MélineDarsck Miss ni oui ni non 04. Quentin – Ce n’est pas gag

04. Quentin – Ce n’est pas gag

Il a garé sa voiture dans une rue adjacente et depuis que nous longeons ce trottoir, serpentant entre les passants et les arbres, il me sermonne : Ne pas faire de remarques déplacées ! Ne pas paraître froid ! Au moins le temps qu’elle se sente à l’aise… ne pas jouer l’asocial et communiquer.


Comme si j’avais l’habitude de rester dans mon coin. Je grogne.


— Non, tu ne restes pas dans un coin, mais dans ta bulle. Et plus encore quand tu bosses. Là, tu viens faire connaissance et voir ce qu’elle souhaite.

— Je croyais qu’elle était désespérée, ironisé-je.

— Comme toi ?

— Pierre ! Des photos, je peux en faire partout et tout le temps.

— Oui, mais peux-tu les publier comme tu le désires ? Je veux dire ailleurs que sur tes propres réseaux ? Ou dans ton salon ?


Je serre les mâchoires. Je n’aime pas quand il a raison. Mais je ne le sens pas ce rendez-vous !

Je pousse un profond soupir lorsqu’il me tient une lourde porte et m’invite à passer devant lui. Je lance un rapide regard sur la façade, histoire de repérer les lieux. On sait jamais. Elle ressemble aux autres, rien ne la distingue de ces voisines, si ce n’est un balcon fleuri et évidemment son numéro. La neige qui se glisse dans mon col me fait frissonner et Pierre s’impatiente.


Il a raison pour une chose : j’aime partager mon travail et si le salaire n’assure pas tous mes frais, c’est toujours jouissif d’être apprécié ou d’aider quelqu’un d’encore plus désespéré que soi. Même si je préfère nettement zoomer sur les plumes d’un rapace dans les Andes que sur la chantilly d’un gâteau d’anniversaire, ça m’obligera à retrouver des codes que j’ai perdus. Et surtout m’offrira d’autres opportunités ! Enfin ça c’est moins sûr, mais je me console comme je peux.


L’ascenseur couine, l’immeuble n’est plus de première fraîcheur, mais il respire un certain charme. Si elle aime l’ancien, nous aurons au moins un point commun. Sur le palier, une seule porte, en face de la cabine. Pierre appuie sur la sonnette en me jetant un coup d’œil en coin. C’est quoi cet avertissement silencieux ? J’ai promis et je suis là ! Il lui faut quoi de plus ?


Une voix nous parvient de l’intérieur de l’appartement. Ou plutôt un cri. Pierre suppose qu’on les dérange, peut-être à la sortie de la douche. Je tends mon bras devant moi, afin de libérer ma montre et lui fais remarquer notre ponctualité, avec juste trois minutes de retard. Si la miss n’est pas prête à l’heure dite… je n’ose imaginer la cuisson de ses cookies.


Un doigt sur la sonnette, je m’impatiente. J’aime l’exactitude. Je peux me montrer chiant sur certains points, j’en ai conscience, mais je ne me suis pas déplacé pour boire un coup en charmante compagnie. Je viens parler boulot ! Et si elle n'est pas plus professionnelle que ça…

Mes pensées s’interrompent. La porte s’ouvre sur… Que dire ? Comment la décrire ? Petite… là, c’est vrai et c’est pas méchant. Fine… là également c’est un simple constat, sans jugement aucun. Le reste… est couvert de chocolat. Elle en a plein les mains qu’elle essuie sur un torchon aussi sale que le tablier qu’elle porte. Pierre éclate de rire en lui demandant si sa cuisine ressemble à Tchernobyl. Mais j’avoue que moi, cela ne m’amuse pas du tout ! Il se penche et lui embrasse le front, sans doute le seul espace de peau sans trace de nourriture. Il se tourne vers moi et me présente.


Merci, mec, mais je suis encore capable de dire mon nom !


Même si là, tout de suite, j'hésite à prendre mes jambes à mon cou et à les abandonner à leur triste idée. La lilliputienne s’approche de moi, semble gauche, me tend la main dégoulinante d’un liquide brun, visqueux, puis se ravise en s’excusant à moitié et s'approche de ma joue.

T’es gentille, mais on ne se connait pas ! Un simple mouvement de tête suffira. Et ne t’offusque pas, je t’ai même souri !


Elle nous propose de retirer nos vestes et de les déposer à l’entrée. Je tiens à ma chemise Versace, mais je tiens encore plus à mon costume, je m’empresse donc de l’écouter.

Une voix s’affole dans mon dos :


— Oh vous êtes déjà là ! Mais on est pas prêtes ! Enfin, surtout… Jane. Tu n’as pas été te changer ?


Je me retourne et me retrouve avec la demi-folle de l’autre jour. Son sourire s’élargit davantage en me faisant face et même si je ne suis pas vraiment un adepte des échanges de bises, je n'ai pas vraiment le choix. Sa main sur l’épaule, ses lèvres en dessus de ma barbe taillée, elle me complimente.


— Tu sens bon, chuchote-t-elle avant de s’éloigner.


Hein ? C’est censé être un rendez-vous pro et pas un rencart. Dans quelle histoire je me suis laissé entraîner ? Pierre, je te retiens avec tes plans foireux !


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