Michbonj Miel prend le 96 blues trottoir

blues trottoir


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- Putain, mais ça ne va pas !

Miel avait hurlé sans se rendre compte de ce qui lui arrivait. Il avait reçu un enfoiré dans le dos et ses cent kilos bien pesés l’avaient projeté sur l'angle de l'Abribus. Lorsqu'il se baissa pour constater les dégâts, un autre corps choisit cet instant pour lui passer par-dessus. Il ne pleuvait pas des guignols mais c'était tout comme. Cette fois, le voltigeur fou atterrit sur ses pieds et fit volte-face à quelques mètres de lui. Quand Miel releva la tête pour essayer de comprendre ce qui se passait, il ne vit que deux choses : deux yeux noirs qui brillaient au milieu d'une cagoule et un énorme revolver braqué sur sa tronche.

La mémé qui était à ses côtés lui sauva incidemment la vie en le bousculant pour se réfugier derrière le panneau de l’Abribus. Miel la gêna considérablement dans sa tentative de progression. La mémé se prit le pruneau de gros calibre entre les deux yeux et sa tête éclata comme une pastèque.

Miel sur le dos, se rua dans le fond de l’Abribus. Les gens couraient dans tous les sens et deux autres personnes, un homme et une femme, étaient couchées à terre sous l'abri. Le tireur fit feu de nouveau et le Plexiglas du panneau explosa en projetant des débris sur Miel et les deux autres.

Il vit le tireur hésiter une seconde, soit par affolement ou par souci de ne pas toucher son complice étendu devant Miel. Ce dernier venait de comprendre que les deux hommes fuyaient et qu'il avait involontairement stoppé l'un d'eux. L'homme baissa son revolver et regarda Miel fixement. Les voitures de la police hurlaient au loin annonçant leur arrivée imminente. L'homme disparut sur le boulevard et Miel le vit passer sur une moto.

Tout s'était passé extrêmement rapidement, les gens se relevaient et un homme mit son manteau sur la tête de la mémé révolvérisée, la vue de sa tête était insoutenable. Miel se rendit compte à ce moment là que lui non plus n'était pas beau à voir. Il tremblait de tous ses membres. Il commençait seulement à prendre conscience de l'odeur âcre qu'il dégageait et de son origine. Miel était couvert de sang et de débris de chair. L'homme qu'il avait renversé ne bougeait pas d'un cil. Miel regarda la tête encagoulée et vit que du sang coulait à l'emplacement du nez et de la bouche. Sa tête faisait un angle incongru avec le restant du corps. Il s'était vraiment bien emplafonné sur le poteau en métal, les vertèbres cervicales avaient dû céder sous le choc. Il prit conscience de l'agitation devant le Crédit Lyonnais à l'angle du boulevard. Les voitures des flics stoppèrent devant la banque. Trois d'entre-eux arrivèrent au pas de charge, un civil et deux uniformes. L'un des flics parla dans son talkie-walkie et les deux autres examinaient le corps de la femme puis celui de l'homme étendu. Le policier en civil retira précautionneusement la cagoule noire et le visage d'un jeune méditerranéen s'offrit aux regards de tous. Miel pensa, chagriné : «dommage, ça va encore retomber sur les Arabes !"

Il le pensait sincèrement étant profondément antiraciste.

Il aurait préféré voir un européen devant lui. Juste parce qu'il savait qu'un européen bandit n'était qu'un bandit mais qu'un bandit arabe était surtout un arabe, avant tout un arabe et tous les Arabes devenaient des bandits dans l'esprit de plus en plus de gens malheureusement. Le flic le sortit de ses réflexions en posant des questions.

- Qui a vu ce qui c'est passé très exactement ?

Plusieurs personnes parlèrent en même temps, le flic leur demanda de se calmer et dit à une femme :

- Vous madame, vous étiez où ?

- Au bord du trottoir, il y avait une dizaine de personnes à l'arrêt. Il y a juste un monsieur qui est parti en courant et qui n'est pas revenu. J'ai vu les deux hommes arriver du Crédit Lyonnais. Je me suis reculée quand le premier est passé entre nous, il avait juste la place pour passer devant l'abri mais le monsieur qui est là s'est reculé au moment où il était derrière lui et il l'a projeté, la tète contre le poteau. L'autre est arrivé tout de suite derrière, il s'est mis de l'autre côté de l'arrêt et il a tiré deux fois avec son pistolet. La première fois la dame est tombée la tête en morceaux ; ô mon Dieu, quelle horreur !

La femme se mit à pleurer, et le flic s'adressa à Miel.

- Vous l'avez fait tomber comment ?

- Je lui ai inconsciemment reculé dedans, répondit Miel, la dame m'a bousculé quand elle l'a vu arriver et je l'ai projeté contre le poteau sans le faire exprès, je ne l'avais pas vu du tout. Quand j'ai voulu regarder ce qu'il avait, l'autre a tiré et la femme est tombée. Le tireur est parti en courant, je crois qu'il avait une moto garée derrière les voitures et il me semble l'avoir vu passer !

- Vous l'avez vu sur une moto ?

- Oui, j'en suis sûr, c'était une Honda rouge, une 500 cc je crois ! Il a remonté le boulevard dans cette direction !

Le flic demanda à son collègue de communiquer en vitesse le signalement de la moto.

Il demanda à tous les témoins de donner leurs noms et leurs adresses. Un médecin arriva avec des infirmiers et d'autres flics, il demanda s’il y avait des blessés. Miel avait une petite coupure à la main à cause du Plexiglas, un morceau l'avait éraflé et une femme avait le cuir chevelu entaillé par un éclat. Les témoins passaient à tour de rôle auprès de deux flics qui notaient les renseignements et prenaient leurs adresses. Dix minutes après, les deux corps étaient enlevés et les gens parlaient d'un troisième cadavre, celui d'un employé de la banque, abattu par les fuyards au cours de ce qui avait été un hold-up. Miel avait été nettoyé sommairement des débris humains et du sang par un infirmier. On l'emmena à son domicile pour qu'il puisse se laver et se changer mais il devait revenir à la P. J avec le flic qui l'accompagnait pour faire sa déposition.

En montant dans la voiture de police, Miel pensa qu'il aurait mieux fait de ne pas venir ce matin à l'A.N.P.E. Venu y chercher du boulot, il n'avait trouver que des emmerdes.

Le pire dans tout ce merdier, c'est qu'il ne faisait que commencer ! On peut théoriser sur la merde, c'est à peu près aussi utile que de se poser des questions sur l'existence de Dieu ou la couleur des slips de Staline, mais une chose est sûre : quand tu commences à mettre les pieds dedans, attends-toi à t'enfoncer au moins jusqu'au cou et si Dieu existe, c'est sûrement le guignol invisible qui t'appuie sur la tête pour te faire comprendre que la fin ça n'est véritablement que la mort et rien d'autre.

Miel rêvait d'être payé pour un bon rôle, celui qui lui était prévu était pas mal et il allait toucher un maximum.

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2 commentaires

Yasorg

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Il y a 5 ans

Il ne pleuvait pas des guignols ! Du sourire,de la peur, de l'empathie, du dégout..., beaucoup d'émotions diverses dans ce passage, un style brèves de rue, j'trouve que c'est Achement bien.

Michbonj

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Il y a 5 ans

Merci, vu la restriction de caractères , je dois couper des dialogues parfois un peu cinglés. Mais c’edt le jeu, merci!
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