Fyctia
Confessions
Claire songeait que, pour la première fois de sa vie, elle avait rencontré le mec absolu. Bien sûr ce n'était pas le genre de mec idéal comme on vous l'inculque à longueur de film, de pub et de littérature. Miel avait quarante-cinq balais, il mesurait un mètre quatre-vingt-sept et pesait de cent à cent dix kilos suivant l'état de ses disponibilités du moment. Ce n'était, certes pas un Apollon mais il avait cette lumière intérieure qui peut vous faire craquer et cette soif de vérité et de pureté qui est si difficile à vivre. C'était tout simplement quelqu'un d'à part, un homme authentique. Claire voulait agir, elle réfléchit à ce qu'elle pourrait faire de concret pour le sortir de cette impasse. La première solution qui lui vint à l'esprit était de se rendre à la police et de tout leur avouer. Miel ne serait pas content mais…
Elle pouvait aussi foutre une maxi-merde en direction des fachos. Ils devaient payer ces ordures de merde ! Tout partait d'eux, même sa participation partait de Jacques qui avait été un de ces pourris. Elle décida d'agir dans ce sens. Elle écrivit à Desnos. Dans sa lettre en forme de confession elle raconta avec exactitude ce qui s’était passé depuis ses retrouvailles avec le banquier puis elle se rendit chez Françoise.
Claire trouva Françoise occupée à une corvée assez pénible : elle taillait au ciseau les poils de la mère Rolly.
- Je suis obligée de lui scalper le cul de temps à autre sinon elle se chope des saloperies. Tu sais, mes bestioles c’est de vraies personnes, elles m’envoient des putains de vibrations quand je vais mal, elles sont très psy. Qui c’est qui va avoir un beau cul de singe ?
Rolly semblait lui répondre dans une sorte de roucoulement assez éloigné du miaulement mais qui indiquait un minimum de confiance.
- Qu’est-ce qu’elle te dit ? demanda Claire. Elle n’a pas l’air d’accord.
- Elle dit qu’elle ne veut pas que son cul ressemble à la tête de Miel, c’est moi qui l’ai rasé l’autre jour. Non ma chérie, je vais t’en laisser un peu plus mais je ne veux pas que ton cul ait l’air de la tête de mon vendeur d’herbe jamaïcain !
- Tu as de quoi fumer en ce moment ?
- J’ai de la bonne colombienne, j’ai presque fini et après on va se péter un petit tarpé avec tata Claire. Je débloque un peu avec ces bestiaux, tu dois me trouver barge.
- Je n’oserais pas penser le millième de ça, Miel serait capable de m’en vouloir à mort répondit Claire sur un ton tristounet.
Françoise, qui avait fini prit Claire dans ses bras et l’étreignit fortement.
- Te casse pas ma puce, on va le tirer de là ce gros con !
- Justement, je suis venue te demander un service. J’ai longuement pensé à ce que je pourrais faire pour l’aider et je crois que le mieux c’est de tout raconter aux flics.
- Du calme, on va d’abord se faire un vieux joint de derrière les fagots et en causer calmement.
Les deux femmes s’installèrent sur un divan, vite rejoints par les trois cats. Françoise faisait des petits sticks d’herbe pure, façon californienne. Elle soufflait des bouffées de fumée dans la gueule des chats qui semblaient êtres coutumiers de la chose et en redemandaient. Claire lui expliqua qu’elle projetait de mouiller les fachos et de disparaître quelque temps pour se faire oublier.
- Ce soir, lui dit Claire, je te téléphonerai. Si je ne l’ai pas fait avant huit heures, tu donneras cette lettre aux flics.
- Que comptes-tu faire, des conneries ? Il vaudrait mieux te faire oublier. On va sortir Miel de là en douceur avec un bon avocat.
- Non, je dois faire ce que j’ai prévu, j’ai bien réfléchi, je vais agir à ma façon. Il faut en finir une bonne fois pour toutes. Elle remit la lettre à Françoise et se leva pour partir.
- Attends un peu, dit cette dernière. Il ne faut pas s’emballer.
- C’est trop tard, fait moi confiance, je sais ce que je dois faire.
Claire l’embrassa et gratta la tête de chaque chat qui se mirent à ronronner en cœur. Françoise essaya sans succès de la retenir, en vain, elle dut se résigner et la regarda partir tristement.
Pendant plus d’une heure, Françoise resta scotchée face à la lettre de Claire. En soupirant, elle l’ouvrit et la lue.
MESSIEURS DE LA POLICE...
Je m'appelle Claire Sentier, j'ai trente-deux ans. Lorsque vous aurez cette lettre entre les mains, je serai certainement morte.
J'ai tué deux personnes, Jacques Martin dans la banque de la rue Oberkampf et une vieille dame, juste après, dehors à l'arrêt du bus 96. C'est sans doute difficile à croire mais je ne l'ai pas fait intentionnellement. Ce n'était absolument pas délibéré, j'étais complice de Jacques Martin et aussi sa maîtresse. Il avait organisé le braquage de sa propre banque au profit d'un groupuscule fasciste : le pseudo-club dirigé, entre autres, par le journaliste Lagarde. La femme de Jacques, Christiane Martin, était devant la banque et devait récupérer l'argent. Elle n'a emporté que du papier sans valeur, l'argent avait déjà disparu avant le hold-up. Si vous vérifiez les mouvements de fonds, vous arriverez peut-être à découvrir où est cet argent, Jacques n'ayant pas pu manipuler l'argent liquide en si peu de temps. Il était persuadé que le revolver qu'il m'avait confié était chargé à blanc et celui de mon ami et complice, Mouloud, un vrai revolver. Je suis à peu près convaincue que sa femme, Christiane, a interverti les armes mais je n'ai aucune preuve formelle à vous apporter. Simplement que Jacques m'avait demandé lui-même de tirer dans sa direction pour faire croire qu'il avait essayé de résister. J'ajoute aussi le fait que nous devions partir ensemble quelques jours après.
A l'arrêt du 96, je ne voulais pas tirer sur la dame, j'ai fait n'importe quoi ayant très peur et elle s'est trouvée sur la trajectoire. Je le regrette vraiment du fond du cœur.
Miel Beausoleil n'a pas tué Christiane Martin, il était avec moi quand Lagarde et ses complices ont dû le faire. Il me sortait de la maison où j'étais prisonnière depuis le matin. Il devait me retrouver après avoir vu Christiane. C'est elle qui lui avait dit où j'étais séquestrée et c'est en cet endroit que je finirai sans doute car j'ai l'intention d'y retourner. J'ai aussi la ferme intention de payer, en quelque sorte, ma dette à la société en supprimant les bêtes malfaisantes qui sont à la base de tout.
Je ne sais pas si j'y parviendrai mais je préfère essayer plutôt que de finir ma vie en prison. Je me dis que ma vie est foutue et que j'ai rencontré trop tard le seul individu porteur de lumière. Je préfère qu'il vive dans le souvenir de quelques heures radieuses que de le laisser pourrir dans votre enfer.
Ainsi donc, que mon Beau Soleil brille à jamais dans mon cœur !
Qu'il soit éternellement le Miel de ma vie !
CLAIRE SENTIER (de la guerre)
P.S :au cas où vous ne l'auriez pas compris, j'ai l'intention ferme de détruire cette vermine de Lagarde et ses copains, j'espère y parvenir avant de mourir en paix. N'oubliez pas que vous n'avez plus aucune raison de garder Miel Beausoleil en prison.
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