Michbonj Miel prend le 96 De l’andouillette à Beaubourg

De l’andouillette à Beaubourg

Le téléphone le sortit de ses réflexions.

Monsieur Beausoleil, c'est Mylène Delmas de T.F.1, vous connaissez l'émission "En toute vérité ?”

- J'en ai entendu parler, oui !

- Je réunis des acteurs de drames violents demain soir pour une émission sur la sécurité des citoyens, J'aimerais avoir votre participation suite à l'affaire du Crédit Lyonnais de la rue Oberkampf.

- Je veux bien si c'est en direct et s’il n'y a pas de censure !

- Monsieur Beausoleil, nous sommes en 93, la télé est indépendante, je peux vous le garantir !

Cause toujours, pensa Miel. Je vais te faire un show dont tu te souviendras !

O. K, c'est à quelle heure ?

- Vingt-deux heures quinze, mais il faudrait être au studio une heure avant pour le maquillage et les essais de caméras.

- Je peux venir accompagné ?

- Bien sûr, téléphonez-moi demain matin les noms des personnes qui viendront avec vous, je leur ferai établir un laissez-passer.

Mylène Delmas lui laissa son numéro au bureau et lui dit à demain. Miel regretta de ne pas avoir négocié un cachet d'acteur, après tout c'était son métier. Il se dit qu'il emmènerait Françoise et un copain ou deux avec lui ; il allait leur foutre la merde, un truc du style excuses publiques pour être intervenu inconsidérément dans une entreprise qu'il défendait. Il rappela Françoise tout de suite, elle était enchantée à l'idée d'aller mettre la panique dans une émission de grande écoute. Elle dit à Miel qu'il fallait absolument qu'ils préparent leur intervention. Miel lui dit qu'il passerait au plus tard demain matin, il fallait qu'il trouve une ou deux personnes de plus. Il se rendit ensuite à la P. J.

Desnos l'attendait dans son bureau, il le fit rentrer aussitôt.

- Monsieur Beausoleil, J'ai l’impression que vous ne m'avez pas tout dit sur ce cambriolage !

Miel prit son air le plus étonné du monde et lui dit :

- Excusez-moi, je ne comprends pas !

- Où étiez-vous hier au soir, et cette nuit dernière ?

- Je ne vois pas ce que ça a à faire avec mon témoignage !

- Vous êtes sous surveillance monsieur Beausoleil, pour la simple raison que, le malfrat qui vous a raté à l'arrêt de bus aurait très bien pu avoir l'idée de se venger. Il est de notre devoir de protéger les citoyens comme il est de votre devoir de citoyen de ne rien cacher à la police !

- Je n'ai rien caché du tout !

- Alors vous pouvez me parler de votre longue conversation avec Christiane Martin.

- Je n'ai rien à dire de particulier, elle souhaitait me rencontrer pour savoir si j'avais reconnu l'autre gangster. Elle a très peur elle aussi !

- Dois-je en conclure que vous avez peur ?

- Bien sûr que j'ai peur et on a décidé de faire un club !

- Ne vous foutez pas de ma gueule, vous êtes sous surveillance, ce qui est normal dans votre cas mais madame Martin n'a pas besoin de protection particulière, a quel titre d'ailleurs ?

Miel se sentit un peu coincé, il garda un silence bien assez long qui redonna de l'ardeur au policier.

- Alors, que vous a-t-elle dit cette brave madame Martin ?

- Je pense qu'elle voulait en savoir plus, c'est tout !

- Vous ne la connaissiez pas avant ?

- Non, c'est la première fois que je la vois !

- Et vous passez la nuit chez elle ! Vous êtes terrible !

- Eh ! Le coup de foudre ça existe !

- Il faudrait beaucoup mieux pour tout le monde que ça soit ça ! Dites-vous bien, effectivement, que vous pouvez vous taper toutes les veuves de la capitale, je n'ai rien à dire là-dessus, mais si jamais vous cachez des informations qui peuvent nous être utiles, je vous inculpe d'office pour complicité. Une deuxième chose, vous vous baladez toujours avec un grand sac comme celui-ci ?

Le flic désigna le sac de Miel, c'était le genre de sac avec une bandoulière que l'on trouve à soixante francs chez les reubeus de Barbes. Miel le mît sur ses genoux et l'ouvrit.

- Oui, et il est toujours aussi plein, un ou deux manuscrits de théâtre, au cas où je rencontrerais quelqu'un que ça peut intéresser, du papier pour écrire, mon agenda, un livre ou deux, le journal, une boite de préservatifs offerts par ACT-UP, enfin pas assez de place pour y planquer l'argent du hold-up devant une dizaine de personnes ! C'est à ça que vous pensez ?

- Je serai franc avec vous, oui ! Si vous êtes suffisamment habile, vous avez pu vous retrouver couché dessus et l'avoir caché un instant dans votre veste puis délicatement glissé dans votre sac. Vous êtes comédien, vous savez observer les regards autour de vous et vous savez aussi détourner l'attention pour faire des gestes que personne ne voit. Comment dit-on dans les cours de théâtre, la connexion, voilà c'est ça, le regard doit être connecté !

- Vous avez pris des cours de théâtre ?

- Eh oui ! J'aurais bien voulu être acteur, à une époque !

- Vous auriez peut-être été meilleur acteur que policier !

- Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?

- Vos soupçons ridicules !

- Entendu, nous verrons. Vous restez bien entendu à la disposition de la police, ça veut simplement dire que vous nous signalez vos absences prévues, ainsi tous vos déplacements.

- C'est ridicule...

- Il faut bien vous protéger monsieur Beausoleil, sinon vous risquez de ne plus briller. Je sais, on a dû vous la faire souvent ! Excusez-moi !

Miel se leva, lui tendit la main et lui dit :

- Et bien au revoir Robert, je vous laisse au "Domaine public !"

- Je n'ai pas tout compris !

- Relisez votre homonyme ! C’est une de ses œuvres la plus forte.

- Ce n'est pas ma tasse de thé !

Miel faillit lui répondre qu'il était perdu "Corps et biens" pour la littérature mais se dit qu'il perdrait son temps à lui parler de Desnos, le grand Robert !

Dans le couloir il croisa l'inspecteur Nédélec. Miel essaya de ne pas croiser son regard et au moment ou il le pensait il entendit une voix lui dire :

- T'en as rien à branler de ce trou du cul de flic ! Flingue-le bordel ! T'es pas n'importe qui Ducon ! Tu vaux dix mille merdeux de son genre ! Le laisse-pas gagner un millimètre !

Miel s'arrêta en face de Nédélec. Il le regarda bien en face et lui dit d'un ton plus qu'arrogant :

- Je vous connais ! Nous nous sommes déjà rencontrés ? Non ?

Nédélec ne répondit pas et rentra dans le bureau. Miel avait un sourire vainqueur, l'autre avait baissé les yeux devant lui. Puissance de la parole, il faut toujours avoir quelque chose à dire ! pensa Miel, même si c'est des conneries, surtout si c'est des conneries, la connerie désarme les connards !

Il sortit de la P. J et se dirigea vers le Châtelet. Il traversa le Sebasto et se rendit par la rue des Lombards au "Bistrot Beaubourg", il avait envie d'une andouillette avec des frites.

Il avait souvent manger dans ce bistrot, cuisine traditionnelle. Oeufs mayonnaise, hareng pommes à l’huile, blanquette. Et il retrouvait souvent des copains intermittents du spectacle.

Il avait jouer 3 mois dans une pièce au Roseau Théâtre, rue du Renard, petite salle magnifique, ancien local du syndicat de l’épicerie. C’était son deuxième quartier.

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