Fyctia
Épisode 3 - Chapitre 1
C’est le bourdonnement d’une tondeuse qui me réveille. Ma tête pèse une tonne. Je grogne en la redressant pour m’adosser à la tête de lit. Le réveil indique qu’il est plus de 8 heures. J’ai vraiment dû mal réagir à ma sortie de la machine d’Harry.
Le bruit s’arrête et la porte s’ouvre, déversant sa lumière dans la noirceur de la chambre. Je réalise à ce moment-là que mon copain n’utilise pas de tondeuse électrique.
- Salut, bébé !
Je sursaute et remonte la couette jusqu’à mon menton en voyant Greg se détacher dans l’encadrement.
- Tu as dû te faire méchamment mal à la cheville hier soir pour dormir aussi longtemps ce matin.
Il prend une montre sur la commode face au lit et l’enfile à son poignet.
- Ne traîne pas trop. On a une réunion du Conseil d’Administration pour finaliser notre contrat avec l’armée. Tu n’as pas oublié ?
Greg n’attend pas de réponse et appuie sur un petit boîtier qui enclenche le roulement automatique des stores. Je cligne frénétiquement des yeux à cette éclatante luminosité et prends conscience d’où je me trouve.
Ce n’est pas ma chambre.
Ce n’est même pas ma maison.
En découvrant ce qui se dessine derrière la fenêtre, je sors du lit et m’y précipite. Mon jardin, où les oiseaux gazouillent, a laissé place aux buildings et aux grues. Je ne reconnais en rien la ville où j’habite. À croire qu’en l’espace d’une journée, des immeubles ont poussé par dizaines.
- C’est quoi ce bordel…
- Je dois vraiment y aller, Ily.
Greg agrippe ma tête et claque un baiser sur ma joue. Je le suis des yeux, complètement perdue, tandis qu’il navigue dans la chambre pour prendre ses affaires. Il ouvre la porte pour sortir, marque un temps d’arrêt et se retourne.
- Oh ! J’ai failli oublier… Joyeux anniversaire !
- Hein ?
- Réserve ta soirée. Nos pères ont réservé un resto. Je t’aime ! On se voit à la réunion !
La porte claque sur ma respiration qui s’approche plus de l’hyperventilation à ce stade.
- Mais qu’est-ce qui se passe ?
Je m’appuie sur la commode pour ne pas tomber dans les pommes et tente de reprendre mes esprits. Je remarque soudain les différents cadres sur le mur. Notamment celui de ma remise des diplômes. Je le décroche pour le rapprocher et être sûr de ce que j’y vois.
- Papa ?
Mon père est sur cette photo bien qu’il soit censé être décédé depuis plus de 2 ans au moment de sa prise. L’objet m’échappe des mains et se brise au sol.
- C’est pas possible. C’est pas possible.
Je me jette sur la table de chevet pour récupérer mon téléphone. Du moins, ce que je crois être un téléphone. Il s’apparente plus à une fine vitre en verre qu’à ce que j’utilisais encore la veille.
- Non mais c’est quoi ça !?
Mes nerfs commencent à lâcher. L’écran s’allume subitement et je chancelle en y découvrant Greg et moi en fond d’écran, nous embrassant. Au-dessus, la date d’aujourd’hui.
- Le 17 juillet... Encore ?!
Je secoue la tête refusant d’y croire.
- C’est un rêve. Je suis en train de rêver.
Je me précipite dans le dressing où une collection impressionnante de tailleurs se présente à moi. Pas un seul legging ou jogging à l’horizon. Pire encore… Que des escarpins en guise de chaussures.
- Je suis en enfer, c’est sûr !
J’attrape ce qui me semble le plus confortable et l’enfile en vitesse, ne manquant pas de me casser la figure avec ces talons de 10 cm.
Je fonce hors de l’immeuble et me retrouve en pleine jungle urbaine. Je dois tordre le cou pour contempler les buildings qui m’entourent et m’empêcher de suffoquer par la sensation d’étouffement qu’ils provoquent. Dans ma contemplation, je suis bousculée.
- Pardon !
La personne poursuit son chemin sans faire attention à moi. Tous les passants ont le nez sur des écrans projetés juste devant leurs yeux.
- Okay… Je suis en plein délire !
Personne ne relève la tête. Des capsules dans leurs oreilles les isolent du monde extérieur. Sentant la panique monter en moi, j’offre mon visage au soleil pour recouvrer mon calme. J’aperçois avec soulagement la tour Gremont & Monnier qui s’élève dans le ciel sans nulle autre pareille et m’y précipite.
- Merci, Mon Dieu !
Au moment de tourner à l’angle de la rue, l’accès est bloqué par des policiers devant des barrières translucides indiquant "point de contrôle". Les citoyens qui font la queue passent chacun leur tour sous des portiques qui ressemblent à des détecteurs de métaux. Je m’avance sans prêter attention aux râlements des personnes que je double et m’adresse à un des policiers occupé à scanner la population.
- Excusez-moi, je dois impérativement accéder à cet immeuble.
- Faites la queue !
- Vous ne comprenez pas, je dois entrer !
Il me regarde enfin et son visage passe de l’agressivité au malaise.
- Excusez-moi, Mademoiselle Gremont !
Il baisse la tête et ouvre une des barrières pour me laisser passer.
- Merci…
Je ne suis pas sûr de comprendre ce qui se passe mais je ne vais pas m’en plaindre. À la place, j'entre dans le bâtiment et retrouve son hall familier. Le jardin intérieur, la statue de mon père, le comptoir de l’accueil…
Mes talons claquent contre le carrelage en m’y dirigeant avant d’être engloutis par le brouhaha d’un groupe d’élèves aux uniformes verts. Je ralentis pour les observer, une véritable sensation de déjà-vu me prenant les tripes. Un homme, dont le badge se balance autour de son cou, guide les enfants d’une dizaine d’années.
- André Gremont et Sylvain Monnier se sont rencontrés sur les bancs de l’université alors qu’ils n’avaient que 16 ans ! La combinaison de leur génie en physique et en ingénierie a permis la construction d’un véritable empire ! En l’espace de 10 ans, leurs inventions ont permis une révolution industrielle, médicale, spatiale et défensive.
Le groupe arrive devant l’espace vert et je constate que, derrière la représentation de mon père, se tient une autre statue. Celle de Sylvain.
- Mademoiselle Gremont ?
Je pivote vers la voix féminine qui m’appelle et découvre une jeune femme au poste d’accueil.
- Francine ?, lus-je sur son badge.
- Votre père vous attend dans votre bureau.
Je la fixe sans comprendre. Elle finit par tendre le bras vers les ascenseurs en haussant les sourcils, étonnée. Je suis sa direction avec des mouvements automatiques, tentant d’assimiler les récents événements.
La cabine est remplie. Je me faufile entre les employés et attends que l’écran indique le 15e étage. Le ding retentit et je m’engouffre à l’extérieur sans regarder où je vais. Je suis vite arrêtée par le claquement de centaines de touches de clavier à l’unisson. Un énorme open space me fait face, remplit d’employés empaquetés dans de petites boîtes. Mon hyperventilation reprend et je recule en secouant la tête.
- Putain…
Brusquement, mon dos percute quelque chose et je me retourne en sursautant.
- Tu t’es perdue, ma puce ?
- P… Papa !
3 commentaires
Lyaminh
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Il y a 4 ans
cedemro
-
Il y a 4 ans
Thylia Andwell
-
Il y a 4 ans