. Jane ne parait pas plus emballée que moi.


Une fois tous les quatre dans son antre, je la trouve encore plus gauche, tournant la tête de tout côté, cherchant un ustensile ou un plat. Est-elle impressionnée ? Intimidée ?


Elle nous indique le bar séparant le salon de la cuisine et nous propose de nous y installer. Elle dépose trois assiettes et trois petites cuillères côte à côte avant de repartir vers le réfrigérateur.

J’observe la pièce dans son ensemble, m’approche de la fenêtre, scrute les lampes et expose ma pensée à voix haute :


— Il n’y a pas beaucoup de lumière ici. Pour les photos, ça ne sera pas terrible.

— Tu vois ! tique la pâtissière en fixant sa colocataire. Pas terrible. Tu veux laisser tomber avant même de commencer ? me demande-t-elle.


Il me semble que je décèle une lueur d’espoir dans la fin de sa phrase. Je n’ai donc pas rêvé. Elle n’est pas chaude pour cette collaboration, pas plus que moi.


— Il a juste dit que la lumière manquait. Rien à voir avec tes mignardises, explique Pierre. On peut goûter ?


J’échange un regard avec la maîtresse des lieux un peu avant qu’elle détourne son attention et je pourrais jurer qu’elle me demandait silencieusement de l’aider. Donc, si l’idée ne vient pas d’elle… si elle n’est pas à l’aise avec la situation, peut-être que je serai débarrassé de cette corvée.


Jane soulève une cloche et s’approche de nous, un plat entre les mains. J’observe son visage avant de m’intéresser aux douceurs. Ses joues rosissent légèrement et je sens un petit tremblement dans sa voix alors qu’elle nous présente :


— Ceci est un biscuit roulé fourré d’une mousse aux agrumes confits.


Elle dépose un mini gâteau sur chaque assiette et ordonne à Pierre d’attendre. Elle n’ose plus un regard sur moi et poursuit avec une tartelette au citron meringué, des orangettes en spirale recouverte d’un chocolat apparemment de qualité. Elle découpe dans un plat en verre une part de tiramisu qu’elle place entre les autres douceurs. Si elle parvient à le faire de manière délicate pour mes deux compères, mon assiette se retrouve avec une sorte d’écrasé de biscuit dégoulinant d’une gelée peu ragoutante. La spatule a manqué l’atterrissage et le résultat ne donne pas vraiment envie.


Je fronce les sourcils, étonné par ce manque de finesse et observe encore plus attentivement noter hôtesse. Ses mains tremblent. De peur ou de colère ?

Elle termine ses allers-retours entre le plan de travail et le bar en déposant un mini éclair au chocolat. Même s’il est petit, je ne pourrai pas tout avaler sous peine de gâcher le dîner prévu avec mes parents juste après.


— On commence par quoi ? salive Pierre.

— Par imaginer les possibilités pour rendre tout ceci aussi beau que bon, propose Floriane.

Frustré, il soupire et je prends les choses en main.

— Tiens, mange, espèce de gourmand ! dis-je en échangeant nos assiettes avant de me lever et de me tenir près de Jane.


Plus vite je lui montre ce que je vois, plus vite elle devra se positionner et plus vite je pourrai réfléchir à un autre projet. Autant la pousser dans ses retranchements, voire même tenter de la vexer.


— Tu as d’autres plats ? D’autres assiettes ? Des bols en couleur peut-être…


Elle écarquille les yeux et bredouille :


— Tu… tu veux pas goûter ?

— Si, peut-être… après ! Je ne suis pas venu pour juger tes gâteaux, je suis sûr qu’ils sont bons, mais si Pierre m’a demandé d'être présent, c’est pour les mettre en valeur. Alors ? m’impatienté-je.


Elle pose ses mains sur les hanches, penche la tête et me regarde d’un air ahuri comme si elle ne me comprenait pas.


— Bons ? Ils ne sont pas bons, ils sont délicieux !


Je lui souris en guise d’excuse, alors qu’elle poursuit :


— Et qu’est-ce que tu reproches à mes assiettes ? grommelle-t-elle en serrant les poings.

— Tu n’as pas l’œil ! C’est normal, ce n’est pas ton job, mais fais-moi confiance, dis-je en m’approchant des armoires. Tu as des trucs en verre, en porcelaine ou en inox ?


Si elle ne veut pas m’aider, je devrais réussir à me débrouiller pour dénicher une solution dans tout ce fatras. Une main sur la première poignée, je crois tirer la première porte d'un placard lorsque de petits doigts la font claquer brusquement contre son cadre.

Je pivote sur moi-même alors qu’elle me fusille du regard. J’ouvre la bouche pour protester, mais elle me devance :


— Ça marchera pas ! Tu respectes rien, pas même mon espace. J’abandonne !


Génial ! pensé-je. Quoique… je n’aime pas trop le : « respecte-rien ! » C’est faux !


— Ah ouais ? Et c’est quoi le plan alors ? s’énerve sa colocataire.


Jane reste muette et une sorte de combat silencieux se passe entre les filles sans que nous osions intervenir. La tension est palpable.


— Tu as accepté de bosser au McDo ? renchérit-elle.


Mutisme. De plus en plus mal à l’aise, j’hésite à faire demi-tour et à rejoindre mon ami près du bar.


— À moins que tu ne préfères…

— Tais-toi ! explose Jane à bout de nerfs. Tu sais parfaitement que je n’ai pas de plan.

— Moi je t’en propose un à moindres frais, qui ne te fait pas sortir de ton confort. Accepte au moins de l’écouter et arrête avec ton protocole à la noix !


Sans plus attendre, Floriane engouffre l’éclair de son assiette et marmonne un truc ressemblant à un compliment.

Pierre, ravi de pouvoir l’imiter sans craindre ses foudres, ne tarit pas d’éloges sur la pâte à choux. Il n’en a jamais mangé de meilleur… apparemment.


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5 commentaires

Amphitrite

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Il y a 10 jours

Miss ni oui ni non, elle doit avoir quelques ancêtres normands!

MélineDarsck

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Il y a 10 jours

Je t'avoue que je n'ai pas poussé le vice jusqu'à faire ce type de recherche :D

Amphitrite

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Il y a 10 jours

C'est le fameux p'tét ben qu'oui, pt'ét ben qu'non ! Sion je participe au concours polar si tu as le temps de passer.
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