Fyctia

Il sortit de l’appartement et je lui emboitai le pas.

— J’ai apporté un passe au cas où, me dit-il.

— Un passe ?

— Oui, un passe. Quand j’étais flic, j’en utilisais un. Et puis, j’ai oublié de le rendre. Et dans le cas présent, cela peut nous être très utile.

Nous nous approchâmes de la porte.

— Quelle odeur, en effet ! je crains le pire ! dit-il. Bon. Je vais entrer. Restez dehors !

Il ouvrit la porte. L’odeur était épouvantable.

— Allez ! ouste ! cria-t-il, circulez ! y a rien à voir ! Barrez-vous !

Et il referma la porte. Toujours aussi aimable !

Je restai dans le couloir. A l’écart, bien à l’écart car c’était insoutenable.

Il ressortit aussitôt. Presque en apnée. Il était vert ! enfin, presque !

— Vous m’en faites faire, des trucs vous ! Notre homme est bien mort !

— Oui, je m’en doutais un peu !

— Oui, Miss Marple ! Le hic, c’est qu’il a un grand couteau planté dans le dos !

— Qu’est-ce qu’on fait alors ?

— C’te bonne blague ! on appelle les flics !

— Pourquoi les appeler ? vous êtes flic !

Il poussa un soupir et leva les yeux au ciel.

— A la retraite ! Je n’ai pas le droit d’enquêter. Et puis je ne peux pas faire tout tout seul ! Et comme emmerdeuse, vous êtes plutôt gratinée. Me réveiller en pleine sieste pour me faire découvrir un cadavre ! Vous en avez souvent des comme ça ?

— Non. Jamais ! Et actuellement, je n’ai pas de cadavre en réserve dans mon placard. Mais la prochaine fois que j'en aurai un, je vous appellerai !

Il appela la police et tout un aréopage est venu. On a eu droit à toute l’équipe. Le commissaire, les OPJ, la police scientifique. C’était comme dans les films. Mais en mieux, car c’était en vrai.

Tout l’immeuble était en émoi ! Enfin, il se passait quelque chose de pas banal !

Le pauvre Monsieur Lebreton est reparti sur une civière, emballé dans une housse en plastique. Pas drôle comme fin ! et surtout, avec un grand couteau dans le dos !

Les flics sont restés toute la nuit, à fouiller dans l’appartement, afin de trouver un indice. J’ai descendu ma poubelle à 23 h et ils étaient encore là. Et le lendemain matin, la lumière y était encore allumée et je les ai aperçus encore. Que pouvaient-ils bien chercher ?

Cette question me tarabuste. En tout cas, à défaut d’un roman d’amour, je pourrais écrire un roman policier à la place.

Je l’ai dit ! C’est une sacrée emmerdeuse ! Déjà qu’à chaque assemblée générale des copropriétaires, elle me rabat le caquet, et voilà qu’elle me colle un cadavre sur les bras, alors que j’étais peinard, chez moi, en robe de chambre. Je venais tout juste de me réveiller.

Maudit soit les vieilles filles ! Elles n’ont rien d’autres à faire que de s’occuper des affaires des autres, de mettre leur nez dans ce qu’il ne les regarde pas. Il ne manquerait plus qu’elle mène l’enquête en plus. Elle en serait capable, Miss Marple !

Pourtant, si elle s’arrangeait un peu, elle ne serait pas mal ! et même pas mal du tout ! Elle a de jolis traits, mais elle s’habille comme un sac !

Et puis alors, quel caractère !

J’espère qu’elle ne va pas fouiner pour en savoir plus. Déjà que la police m’a posé pleins de questions. Mais moi, je n’ai rien vu, rien entendu. Je n’ai pas la moindre idée de qui a tué ce pauvre type ! Et puis je n’ai pas le droit d’enquêter.

Quoique !

Le commissaire, sachant mon ancien métier, m’a proposé de collaborer avec lui si besoin. Mais surtout, je n’en parlerai pas à l’autre, sinon, elle va me coller aux basques comme un vieux chewing-gum. Comment s’appelle-t-elle déjà ? Alice ! A-t-on idée d’avoir un prénom pareil. Alice au pays des merveilles ! En tout cas, ce n’en est pas une.

Bon, il faut que je me calme. Elle a le don de me porter sur les nerfs et de faire monter ma tension.

Et puis, il faut que je reste zen ! Mes enfants doivent venir diner ce soir, avec mes petits-enfants. Je ne leur dirai rien de ce qu’il s’est passé ici. Surtout pas !