Michbonj Miel prend le 96 Elle s'appelait Françoise...

Elle s'appelait Françoise...

Miel rentra chez lui vers dix heures du matin. Il prit le bus 58 jusqu’à Odéon et hésita un moment puis monta dans le 98. Il réfléchissait à ce que Christiane lui avait dit, à savoir qu'il devait l’aider. Elle avait peur des complices de son mari. Miel se demandait pourquoi il ne lui avait pas dit qu'il rencontrait ce soir la copine du truand qu'il avait tué. Il s’était pourtant senti à l'aise avec Christiane et avait passé une nuit d'enfer, ce qui ne lui était pas arrivé depuis une éternité. Il se dit qu'il était un peu tordu, puis se reprit l'instant d'après. Il pourrait toujours lui dire qu'il n'avait pas voulu l'inquiéter. Miel était souvent comme ça avec ses relations, il estimait que l'on ne peut pas toujours tout livrer à l'autre en un seul coup. Ces pensées traversaient son cerveau et le bus le Marais pour arriver à l'arrêt mortel. Miel vit monter cinq ou six personnes et reconnut parmi elles une femme qui vint se mettre à ses côtés.

- C'est plus calme que l'autre jour !

- Heureusement dit Miel.

- Les policiers m'ont posé des tas de questions et vous ?

- A moi aussi, ils font leur travail !

- Oui, ce n'est pas facile pour eux, ils m'ont même demandé si je vous avais vu parler avec quelqu'un à l'arrêt. C'est idiot comme question vous avez quand même arrêté ce type...

Non tué !

- C'est courageux, moi je ne l'aurais pas fait, c'est ce que j'ai dit à ce journaliste d'ailleurs !

- Lequel ?

- Lagarde, je crois, un nom comme ça ?

- Il écrit dans un journal de merde !

La dame lui fit un sourire ennuyé et lui expliqua qu'elle descendait à la prochaine, Miel lui dit au revoir. Le bus arriva au terminus et Miel traversa le carrefour pour descendre la rue de Belleville.

Bigoudi miaulait derrière la porte, Miel se dépêcha d'ouvrir, le chat lui fonçait dans les jambes pour se frotter contre lui, menaçant de le faire tomber à chaque pas. Il le prit dans ses bras et le posa vers le frigo.

- C'est vraiment une urgence, je ne peux pas me tirer une nuit, tu es foutu ? C'est ça Ducon, toi, quand tu t'absentes, je ne pleure pas !

Le chat mît en route sa machine à ronronner, Miel lui servit un repas de roi, escalope de dinde et crème fraîche. Le chat se battait avec l'escalope que Miel avait laissée entière. Il lui parla.

- J'ai passé une vraie nuit de matou mon Bigoude, je n'ai pas d'oreille croquée mais mes bourses sont plus que vides et, tiens-toi bien à l’escalope, j'y retourne ce soir. Cette nuit si tu as une minette à aller voir, pas de problèmes, vas-y, moi je matoule ailleurs. Tu t'en fous gros con ! Pourtant, y’a pas que la bouffe dans la vie merde ? J'existe non ? Je commence à douter de ton amour, Johny Be Good, t'es pas good !

Le téléphone sonna. Miel décrocha et vit qu'il y avait plusieurs messages sur l'appareil enregistreur.

- Qu'est-ce que je disais, il y a aussi le téléphone ! Putain !

Le chat s'en tamponnait férocement, grognant après l'escalope récalcitrante. Miel avait un standard au bout du fil, l'opérateur lui demanda de patienter puis il eut Desnos. Le flic avait l'air agacé et demanda à Miel pourquoi il ne l'avait pas rappelé. Miel lui dit qu'il rentrait à l'instant et qu'il ne savait pas qu'il devait le faire. Desnos lui demanda d'où il sortait vu que celui-ci essayait de le joindre depuis hier au soir vers dix-sept heures.

Miel lui dit qu'il avait passé la nuit chez des amis, Desnos lui demanda s'il les connaissait depuis longtemps. Miel observa un silence et demanda au flic en quoi sa vie privée pouvait l'intéresser dans cette affaire de merde. Desnos lui demanda de baisser un ton en dessous, il était témoin dans une affaire de meurtre et aussi de hold-up, il insista sur les termes et demanda à Miel de passer à son bureau le plus tôt possible, c'est à dire au plus tard dans une heure. Miel lui dit qu'il serait à la P. J vers onze heures trente et raccrocha, énervé un maximum. Il déroula la bande du répondeur et écouta ses messages. Le premier était de Desnos, il avait dû téléphoner peu de temps après son départ la veille. Il demandait à Miel de le rappeler. Le deuxième message était de sa vieille copine Françoise, elle lui demandait de ses nouvelles, elle souhaitait qu'il la rappelle aussi. Suivait une série de bip, montrant que une ou plusieurs personnes avaient essayé de le joindre sans laisser de message. Il appela Françoise et l'eut au bout du fil. Elle commença par l'engueuler :

- Tu aurais pu m'appeler gros con !

- J'allais le faire, je viens de rentrer ?

- Qu'est-ce qui t'est arrivé ? C'est quoi ce merdier ?

- J'ai foutu un mec en l'air sans faire exprès, il venait de braquer une banque !

- Tu tiens vraiment trop de place !

- Bordel de dieu, je dois être de trop ! - Je commence sérieusement à en être convaincu, on m'appelle "le surnuméraire de l'arrêt du 96", beau film hein ! L'homme de trop...

- Arrête tes conneries ! Tu flippes ?

- Un peu, ce n'est pas marrant de tuer quelqu'un, surtout quand tu le connais pas ! C'est un peu chiant !

- Viens me voir, ne reste pas tout seul, tu sais que je suis là ? Je m'inquiétais pour toi, tu ne m'as rien dit, je l'ai appris par un gros facho qui m'a montré ta photo dans un torchon pourri !

- France-Hebdo ?

- Oui, c'est ça Merde-Hebdo ! Le Journal qui rend blaireau ! Ils t'ont vachement soigné les cons ! T'es le Rambo de Belleville, un justicier même pas masqué, la tronche en gros plan ?

- Je ferai la peau au trouduc qu'a écrit ça !

- Passe, on verra ce qu'on peut faire !

- Demain, ce soir je ne peux pas !

- Fais gaffe !

- Je ne fais que ça !

- Les amis, faut savoir s'en servir mon pote, ne reste pas dans ton coin !

- Je viens demain ! Promis ; Juré !

- T'as intérêt ! Tchao, bisous !

Miel s'en voulut de ne pas avoir téléphoné plus tôt à Françoise. C'était comme s'il avait été pris en défaut. Elle était sa plus vieille amie, ils se connaissaient depuis leur plus tendre enfance et avaient fait les quatre cents coups ensemble. Françoise était une violente qui vivait ses idées jusqu'au bout. Miel la défendait toujours, même quand elle avait tort. Il était réellement amoureux d'elle depuis l’âge de seize ans. Il le lui avait avoué un an auparavant, en fait, elle l'avait toujours su. Françoise lui avait expliqué qu'il ne saurait y avoir d'histoire d'amour entre eux, ça aurait gâché leur amitié indéfectible.

Quand Miel essayait de lui expliquer pourquoi il n'était pas d'accord, elle lui répondait invariablement : “ T'es con, tu veux juste me sauter et après ?"

Ils étaient plus que des frères et sœurs, elle voulait parfois l'entraîner dans des histoires incroyables. Sa dernière lubie c'était de foutre le feu à des usines d'armement pendant la guerre du golf et de faire sauter quelques endroits qu'elle ne supportait pas, façon bande à Bonnot. Il n'était pas d'accord, toujours à cause de son sacro-saint respect de la vie.

Il se demanda s'il devait tout lui raconter, son contact avec la femme du mec qu'il avait tué,

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