Fyctia
01. Jane – Déménager
Les yeux dans les yeux, je cherche une once de sourire sur le visage de mon amie, mais sa mine est plus sérieuse que si elle passait son oral du BAC. Floriane ne plaisante pas ! Et même si je vois pas trop d’issue à ma situation, j’avoue qu’un peu de sollicitude de sa part ne me gênerait pas.
— Tu as une autre solution ? demande-t-elle.
— Déménager !
— Jamais ! On a l’appart’ de nos rêves. Tu en connais beaucoup toi, des logements avec terrasse sur le toit, deux chambres à l’opposé l’une de l’autre pour pas se déranger la nuit…
— Ça fait longtemps que je ne t’ai pas « dérangé » comme tu dis.
Flo ignore mon interruption et poursuit sur sa lancée : une salle de bain lumineuse avec deux vasques, une baignoire pour des séances cocooning, WC séparés, sans parler des nombreux placards le long du couloir et… de la magnifique cuisine ! Ça c’est clair qu’il n’y a pas beaucoup d’appartements dans nos moyens qui offre le luxe d’une cuisine parfaitement équipée avec cette technologie et sans elle, pas sûr que je sois capable de rebondir.
Je surprends le regard de mon amie qui semble attendre. Attendre quoi ? Une réponse ?
— Oui, oui, je sais tu as raison. Mais, c’est quoi cette idée de photographe ? Je vois pas bien ce qu’il pourrait faire pour moi ? C’est pas moi la mannequin dans le coin ! la piqué-je.
— Oh arrête avec ça ! Une seule malheureuse pub… et qui a payé le canapé, je te rappelle !
Je fais la moue. Elle avait détesté cette expérience.
— Si j’ai demandé au pote de Pierre, c’est pour t’aider sur les réseaux.
— Je suis capable de prendre des clichés avec mon smartphone et de les balancer sur la toile. Si le succès arrivait par ce biais, ça se saurait !
Ni une ni deux, elle dégaine son écran devant mes yeux, alors que je regrette mes derniers mots. Évidemment que j’ai besoin des réseaux pour rebondir. Je ne vais pas pouvoir ouvrir une boutique et le porte-à-porte avec des mignardises, ça marche quand tu as sept ans et que tu vends des chocolats pour une bonne œuvre, pas quand tu en as vingt-trois et que c’est ta seule solution pour payer ton loyer. En plus, c’est légèrement passé de mode !
— Tu ne sais pas rendre tes plats sexy, enchaîne-t-elle. Désolée, Jane, mais même si tes gâteaux sont délicieux et magnifiques, une fois publiés, on dirait les pâtisseries de ma grand-mère.
— Sympa ! Merci !
— Pour toi ou pour ma mamie ?
Sans me laisser le temps de répondre, elle scrolle, faisant défiler les nombreuses photos prise lors de mon dernier shooting pour ma page Insta et… je grimace. Elle n’a pas tort, mais le reconnaître m’arrache les tripes ! Et elle le sait.
— Ne dis rien. Accepte au moins de le rencontrer.
— Je pourrais prendre des cours ?
— Avec quel argent ? Je te rappelle que tu n’as plus de réserve et qu’à ce tarif, je pourrai bientôt plus assurer les charges. J'ignore comment on va finir le mois. Il te faut du blé et vite.
— Je vais aller parler au proprio.
— Tu obtiendras un délai avec un de tes cookies, mais pas un chèque. Bouge-toi, Jane ! Tu as refusé toutes mes propositions. Là, j’avoue que j’arrive au bout de mes idées.
Je m’étrangle en entendant ça.
— Tes… tes propositions ? Tu rigoles ou quoi ? Bosser au rayon boulangerie du Carrefour du coin, désolée, mais cela ne me fait pas plus rêver que de glisser un hamburger entre deux tranches de pain dans le fastfood de la gare. C’est pas ma faute si…
— Et chez Fournil & Cie ? La pâtisserie la plus connue de la ville ? Ils ne font pas de malbouffe et il n’y a rien d’industriel, là-bas !
Second coup bas !
Mon œil devient noir, je le sais, je le sens. Ma pupille se dilate et j’attrape le shaker à proximité avant de le balancer à la tête de Floriane. Heureusement qu’il était vide et en plastique !
Je m’éloigne en marmonnant dans ma barbe :
— Le fournil ! Pis quoi encore ? La boîte tenue par les parents de mon ex ! T’as fumé toi !
Puis plus bas, juste pour moi, je baragouine un petit : OK ! qu’elle entend et déchiffre à peine.
— OK, quoi ? Tu acceptes de le rencontrer ?
8 commentaires
Elisa Daven
-
Il y a 9 jours
MélineDarsck
-
Il y a 9 jours