Michbonj Miel prend le 96 Bigoudi le retour

Bigoudi le retour

Il pensait que le même amour de la vie, le désir de ne pas faire du mal à n'importe quel prix, avait présidé à ces trois années passées avec Marie. La conclusion de ces réflexions le combla entièrement. Il la résuma en une seule phrase : l'homme est travaillé par un ensemble de contradictions qu’il vaut mieux assumer si l’on ne veut pas devenir fou furieux.

Une chose était sûre : il ne deviendrait pas fou furieux de suite ! Il possédait une autre certitude en lui : il ne finirait pas en miettes sous sa fenêtre.

Quand Marie l’avait quitté, il avait plusieurs fois pensé se balancer par la fenêtre. Il habitait au cinquième étage et passait ses journées à éviter la proximité de la chute. Depuis qu'il avait déménagé, le problème était différent. Il passait cinq fois par jour par la fenêtre mais il habitait au rez-de-chaussée et ne sortait pas de cette façon pour se détruire, juste pour pisser dans la cour, au grand dam de la concierge qui n'était pas portugaise mais belge. Cette dernière pensait que Miel était le diable en personne, il pissait dans la cour, donnait à manger aux pigeons et même un soir, elle l'avait surpris en train de pisser par la fenêtre.

Le téléphone sonna, Miel attendit que le répondeur se charge de le suppléer. A la quatrième sonnerie, il entendit son message avec l’intro du dernier Thiéfaine, guitares et chœur façon chant grégorien. Il attendit le bip en se disant que si c'était vraiment important il décrocherait. Il y eut un moment de silence et une voix s'adressa directement à lui.

- Monsieur Beausoleil, je sais que vous êtes chez vous ! Décrochez ! Je voudrais vous parler dans votre intérêt, je suis Jean-Claude Lagarde, France-Hebdo ! Je sais que vous êtes là ; je vais boucler mon article ! Vous avez encore la possibilité de me répondre et donc de savoir ce que je vais mettre dans cet article ! Je ne suis pas loin de vous, au tabac de la Porte Des Lilas, je reste encore une demi-heure, après vous ne pourrez rien me reprocher, nous vous avons vu rentrer chez vous ! Vous ne pourrez pas dire que vous n’étiez pas prévenu ! Tant pis ! Salut ringard !

Miel décida de voir si Lagarde était dans le rade de la Porte Des Lilas ou s'il téléphonait simplement histoire de lui dire après coup qu’il était prévenu . Son article de merde était déjà au marbre, Miel n'en doutait pas un instant.

Arrivé devant le bistrot, il regarda de l’extérieur si Lagarde était visible. Il ne vit personne et décida de rentrer pour s’assurer que le plumitif n’était pas planqué à une table du fond.

Il but un café au bar et se rendit compte que d'un seul coup il se trouvait là, paumé, entraîné dans des conneries. Il pensait que le tordu n'avait certainement pas téléphoné d'ici. Il demanda à la femme qui tenait la caisse (avec ses seins) si elle avait vu un homme qui ressemblait à Lagarde, après l’avoir décrit, et qui aurait téléphoné. Elle n'avait vu personne qui ressemblait à l’homme de sa description et de plus, aucun client n’avait téléphoné depuis au moins une heure.

Miel retourna chez lui en essayant de comprendre ce que Lagarde était en train de lui faire ; sûr qu'il allait pondre un article de merde sur les incidents sanglants du 96.

Quand il ouvrit sa porte, son chat était là, il était rentré par la lucarne des toilettes. Bigoudi était absent depuis trois jours et Miel était plus que content de le savoir vivant, tout n'était pas pourri ! Il lui parla :

- Alors vieux coureur, on est de retour ? Combien de blessures de guerre et d'oreilles croquées ? Fais-voir !

- Mraouh, mi ou !

- Oh ! oui il est content de voir le patron le minou, hein ! J’aurais pu te ramener de la cervelle tu sais, mais elle n’était pas très fraîche !

- Mrou, mrahou, miou !

- Tu vois mon chat, avec ce que j’ai vu ce matin, j’ai assez de raisons pour t’interdire de sortir mais je ne le ferai pas ! Rassure-toi, je t'aime et aime trop la liberté pour te brimer mais le monde est réellement dangereux et cinglé ! Il faut faire gaffe quand tu mets tes couilles dehors, c’est la jungle pour un chaton comme toi ! T'es minuscule !


Il prit le chat dans ses bras et se mit à le caresser. Bigoudi ronronna comme une locomotive, Miel alla au frigo, il versa du lait au matou et lui ouvrit une boîte de sardines.


- Aujourd'hui c'est vendredi et, comme j'ai décidé que tu étais un chat catho-intégriste à cause de ta soutane noire, tu auras du poisson !


Bigoudi traîna une première sardine sur le sol de la cuisine et Miel se jura bien de l'enfermer dans un carton la prochaine fois pour ne pas qu'il en traîne partout, il n’aimait pas nettoyer mais n’avait jamais essayé d'inculquer le moindre précepte de propreté à Bigoudi. Ce chat noir d'environ deux ans lui avait été offert un soir par le hasard qui fait parfois bien les choses. Il rentrait chez lui et le chat l'avait suivi sur cent mètres. Miel l'avait attendu au coin de la rue et avait eu le malheur de le caresser. Le chat l'avait adopté aussitôt et Miel ne s'était pas senti le cœur de le remettre à la rue. Il se souvint, en riant, de la tête de son épicier arabe lorsqu'il lui demanda un litre de lait.


Bigoudi avait été « le Chat » pendant deux mois, pas besoin de nom entre eux, ils se comprenaient parfaitement. Un soir Miel avait ramené une nana rencontrée chez des théâtreux et elle lui avait demandé son nom , elle flashait sur le minou, Miel lorgnait le sien. Il lui avait dit que c'était "le Chat" et elle avait répliqué qu'un chat normalement constitué devait avoir un nom. Miel lui expliquant que « Le Chat » n'en avait vraiment pas d'autre et qu’il ne savait pas comment donner un nom à une bestiole de ce genre et que c'était la raison du pourquoi il n'avait pas d'enfant. Elle lui expliqua la méthode originale chère aux amérindiens : ils donnent un nom en relation avec un événement se déroulant au moment du choix. Miel décida de baptiser la bête sur-le-champ, ils attendirent un moment et, rien de particulier ne se passait. Ils étaient arrivés à un moment délicat de leur rencontre quand Miel se leva brusquement et dit : "Bigoudi !"

La fille éprouva une certaine fierté, pensant l’avoir rendu vraiment cinglé et elle demanda à Miel de continuer à s'occuper d'elle encore, le nom lui convenant absolument. Miel désigna le chat du doigt et répéta ce mot : "Bigoudi !"


Le chat se faisait une toilette en profondeur et était occupé à se lécher le sexe. Celui-ci était sorti de son fourreau de poils noirs et semblait à un tube de rouge-à-lèvres. La fille lui demanda ce qu'il voulait dire, Miel répondit :


- Les Indiens, le nom, ça y est ! Bigoudi ! Regarde, que vois-tu de particulier ?


Son zob qu'il lèche, répondit la fille.


- Eh bien oui, Bigoudi !


- Bigoudi ?


- En argot, il se panosse le bigoudi ! Je vais le baptiser comme ça : Bigoudi Beausoleil !


- Heureusement qu’il ne se léchait pas le cul, dit la fille ! Tu l'aurais appelé comment : Fion, Dargif ou Trouduc ?





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2 commentaires

Mylena

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Il y a 5 ans

Ah Ah j'adore Bigoudi un chat catho intégriste !!! C'est bien du Michel ça !! Je poursuit cette lecture j'aime beaucoup 👍👍

Alec Krynn

-

Il y a 5 ans

Hop un petit coup de pouce pour débloquer la suite 😉
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