Fyctia
Épisode 3 - Chapitre 2
- Aux dernières nouvelles, c’est bien moi !, sourit mon père.
- Oh Mon Dieu !
Je lui saute dans les bras sans chercher à masquer mon choc ou mes larmes. Je m’écarte tout aussi rapidement pour prendre son visage entre mes mains.
- Tu es si vieux !
Je découvre avec bonheur les nouvelles rides qui parsèment son visage et la jolie teinte poivre et sel de ses cheveux.
- Merci !, rit-il avec sarcasme. Je pourrais te retourner le compliment !
Il me serre dans ses bras beaucoup plus délicatement que moi et me murmure à l'oreille :
- Vingt-six ans et brillante femme d’affaires ! Je suis si fière de toi.
J’éclate en sanglots, tellement soulagée de pouvoir l’entendre me le dire à nouveau.
- Hey… Je plaisantais !
Il passe son pouce sur ma joue pour essuyer mes pleurs et je m’appuie sur sa main. Je n’ai aucune idée de ce qu’il se passe mais avoir l’occasion de revoir mon père n'a pas de prix.
- Je dois y aller, mon ange.
- Déjà ?
- Je dois régler les derniers détails pour la venue du comité tout à l’heure. Greg m’a dit qu’il avait posé des papiers à signer sur ton bureau. On se voit au dîner de ce soir !
Je n’ai pas le temps de dire quoi que ce soit qu’il s’éloigne, me laissant les bras vidés de sa présence. Je fixe le couloir bien après sa disparition et me retiens de le suivre.
Sentant les regards d’employés un peu trop curieux de me voir immobile comme une idiote devant l’open space, je m’active et reprends la direction de l’ascenseur. J’ai besoin de réfléchir, au calme. Une fois devant le panneau de commande, un blanc me prend.
- Bon… Si j’étais la fille du boss, que je sortais avec le fils de l’autre boss et que je portais que des tailleurs, où serait mon bureau ? Essayons le dernier étage.
J’avance le doigt pour appuyer sur le numéro mais rien ne se passe. Aucune pression indiquant l’activation d’un bouton.
- Qu’est-ce que…
- Veuillez vous authentifier, surgit une voix dénuée d’humanité à l’intérieur de la cabine.
Je fais un bond en arrière et me cogne contre les parois, mes yeux cherchant l’origine de ma frayeur.
- Pour accéder au dernier étage, veuillez vous authentifier, répète-t-elle sur le même timbre platonique.
Sur le mur d’en face, je discerne un écran clignotant en rouge. Je me penche pour l’observer de plus près lorsqu’un laser en sort pour balayer mon visage. Je pousse un hoquet de surprise en me recroquevillant dans un coin de la cabine qui se met en branle. Le panneau devient vert et mon badge apparaît.
- Okay… C’est nouveau.
Sylvain avait toujours refusé un tel degré de domotique, estimant qu’appuyer sur un bouton n’était pas un effort surhumain.
Et qu’il n’y avait rien de plus satisfaisant pour enfant que de balayer chacun d’eux pour s’arrêter à tous les étages.
Gremont & Monnier, malgré son statut de multinationale, a pris à cœur de conserver une dimension humaine. Après tout, notre but est d’aider les hommes sans les rendre impotents. C’était l’intention de nos recherches dans la lignée du dicton de mon père. Je ne retrouve pas cette philosophie dans ce monde étrange. En plus de ça…
- Où est ma serre ?
Rien n’indique sa présence. Seulement des labos, des départements de recherches et développement, du marketing, de la communication, une branche armement…
- Quoi ?!
Le ding de l’ascenseur me coupe dans mon exploration et je me retrouve dans un espace beaucoup plus calme. Le marbre blanc au sol donne une nouvelle résonance à mes talons et attire l’attention des deux secrétaires de l’accueil.
- Bonjour, Mademoiselle Gremont, me saluent-elles en cœur.
Je le leur retourne d’un hochement de tête, gênée alors que j’ai pourtant l’air d’appartenir ici. Je n’étais venue qu’occasionnellement pour déjeuner avec Greg ou lui remonter les manches quand un contrat ne me plaisait pas. Nous partageons les parts de l’entreprise alors j’ai autant mon mot à dire que le sien même si je lui fais confiance pour gérer toute la partie serrage de main et négociation de contrat. Ma passion reste dans le labo. Voilà pourquoi il est étrange que je n’y sois pas affiliée.
Je ne reconnais rien de cet environnement. Un couloir s’étend de part et d’autre de l’accueil et je ne sais de quel côté le prendre pour atteindre mon bureau.
- Un problème, Mademoiselle Gremont ?, me demande une des réceptionnistes avec une voix de crécelle.
Je ris, gênée, en me dandinant et finis par y aller franco :
- Vous pourriez me dire où est mon bureau ?
Plus que perplexe, elle tend le bras vers la droite et je la remercie rapidement, rouge de honte, en courant presque pour échapper à son regard dubitatif.
- Ah, enfin !
Mon nom se dévoile sur une porte du fond. Je l’ouvre puis la claque avec mon dos en m’y adossant. En balayant les lieux, je reste ébahie devant l’immense baie vitrée offrant une vue imprenable sur le reste de la ville. La tour se dresse au-dessus de toute cette vie grouillante comme un aigle sur le point d’attaquer. Je n’avais jamais vu cet édifice de cette manière.
- Comment je peux travailler ici ? Pas de plantes, de microscope, d’éprouvette…
Dépitée, je me laisse tomber telle une loque sur le fauteuil de ministre face au gigantesque bureau en acajou. C’est bien la seule chose agréable ici. Je m’amuse à tourner en utilisant mon pied pour me propulser et espérer trouver une réponse à cette histoire abracadabrante. Le siège grince à chaque rotation et mon regard se fixe sur les papiers posés en évidence devant moi. Au début, je ne distingue rien. Puis, des lettres se détachent, et enfin des images. Ou plutôt des logos. Ceux du gouvernement et de l’armée.
3 commentaires
Lyaminh
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Il y a 4 ans
cedemro
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Il y a 4 ans
Thylia Andwell
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Il y a 4 ans