Fyctia
Épisode 2 - Chapitre 3
- Départ dans 10 min !
Je débarrasse la table tandis que mon père parcourt la maison pour appeler au rassemblement. Une balade nocturne est organisé les soirs d’été après le repas dans les bois qui bordent le jardin. Cependant, celle que nous nous apprêtons à faire connaîtra une fin qu’aucun de nous n’avait envisagée.
Lorsque mon père commencera à avoir mal dans la poitrine, nous serons trop éloignés de la maison pour appeler les secours à temps. Quand ils arriveront enfin, il sera décédé depuis quelques minutes. Seulement quelques minutes.
- Ily, tu m’apportes ma tisane, s’il te plaît ?
Je hoche simplement la tête pour éviter qu’il n’entende la tristesse dans ma voix. Je pose les assiettes dans l’évier et enclenche la bouilloire en préparant sa tasse.
- Parfum aubépine et hibiscus, lus-je sur la boîte. Fortifiant cardiaque. Très drôle.
- Tu m’en prépares aussi une, Ily ?
Mon oncle Jo entre dans la cuisine en enfilant son manteau. Ce n’est pas vraiment le mien. Plutôt celui de Greg. Nos pères sont si amis que nous confondons même les membres de notre famille.
- Bien sûr !
- Bon sang, j’ai des pétales de laurier de partout !
De petits morceaux de fleurs roses volent dans les airs à mesure que Jo époussète son pardessus. Je les observe, intriguée de leur présence.
- Tu savais que cette fleur à de multiples symboles ? La gloire. La beauté. L’indécision…
Je n’entends pas sa réponse. Mon cœur se serre car la suite des évènements n’est pas perdue dans mes souvenirs. Je me rappelle apporter sa tisane à mon père, l’écouter rire avec ses amis avant de nous entraîner dans les bois. Nous marcherons trop longtemps et, par égo, il ne révèlera pas immédiatement son mal. Pas avant de s’effondrer en tout cas.
Je reste si longtemps les yeux dans le vide, à me rappeler cette soirée, que je sursaute quand la main de mon père claque sur mon épaule.
- Dis donc la rêveuse… Je la voulais cette tasse !
- Oh ! Désolée… Je n’ai pas entendu la bouilloire s’arrêter.
- Ça ne fait rien ! Allez, viens ! Les autres nous attendent.
Nous entamons notre promenade main dans la main au son des discussions légères du groupe. Il fait un peu sombre mais de discrètes lampes solaires éclairent nos pas d’une lumière tamisée. La stridulation des grillons et criquets rythment nos pas. Lorsque les arbres épars nous permettent de distinguer le ciel, la chasse des chauves-souris, en quêtent de nourriture, s’offre à nous. Elles sont à peine visibles tant elles sont rapides. Leurs battements d’ailes sont le seul indice de leur arrivée imminente.
- C’est une belle soirée d’anniversaire, constate mon père.
- Trop belle, je murmure en serrant sa main. Je n’ai pas envie qu’elle se termine.
- Il y en aura d’autres, Ily.
- Non. Pas comme celle-là.
- Heureusement ! Ce serait d’un ennui mortel !
Je ris face à son optimisme débordant alors qu’une idée me trotte dans la tête.
- Papa ? À quel point contrôle-t-on ses souvenirs ?
- Eh bien… Je suis physicien, pas neurologue. Je dirais, qu’à partir du moment où ce sont les tiens, tu en fais ce que tu en veux. C’est la beauté de l’esprit humain. Et sa faiblesse. On ne peut jamais être entièrement sûr de ses souvenirs. Chacun se rappelle des choses différentes.
- Donc, en soi, je peux l’altérer à ma convenance ?
- Oui. Mais, puisque c’est volontaire, tu sauras que c’est faux.
- Ça n’a pas d’importance.
Je sais déjà que tout ceci est dans ma tête. En me réveillant, je trouverais Harry face à moi et non mon père. Là n’est pas la question. Si je peux éviter de revivre sa mort, je me dois d’essayer. C’est mon souvenir après tout. Mon anniversaire. Je veux changer les choses. Pour moi. C’est mon cadeau à moi-même.
Sur le chemin, je remarque une large pierre qui ne me paraît pas très stable. J’inspire en m’agrippant et marche dessus.
- Aïe !
Une douleur imprévue me prend la cheville et me fait chuter.
- Ily !
Mon père me retient et passe son bras autour de ma taille.
- Je me suis tordue la cheville ! Qui aurait cru que c’était aussi facile ! Et que ça faisait aussi mal !
Il s’agenouille face à moi et remonte le bas de mon jean pour tâtonner ma peau du bout des doigts. Je gémis à chaque palpation et doit me tenir à ses épaules pour ne pas tomber.
- Je crois que c’est plutôt une entorse, ma puce. Tu ne dois plus poser le pied à terre. On rentre.
- Super !
J’ai dû paraître un peu trop enjouée vu le regard qu’il me lance.
- C’était ironique, je rectifie tant bien que mal.
Il se retourne pour siffler les autres plus loin devant nous.
- Ily s’est tordue la cheville ! Je la ramène !
Des "okay" s’élèvent de l’obscurité et nous reprenons le chemin de la maison. Ses lumières percent à travers le feuillage et m’éblouissent. Je suis obligée de tendre la main pour les cacher tellement leur éclat est puissant. Il finit par m’englober alors qu’un son métallique, comme des pales en rotation, m’emplit les oreilles. Je suis déstabilisée et me sens tomber en avant.
- C'est bon. Je te tiens.
La voix masculine qui me parvient est lointaine et déformée. Je voudrais m’accrocher à elle mais je n’arrive plus à garder les yeux ouverts ou à me concentrer. Mon esprit s’endort en même temps que la lumière et les sons.
2 commentaires
cedemro
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Il y a 4 ans
Thylia Andwell
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Il y a 4 ans