Fyctia

Jeudi 5 janvier 2023.

J'ai passée de superbes fêtes de fin d'année avec mes amis et ma famille. Par contre, mes parents semblent légèrement préoccupés ces derniers temps, et malgré une tentative de discussion avec ma mère, elle est restée plutôt évasive.

Ça m'inquiète un peu !

Pour fêter cette nouvelle année, un groupe de musique du lycée donne un concert.

Amélie m'a trainé jusqu'ici pour ne pas rater l'événement. Étonnant venant de mon amie plutôt discrète d'ordinaire.

Je me demande si ce n'est pas un moyen de se changer les idées, vu que son Valentin a décidé de faire la technique de l'autruche en l'ignorant depuis la reprise des cours.

Ça me fait de la peine pour elle.

Assises dans les premiers rangs, on a une vue dégagée sur la scène.

Pourquoi a-t-elle voulu qu'on soit aussi proches ?

En plus, elle ne tient pas en place, surexcitée autant que les autres filles à notre droite qui font un peu, fan hystérique.

Ça ne lui ressemble pas, à moins que…

— Ne me dis pas que…

Je n'ai pas le temps de finir ma phrase que j'entends la foule en délire acclamer le groupe qui entre en scène.

— Angels ! Angels ! scande toute la salle en frappant dans leur main.

C'est qui ceux-là ? Tout le lycée semble les connaître. Sauf moi !

Deux garçons font une entrée fracassante en sautant partout, suivis d'un troisième qui arrive d'un pas nonchalant.

Je grimace.

— Bonsoir, lycée Paul Mer. Est-ce que vous êtes chaud ce soir ? crie… Valentin à travers son micro.

Ma main recouvre ma bouche de surprise. Je tourne la tête vers mon amie les sourcils froncés.

Sérieux ?! Au premier rang ? Comme deux groupies ! Faites que son pote ne me voit pas…

— Nous sommes heureux de vous retrouver pour cette nouvelle année, ajoute-t-il avant de faire signe à Lucas et leur troisième comparse.

La lumière se tamise peu à peu lorsque les premiers accords d'une chanson plutôt pop résonnent dans les basses situées à quelques mètres de mes oreilles.

Des spots bleus et verts se braquent sur le trio.

Je lève la tête et percute le regard étonné de Lucas qui se trouve à quelques mètres de moi, sa guitare à la main. Mon corps se raidit, ma respiration se bloque.

C'est quoi ce délire ?

— Putain, mais tu le sais depuis quand qu'ils ont un groupe ?

— Euh… depuis hier, j'ai entendu Valentin en parler dans la cour.

Valentin scrute la salle jusqu'à tomber sur nous. D'abord surpris et légèrement intimidé, il finit par adresser un clin d'œil à mon amie.

Je ne comprends pas trop ce jeune homme, sous ses airs de mec sociable et sûr de lui se cache visiblement un garçon beaucoup plus complexe.

Ils enchaînent avec les premières notes d'une mélodie beaucoup plus mélancolique, me laissant sans voix. Nous sommes plongés dans un univers à la fois sombre et bouleversant.

La voix douce et mélodieuse de Valentin nous transporte, les paroles poignantes et émouvantes, provoque chez moi un profond sentiment de tristesse.

La chanson parle d'enfance compliquée, de parents absents et de maladie.

Est-ce le vécu d'un membre du groupe ? Je me questionne… curieuse.

Je repère le pianiste au fond à gauche, il joue merveilleusement bien aussi.

Il n’est pas mal d'ailleurs dans son genre, avec son côté un peu hippie, cheveux bruns attachés en chignon souple, de carrure plutôt fine avec quelques tatouages sur le bras, ses doigts courent sur le clavier avec une telle facilité que cela en est déconcertant.

Par réflexe, je scrute immédiatement les bras de Lucas à la recherche de tache d'encre mais ne repère rien.

Pourquoi, je fais ça ? Qu'est-ce que ça peut me faire qu'il soit tatoué ?

Je suis impressionnée par leur talent.

Ils jouent plusieurs de leurs compositions en alternant musiques entraînantes et sons plus mélancoliques.

Sans m'en rendre compte, mon corps bouge instinctivement pour se caler sur leurs instruments. Je ferme les yeux pour me laisser bercer par ce son envoûtant.

Tout d'un coup, Lucas entame un solo puissant qui m'électrise. Plus la musique s'élève et plus son regard s'assombrit. Des frissons parcourent ma peau tandis que sa vulnérabilité, mise à nu, me paralyse. Mon cœur pulse au rythme de ses doigts qui grattent sa guitare sèche.

Nous sommes de nouveau connectés !

J'ouvre subitement les yeux pour être happée par ceux du guitariste qui exécute sans effort une magnifique performance.

Un mélange d'émotions traverse son regard bleu hypnotique. Je ressens sa peine, sa souffrance mais également de la colère.

Son interprétation m'intrigue encore plus, est-ce lui le jeune enfant mal dans sa peau ?

J'ai envie d'en savoir plus sur lui et ça m'énerve, car je ne devrais pas.

Je ne m'explique pas ce lien qui semble nous unir. Cette sensation de le comprendre sans avoir besoin de parler.

A la fin de la représentation, je fais mon maximum pour quitter l'amphithéâtre avant tout le monde, sauf que toutes leurs fans se sont agglutinées devant les marches donnant accès à la scène et accessoirement à la sortie, m'empêchant de passer.

Dans la cohue, j'ai perdu Amélie des yeux, ça ne m'étonnerait pas qu'elle fasse partie du groupe.

N'ayant pas le choix, j'enjambe les sièges pour accéder à l'autre sortie qui donne sur la cour du gymnase, tout en haut. Je finis par tomber entre deux rangées et attends un peu que le reste de la foule se dissipe.

Le calme commence à se faire entendre et je relève les yeux pour me retrouver face à un entrejambe.

Décidément, les entrejambes et moi c’est une longue histoire !

Je remonte un peu plus mon regard et reconnais aussitôt le jean foncé et le tee-shirt noir au slogan Angels, doré sur l'avant.

— Tu cherches quelque chose ? me questionne le guitariste de sa voix rocailleuse en me détaillant à quatre pattes au sol.

Double merde !

— Oui… la sortie.

— Par terre ? insiste-t-il en arquant un sourcil interrogateur et légèrement moqueur.

— J'avais perdu mon téléphone dans ce capharnaüm, la faute à vos groupies, me justifié-je en brandissant mon téléphone, victorieuse tout en me relevant pour mettre de la distance entre nous.

— Bon alors comme ça tu me suis maintenant ? me questionne-t-il en ignorant mon excuse bidon.

— Ça ne va pas ! Je ne savais même pas que tu jouais. Si je suis là c'est pour…

Je m'interromps aussitôt ne voulant pas trahir mon amie.

— Ne prends pas tes rêves pour de la réalité ! le provoqué-je, d'un air hautain.

— Ah Lucas ! Tu viens ce soir à la soirée, minaude une petite blonde derrière lui.

Lucas se retourne vers la jeune fille en lui faisant un signe affirmatif de la tête.

— Trop bien, on va pouvoir finir ce qu'on avait commencé la dernière fois, ajoute-t-elle d'une voix suave pleine de promesses.

Elle se rapproche de lui et lui titille son menton de son index parfaitement manucuré.

J'en profite pour m'éclipser discrètement.

Lorsqu'il se reconcentre enfin sur moi, je suis déjà plusieurs rangées au-dessus de lui.

Je grimpe les dernières marches sans même jeter un regard en arrière.

Je ne lui donnerais pas ce plaisir !