Michbonj Miel prend le 96 Naissance d’un soupçon

Naissance d’un soupçon


Le flic rentra au Quai des Orfèvres et, arrivant dans le bureau qu'il partageait avec trois inspecteurs, il vit son collègue Nédélec, affairé sur son aire de travail. Il lui dit sur un ton mi-reproche/mi-amusé :

- Ne te gêne surtout pas, je n'aurai qu'à signer les rapports !

Nédélec répondit d'un sourire crispé et, en se levant, tenta de s'expliquer.

- Je me demandais où tu en étais dans l'enquête sur le braquage de la rue Oberkampf ! Tu vas rire, Jacques Martin était mon banquier !

- Tu le connaissais bien ?

- Bof ! Comme son banquier normal, sans plus !

- Un mec cool !

- Pas vraiment, un banquier quoi !

Desnos se posa derrière son bureau, il remit ses papiers en place selon un ordre qui pouvait sembler ésotérique au commun des profanes.

- Il arrangeait les fins de mois difficiles ?

- Pas vraiment, il m'a refusé un prêt ce con, il n'y a pas trois jours !

- Tu ne sais pas te démerder avec ce genre de crapule, il faut les lécher de temps en temps, c'est tout !

- Ce n'est pas vraiment mon style vois-tu ! Moins je vois ces gens là, mieux je me porte !

- C'est peut-être pour ça qu'il a été tué !

- Je ne te suis pas !

- Il te refuse un prêt et trois jours après, il est mort et sa femme se fait rectifier au cours d'une séance de torture façon "para en opération chez les fellouses !"

- T'es con putain ! On ne plaisante pas avec ces conneries ! Elle par contre, je ne l'ai jamais vue, enfin... je veux dire que je ne lui ai jamais parlé !

- J'espère que tu l'as vue quand même ! Trois jours de surveillance assidue ! T'étais pas tout le temps au bistrot en dessous !

- Tu fais chier ! Je t'ai mis au courant du moindre de ses agissements. Tu as une idée, au fait, pourquoi elle voyait Beausoleil ?

- Je croyais le savoir mais j'ai fait fausse route ! Je vais le relâcher demain, il est vraiment secoué par le fait d'avoir trouvé la Martin dans un tel état !

- Faudra quand même le surveiller, il n’a pas tout à fait les cuisses propres le mec, les R.G ont un dossier conséquent sur ce tordu !

- C'est ce que tu regardais tout à l'heure ?

- Je croyais qu'on bossait ensemble !

- Bien sûr, qu'est-ce qui te prend ?

- Rien ! Je suis un peu fatigué, je ne fouillais pas dans tes affaires, je me mettais simplement au courant ! Ben... on bosse ensemble non ?

- Oui ! Justement, je viens de Saint Anne en passant par Malakoff, t'es au courant ?

- L'incendie rue du Poitou, oui, vas-y !

- Faudrait que tu regardes ce qu'on a sur Lagarde, le journaliste. Il y a un lien avec le fait que ton banquier se soit fait trucider ! Essaie de me trouver tout ce qu'on sait sur le plumaillon !

- Et Beausoleil, qui c'est qui s'y colle ?

- Pourquoi ? tu veux le faire ?

- Oui, les deux trucs ça va !

- Bon ça va, je me charge de sa copine !

- Qui c'est ?

- C'est deux ! Elles sont deux, deux monuments si je puis dire ! Tu l'as certainement déjà vue, elle t'a repéré !

- Je ne vois vraiment pas qui c'est, elle crèche où ?

- Rue Pernety, pas loin de chez la Martin, c'est peut-être là qu'elle t'a vu ! Je lui demanderai demain. La prochaine fois demande, je n'aime pas quand tu dérange mon boxon, c'est comme si t'allais voir dans mon slibard !

- Va te faire mettre !

- C'est ce que je compte faire rapidos !

Desnos prit quelques papiers et sortit du bureau. Il commençait à se poser sérieusement des questions sur son adjoint. Il se promit d’y veiller avec attention, quelque chose le travaillait. Pourquoi surveillait-il Françoise? Ça l’agaçait fortement, il ne lui avait pas demandé. De plus, il lui avait dit tardivement que Jacques Martin était son banquier. Étrange, et cet intérêt soudain pour l’affaire maintenant. Il se dit qu’il devait creuser ça plus profond.

Nédélec retourna à la place de Desnos et entreprit de fouiller encore plus systématiquement le dé-rangement de son collègue, il cherchait fébrilement quelque chose qu'il ne trouvait pas. N'est pas chevalier du Graal qui veut, surtout chez les pandores !

Miel fut extrait de Saint Anne le matin et conduit devant le juge d'instruction. Le rapport de Desnos le disculpait entièrement mais il devait rester à la disposition de la police comme témoin principal dans l'incendie volontaire de Malakoff. Le juge n'avait pu lui arracher aucun renseignement sur Claire. Miel avait affirmé qu'il ne l'avait rencontrée que ce fameux soir au café, il s'était abstenu de dévoiler la suite de la rencontre et le juge l'avait laissé tranquille pour le moment.

Françoise l'attendait avec Desnos devant la porte du juge. On aurait dit deux vieux copains de longue date. Desnos lui serra la main et lui dit :

- Essayez de vous tenir tranquille maintenant, c'est à dire à l'abri des ennuis et loin de Claire Sentier ! Oubliez-la, elle ne fait pas partie de votre univers même virtuel ! Vous auriez beaucoup à perdre à la revoir !

Miel ne prononça pas une parole et commença à s'éloigner. Desnos s'adressa à Françoise :

- Mon collègue que vous avez repéré deux fois, c'était à quel endroit ?

- Vous devriez le savoir mieux que moi !

- Dites quand-même, ça m'intéresse !

- La première fois, près de chez Miel, en haut de la rue de Belleville et la seconde en sortant du métro, il était derrière moi et il m'a suivie jusqu'au bas de mon immeuble.

- Le travail de la police est un travail ingrat, nous ne devons pas vous paraître particulièrement sympathiques...

- Vous si, mais votre collègue me glace un peu encore que...

Françoise s'interrompit et dévisageant effrontément Desnos se mit à rire, le policier un peu embarrassé lui demanda :

- Qu'est-ce qui vous fait rire, vous pensiez à quoi ?

- Permettez-moi de garder cela pour moi ! Vous ne me croiriez pas.

- Est-ce en rapport avec notre affaire ?

- Je dirais plutôt avec vos affaires mais ce serait un peu vulgaire et je ne tiens pas à le paraître. Vous êtes marié ?

Desnos rougit des pieds à la tête et répondit par la négative.

- Je suis séparé de ma femme, c'est assez insupportable une vie de flic !

- Je ne sais pas dit Françoise, je n'en ai jamais goûté.

Elle observait le poulet, amusée par sa capacité à rougir aussi rapidement.

- Vous êtes policier jusqu'à la peau vous, un vrai gyrophare !

- Ne vous moquez pas de moi, vous me troublez beaucoup !

Françoise vit que Miel l'attendait sur le trottoir et elle mit fin à cet échange d'amabilités en serrant la main du flic.

- Si je vous invite à une petite fête est-ce que je tombe sous le coup de la loi pour corruption de fonctionnaire ?

- Absolument pas et vous m'en verriez ravi !

- Je vous téléphone bientôt ! Je vous promets de ne pas sacrifier de poulet ce soir là !

Françoise rejoint Miel et Desnos la suivit des yeux jusqu'au coin de la rue se demandant si la coquine allait réellement lui faire signe ou si c'était de la simple provocation. Il espérait fortement être invité et il ne manquerait sûrement pas une pareille occasion. Elle lui plaisait vraiment mais il se demandait bien pourquoi ? Il enterra la question sous un sourire, se disant que, simplement, des "comme elle", il n'en avait jamais vu ni eu.

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