Michbonj Miel prend le 96 Rencontre de la 3ème femme

Rencontre de la 3ème femme

Il remonta la rue Pernety en direction du métro, il hésita un moment avant de descendre l'escalier. Christiane Martin habitait Juste à côté, il eut une envie soudaine d'aller éponger sa frustration avec la belle Christiane. Rien que d'y penser ça durcissait dans sa culotte. Il se laissa guider par cette aiguille de boussole qui marquait la chaleur plutôt que le nord, alla au téléphone public du métro et enfila sa carte dans l'appareil en pensant que si Christiane répondait, il enfilerait autre chose dans un autre endroit pour une autre communication. Après avoir composé le numéro sa joie retomba comme un soufflé, elle était absente et un répondeur faisait son office. Miel faillit dire un mot à l'appareil mais il se rétracta et raccrocha. La ligne était certainement écoutée par les bœufs et il ne voulait pas ajouter de l'eau à leur moulin à emmerdes.

Il prit le métro jusqu'à Place de Clichy, changea de ligne et sortit à Belleville. Il lui restait une bonne heure avant son rendez-vous, il avait envie de marcher un peu pour réfléchir et il décida de remonter la rue jusqu'à la Porte des Lilas. En passant devant un soldeur, il pensa à acheter un bonnet, il se disait que la femme ne le reconnaîtrait sans doute pas avec son crâne rasé. Il en dégota un à vingt francs en faux jersey, un tube noir cousu à une extrémité. Il le roula un peu sur les bords et lui fit épouser complètement la forme de son crâne. Se regardant dans une vitrine, il vit en face de lui un parfait étranger et lui sourit. Une passante africaine lui sourit en disant : "Mais oui, t'es beau ! Tu vas user la vitre, arrête ? Miel fit tranquillement la grimpette de cette longue rue de Belleville, il aimait particulièrement ce quartier où se côtoyaient des communautés très variées sans aucun problème. Il allait quelquefois prendre l'apéro dans un petit bar feuj de la rue Denoyez, au coin du bar il y avait un tronc pour les Loubavitch. Des vieux tapaient le carton dans la salle et buvaient du whisky, du Ricard ou de la bière. Il n'y avait même pas la pression au bar et à peine trois bouteilles sur les étagères. Le patron mettait des assiettes sur le comptoir à l'apéro, fèves, pois chiches

piquants, amandes, patates en vinaigrette etc. . . Miel l'avait vu transvaser le whisky dans des petites bouteilles du genre

“mignonnette ”, carrées, avec une étiquette garantissant le contrôle du Beth Din, au vu et au su de tout le monde. Il s'en était étonné poliment auprès du patron et celui-ci lui avait expliqué que c'était juste pour ne pas choquer les religieux. Ce que Miel avait pris pour de l'hypocrisie n'était en fait que de la politesse et de la déférence. En face de ce bar il y avait un bar arabe et l'été la rue était noire de monde, on vivait dans la rue comme de l'autre côté de la Méditerranée. Plus loin, c'était les Chinois et les Laotiens et cambodgiens. A la brasserie du Soleil ou à la Vielleuse, tout ce monde se rencontrait sans problème et buvait n'importe quoi, surtout des demis.

Il passa devant un restaurant polonais ouvert depuis quelques mois où il était déjà venu manger une fois ou deux après un spectacle. Les gens de la télé et du spectacle fréquentaient l'endroit de plus en plus. Il arriva à son lieu de rendez-vous avec une bonne demi-heure d'avance, il entra dans le café et se dirigea vers le fond. Une des deux tables de billard était occupée et Miel s'installa tout au fond, le dos au mur. C'était un excellent poste d'observation, II pouvait voir tout l'établissement en enfilade. Il commanda un sylvaner qu'il savait très bon, un petit propriétaire de Sigollsheim servait ce bistrot depuis vingt-cinq ans. Il regarda la partie de billard et jeta un coup d’œil sur les consommateurs

du bar et les nouveaux arrivants.

Un homme vint s'asseoir à une table à côté et sortit un journal de courses qu'il se mit à consulter. Miel ne pouvait plus voir son visage, cela le gênait terriblement. Son cerveau se mît à fonctionner à vive allure, c'était sans doute un flic. Pourquoi ? Pourquoi pas ? Miel consulta sa montre, il restait cinq minutes et la femme lui avait dit d'être précis. Il se leva et demanda du feu à l'homme, celui-ci lui tendit un briquet criquet et le regarda bien dans les yeux, Miel en fut dérouté et il bafouilla un merci, il prit son verre et alla au bar comme pour le faire remplir à nouveau, l'homme resta plongé dans son journal. Miel jetait un regard furtif de temps à autre dans sa direction, il se dit qu'il était persuadé qu'il reviendrait à sa place avec un verre plein. Le garçon était occupé, Miel lui demanda combien il lui devait et le garçon lui annonça la somme sans quitter l'endroit d'où il tirait ses demis. Miel, après avoir attendu un court instant, sortit sa monnaie qu'il déposa sur le comptoir, il demanda un téléphone, la cabine se trouvait en face du comptoir et un pilier empêchait l'homme au journal de voir la porte. Miel entra dans la cabine, l'homme

regarda au-dessus de son journal et parut tranquille, il replongea dans sa lecture. Miel ressortit aussitôt de la cabine et dit au barman qu'il n'avait rien eu. Celui-ci jeta un coup d’œil au compteur et lui dit que c'était bon, Miel sortit en catastrophe du bar. Sur le trottoir une femme attendait et lui dit :

- Vous avez quand-même compris, dans dix minutes au bar à l'angle de la rue Haxo, passez par la rue de Romainville moi Je descends tout droit. Si je ne suis pas assise dans le bar, prenez

un verre, ressortez dans dix minutes et allez au métro Télégraphe. Je serai sur le quai en direction de Mairie des Lilas. Ne me parlez pas, montez dans le même wagon et attendez. La femme s'éclipsa et Miel descendit la rue de Romainville, il essayait de ne pas se presser pour arriver à la fin des dix minutes. La femme avait l'air d'être très calme, son visage ne lui était pas inconnu mais il n'arrivait pas à se souvenir où il l'avait vue. Miel regarda plusieurs fois autour de lui, il n'y avait personne dans la rue, il se dirigea vers le bar et vit la femme qui passait sa commande au serveur, il entra et s'installa à sa table.

C’était une belle femme au regard lointain, ses yeux étaient aussi noirs que ceux de Miel étaient bleus. Ses cheveux noirs étaient retenus par un élastique et quelques mèches frisées semblaient vouloir s’échapper pour lui caresser le visage. Elle était vêtue de noir de la tête aux pieds, jupe et pull de laine chinée, collants de coton, boots de cuir et imper de sky. Elle rompit le silence la première.

- Le flic vous suivait depuis Pernety, il avait pris le relais dans le métro ? Avant c'était un plus jeune !

- Vous m’avez suivi aussi ?

- Bien obligée, je joue gros !

- Ma liberté et peut-être un gros paquet de fric !

- Vous m'avez dit que vous me donneriez la preuve que l'homme que j'ai tué involontairement n'avait pas tué le banquier, je vous écoute !

- C'est juste ma parole, c'est moi qui l'ai tué ! C'est moi qui vous ai tiré dessus, j'étais avec lui !

Miel comprit aussitôt en regardant ses yeux qu'elle disait vrai.

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