Fyctia
croquer de la veuve
Elle lui avait précisé que le bar étai celui où il y avait deux billards au fond. Elle lui avait dit :
-Je sais que vous y êtes déjà allé. Asseyez-vous à une table du fond, je viendrai à vous. Je ne vais pas vous tuer en plein rade, après peut-être, si vous êtes un salaud de menteur ou si vous crachez un seul mot aux flics !
- Je viendrai !
- J'espère pour vous car si vous n'êtes pas au rendez-vous, j'agirai autrement et d'une façon plus radicale !
La conversation fut coupée brusquement par la femme. Miel se dit que, si par un hasard quelconque, il ne pouvait pas honorer sa promesse, il finirait sans doute, pour de bon cette fois-ci, à un arrêt de bus ou ailleurs. Il fut tenté une seconde d'avertir Desnos mais sa méfiance vis-à-vis de la police l'en empêcha. Qu'avait-elle voulu dire en parlant du meurtre de la banque ? Miel était réellement partagé entre la peur de se faire descendre et le besoin de lui faire admettre qu'il n'avait pas tué volontairement. Il se souvint soudain de l’autre message de la femme du mort de la banque et il se dit qu'en allant la voir, il saurait peut-être comment et pourquoi son mec avait été tué. Il comprendrait alors ce que la femme de l’autre mort avait voulu dire. Bordel de merde, tous ces morts et ces veuves, quel pastis, une vraie tragédie grecque !
Il fit le numéro de téléphone de la femme du banquier et celle-ci lui dit qu'il pouvait passer de suite chez elle.
Il s’apprêtait à partir quand le téléphone sonna de nouveau, il décrocha :
- Bonjour monsieur Beausoleil, je voudrais vous féliciter pour votre acte de courage, ces putains de bougnoules ne vont pas nous emmerder impunément...
Miel ne reconnu pas la voix mais hurla dans le combiné :
- Ta gueule vieille merde, c'était un accident et je t'encule... L'autre avait raccroché. Miel reposa le combiné nerveusement. Il décida de laisser faire son répondeur dorénavant, il sortit en vitesse et prit le métro pour se rendre chez la veuve. Elle habitait dans le quatorzième à Pernety.
La nouvelle veuve habitait rue Francis de Préssensé, juste à côté du cinéma “L’Entrepôt. ” Miel regarda quels films étaient à l'affiche, il y avait “Galères de femmes ” de Jean-Michel Carré, il avait vu le film en avant-première, invité par un ami qui connaissait J.M Carré. Le film parlait des femmes on prison et de leur tentative de réinsertion a la sortie. Carré avait suivi huit femmes de Fleury-Mérogis qui avaient accepté de se faire filmer en prison et plus tard à leur sortie. Sur les huit, quatre étaient mortes trois ans après. Ce film montrait un tas de grosses merdes, matons, placiers de l’A.N.P.E., juge d'application des peines, assistante sociale tous plus qu'incapables d'aider réellement une taularde à s'en sortir.
Miel vit aussi qu'il y avait le film canadien sur Noam Chomsky : “ Chomsky, les médias et les illusions nécessaires ” Il avait entendu Salim, l'animateur de "Fondu au Noir", son émission préférée sur le cinéma à Radio-Libertaire, en parler cette semaine. Il nota les heures et se dit qu'il pourrait y aller à la séance de 21 heures. Il quitta le cinoche et entra dans l'immeuble voisin. Il chercha le nom sur la rangée de sonnettes. La plaque indiquait "Monsieur et Madame Martin", il sonna et une voix lui demanda qui il était, il s'annonça et la porte s’ouvrit. Christiane Martin habitait au quatrième, il prit l'ascenseur et se regarda dans le miroir. Cetten confrontation avec un miroir arrivait rarement, à part dans les ascenseurs et dans les vitrines. Le matin il hésitait toujours a se confronter à sa petite glace, sauf quand il lui arrivait de se raser.
Christiane Martin lui ouvrit la porte, c'était une femme d'environ trente-cinq ans, brune aux yeux marrons. Ses cheveux mi-longs étaient coiffés avec soin. Un maquillage discret éclairait son visage et un parfum léger lui rappela le “Jean Paul Gaultier ” qu’usait abondamment Marie. Il se dit qu’elle ne correspondait pas du tout à l’idée qu’il s’était faite d’elle au son de sa voix. Elle était loin d’être laide et possédait des formes généreuses. Miel jugea qu'elle était sans doute d'origine italienne. Un mètre soixante-dix, soixante-quinze kilos, pensa-t-il une victime de la "pasta." Elle doit commencer à surveiller son poids ou peut-être s'en fout-elle, en tout cas, il y a à becqueter, belle plante certainement carnivore, une dévoreuse d’homme. Il pensa avec un léger frisson qu'il se laisserait bien faire encore une fois.
Elle le fit entrer au salon et Miel s'installa dans un canapé confortable. La pièce était meublée avec goût et Miel pensa qu'elle serait déroutée si elle voyait son intérieur "Louis Caisse".
Christiane Martin l'invita à prendre un verre, il choisit du vin blanc sur sa proposition et ne le regretta pas, c'était du Chablis. Elle s'installa en face de lui dans un fauteuil et entama la discussion.
- Vous vous demandez certainement pourquoi je voulais vous voir ?
- Oui, je n'étais pas dans la banque quand votre mari a été… heu !
- Liquidé, il a été liquidé ! Il n'y a pas d'autre mot ! Je voudrais savoir si vous avez vu l'autre personne, comment était-elle ?
- Je n'ai vu que ses yeux, mais en quoi cela vous intéresse-t-il ? C'est plutôt l'affaire de la police maintenant !
- Je pense que la personne qui a tué mon mari le connaissait bien et si vous aviez pu me donner quelques renseignements sur elle, j'aurais peut-être pu la reconnaître. Je n'ai pas dit ça à la police à cause de mon mari.
- Je ne comprends pas, pourquoi vous m'en parlez, je peux tout répéter à la police, enfin leur faire part de notre conversation ?
- Je vous demande de ne pas le faire et je sais que vous ne le ferez pas.
- Pourquoi ?
- Je me suis renseignée sur vous, vous n'êtes pas vraiment du côté des flics.
- Qui vous l'a dit ? C'est fou ce que les gens peuvent s'intéresser à moi en ce moment, j'étais là par hasard et je n'ai pas fait exprès de foutre en l'air ce pauvre type, même s’il a tué votre regretté mari !
- C'est l'autre qui a tué mon mari et c'est le flic, Desnos, qui m'a parlé de vous.
- Le flic ?
- Je lui ai demandé si vous aviez agi par civisme et il m'a affirmé que vous l'aviez fait par inadvertance et que, d'après ses renseignements sur vous, vous étiez plutôt du genre à protéger la fuite d'un malfaiteur que le contraire.
Miel se resservit un verre de Chablis.
Il éclata de rire et déclara :
- Quel con, je suis incapable de voler ou de participer à un vol pour une simple raison : je tiens trop à ma liberté ! Mais c'est vrai que ce n'est pas l'envie qui me manque parfois ! Et comment vous savez que le tueur c'est l'autre, par les flics aussi ?
- Oui, celui que vous avez tué avait un pistolet d’alarme, il ne pouvait pas tuer avec un outil pareil !
Miel ne comprenait plus rien, un silence s’installa.
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