Fyctia

- Allez debout, Marmotte !

Je grogne de sommeil en entendant la voix d’Harry.

- Ah non, Ily ! Pas de ça aujourd’hui !

La couette, sous laquelle je m’enfouis, vole dans les airs pour me laisser sans protection contre les rayons du soleil. Je me retourne comme une crêpe pour les éviter mais mon copain n’est pas décidé à me laisser tranquille.

- Très bien… Je suppose que j’ai préparé ce petit-déjeuner pour rien !

- Tu es doué, je soupire contre le matelas.

Appâtée par la perspective de me goinfrer, j’arrête mon caprice et me redresse pour m’adosser à la tête de lit en y calant un coussin.

- Bonjour !, me sourit Harry de toutes ses dents.

Je le lui retourne dans un marmonnement à peine compréhensible, agacée qu’il soit de si bonne humeur alors qu’il y est à peine 7 heures du matin. Il pose un plateau bien garni devant moi, égayant mon aigreur. Un verre de jus d’orange, un kiwi jaune, des tartines de pain grillé, du beurre et de la marmelade aux citrons. Je dois reconnaître ses efforts pour avoir assorti les couleurs avec notre parure de lit et mon pyjama à l’effigie de la pizza quatre formages.

- Joyeux anniversaire, Ily, murmure-t-il en m’embrassant tendrement sur la joue.

- Merci…

Une chape de plomb s’abat sur mes épaules en même temps que la tristesse sur mon moral. Je retiens les larmes qui m’assaillent car j’avais oublié que c’était aujourd’hui. On peut appeler ça de l’autopréservation, je suppose.

- Je sais que c’est un jour compliqué pour toi, reprend mon copain en tentant d’être encourageant. Ça va être une bonne journée, tu verras !

Je voudrais le croire mais je n’en ai pas le cœur. À la place, je me concentre sur mes tartines, savourant les petits bonheurs du quotidien pour éviter de sombrer dans mon lit jusqu’à ne plus pouvoir remonter. Le pain grillé qui craque lorsque mon couteau étale le beurre sur toute sa surface est l’un d’eux. Le visage d’Harry, un autre.

- Ça va être une bonne journée, je répète la bouche pleine pour m’en persuader à mon tour.

Harry me caresse le bras et le serre en signe de réconfort.

- Elle le sera… Parce que j’ai un cadeau !

Ses fossettes réapparaissent et je ne peux que rire devant son attitude de petit garçon.

- Qu’est-ce que c’est ?

- Si je te le dis, ça ne sera plus un cadeau !

- Mais c’est mon anniversaire !

- Justement ! L’attente occupera ton esprit et t’évitera de broyer du noir !

Il se lève et se dirige vers la salle de bains. Je le suis du regard, touchée par cette attention. La douche se met en branle de l’autre côté de la porte et je soupire de contentement en percevant le piaillement des oiseaux à travers la fenêtre entrouverte. Je déguste mes tartines avant de me rappeler pourquoi c’est une mauvaise idée de le faire au lit.

- Et merde !

La tartine se casse en deux et en met partout.

- Tu as mis des miettes dans lit ?, crie Harry depuis la salle de bains.

- Non !

Son rire m’apprend que je n’ai pas été très convaincante. Je finis mon petit-déjeuner en courbant le dos pour manger au-dessus du plateau et éviter une aggravation de la situation. Mon copain sort après plusieurs minutes, fraîchement habillé et les cheveux humides.

- Je file au bureau. J'ai plusieurs projets à terminer.

Je l’observe, les yeux plissés de suspicion, en prenant une gorgée de mon jus d’orange.

- Tout ça est bien mystérieux.

- Je te l’ai dit. J’ai un cadeau pour toi.

- Il n’est pas fini ?

- Presque !

- Hum…

Voilà qui pique de plus en plus ma curiosité. Son sourire au coin me prouve que son petit jeu marche comme sur des roulettes. Il m’a tendu un piège et je saute à pieds joints dedans.

- Ça va me prendre la tête toute la journée, tu sais ?

- Je sais. Viens au labo ce soir et tu auras ton cadeau.

- Ce soir ?!

On aurait dit une enfant à qui l’on venait de prendre son jouet préféré.

- La patience est une vertu, Ily !, me charrie-t-il en sortant de notre chambre.

- Oh la ferme !

Je lui lance un oreiller à la figure mais c’est la porte qui prend l’impact alors qu’il s’échappe en éclatant de rire.

Seule dans cette pièce, mes pensées noires ne tardent pas à revenir.

- Allez, ma vieille !

Je me motive et sors du lit en rejetant la couette dans un geste dramatique. Du verre qui s’entrechoque tempère mon enthousiasme et je grogne de frustration. J’avais oublié que le plateau était encore sur le lit.

- Ça va être une bonne journée !