Fyctia

Vendredi 27 janvier 2023.

Je cours dans les couloirs du lycée, je dévale les escaliers, tout en me faufilant à travers la masse d'étudiants qui attendent leur prochain cours, ou le quitte, j'en bouscule certains par maladresse.

— Excusez-moi ! crié-je tout en continuant ma course effrénée.

Mince, j'y pense, je n'ai même pas prévenu les filles, je suis partie comme une voleuse.

Tant pis, je leur écrirais un message après.

Une fois devant le bus, je souffle enfin de soulagement tout en crachant mes tripes, essoufflée à la limite de la crise d'asthme.

J'ai tout donné !

Affalée sur la banquette du bus, j'explique mon départ précipité à mes amis.

Trente minutes plus tard, je suis enfin devant chez moi.

Je me rue sur la boîte aux lettres pour récupérer le paquet que je m'empresse de cacher dans mon sac avant d'ouvrir la porte d'entrée.

— PAPA ! hurlé-je dans la maison.

— DANS LA CUISINE ! me répond mon père sur le même ton.

Je me dirige vers le lieu indiqué et constate avec étonnement le foutoir qui y règne.

— Coucou ma puce, ça a été le lycée ?

— Oui nickel… mais tu m'expliques ? Une bombe a atterri dans la cuisine ?

Mon père replace une mèche de ses cheveux avec le dos de sa main car sa paume est remplie de farine.

— Ah ça ! Je tente un fondant au chocolat pour ta mère, c'est son gâteau préféré, mais j'ai fait cramer le chocolat. Il faut mettre du beurre avec, ou de l'eau ?

J'explose de rire en voyant la mine dépassée de mon père.

— Je veux lui faire son repas préféré. J'ai un peu galéré avec les lasagnes, mais c'est bon, elles sont dans le four. Il n'y a plus qu'à espérer que ce soit mangeable ! Par contre le gâteau, j'ai merdé.

— Vas-y occupe-toi de mettre la table, je gère le gâteau. ordonné-je, attendrie par son initiative.

— Oh tu es un ange ! me remercie mon père, en m'embrassant sur le front.

Pour l'heure qui reste, on s'active comme des fous.

Une fois le gâteau cuit, je remets de l'ordre dans la cuisine. On a invité quelques amis de mes parents pour fêter les quarante-cinq ans de ma mère.

J'ai proposé également à Benjamin qu’il me rejoigne pour le dessert. On s'est à peine vus à son retour de vacances. Ses examens lui prennent beaucoup de temps en ce moment.

Dix-neuf heures pétantes, les amis de mes parents débarquent et on range toutes leurs affaires dans la chambre d'amis, au rez-de-chaussée.

Ma mère ne devrait plus tarder.

Je suis euphorique, j'adore faire des surprises !

Tout en finalisant les préparatifs, j'entends la clé dans la serrure.

Tout le monde se cache derrière les murs ou les fauteuils et mon père et moi nous jetons sur le canapé en allumant la télé, l'air de rien.

— SALUT ! C'est moi, crie ma mère dans l'entrée.

Elle retire ses vêtements et s'approche de nous, elle me fait rapidement un bisou sur le front avant d'embrasser mon père.

— Ca a été votre journée ? nous demande-t-elle.

Mon père lance la musique de "Joyeux anniversaire", les invités sortent de leur cachette et nous nous égosillons tous en chœur :

— JOYEUX ANNIVERSAIRE ! JOYEUX ANNIVERSAIRE !

Ma mère met ses deux mains au niveau de sa bouche tout en regardant autour d'elle, émue de voir ses proches.

— Mais…

Les mots lui manquent, submergée par l'émotion. Ses amis s'approchent d'elle pour l'embrasser. J'aperçois une larme de bonheur couler sur sa joue gauche.

Je suis trop contente qu'elle n'ait rien vu venir. C'est toujours compliqué avec ma mère car habituellement, elle a un radar pour ce genre de choses.

On passe une agréable soirée tous ensemble. Leurs amis, sont exceptionnels. J'espère que plus tard j'aurai un groupe aussi soudé que le leur. Ils se connaissent depuis la fac et ne se sont jamais quittés.

Benjamin me rejoint au moment du gâteau et des cadeaux.

Le malin !

Ça me fait plaisir de le revoir et lui prouve en me jetant dans ses bras dans une tendre étreinte. Il me rend mon câlin en me serrant fort… trop fort… J'étouffe !

À l'ouverture de mon cadeau, ma mère froisse le papier en un rien de temps alors que j'ai mis dix bonnes minutes à confectionner un emballage approximatif. Je suis nulle en travaux manuels !

Ma mère ouvre l'album et regarde quelques photos au hasard. J'ai eu l'idée de retracer notre vie de famille, de ma naissance jusqu'à aujourd'hui, en prenant des clichés de nous assez marrants.

Elle le feuillette en souriant à deux trois reprises, sur une photo de nous deux en train de danser, elle s'attarde plus que de raison et se met subitement à fondre en larmes.

Mon père se rapproche aussitôt pour la serrer dans ses bras, mais elle le repousse délicatement et s'avance vers moi.

— C'est un cadeau très précieux, merci ma puce. Il est magnifique ! me félicite-t-elle en m'embrassant sur la joue et en me serrant fort.

— Je t'aime mon cœur, n'en doute jamais ! me souffle-t-elle.

Mon père s'accroupit vers son jukebox pour détendre un peu l'ambiance et animer la soirée.

Leurs amis jouent le jeu et se mettent à danser dans le salon pendant que j'observe mes parents, si tendre l'un envers l'autre.

Benjamin m'attrape la main et se dirige sur la piste improvisée. Il m'entoure délicatement la taille me guidant sur un slow à la douce mélodie.

Je profite pleinement de cette soirée dans les bras réconfortants de mon chéri.

Les heures défilent et je commence à fatiguer !

On a proposé à certains de rester dormir, mais ils ont tous décliner ayant visiblement trouvé une solution de repli.

Vers trois heures du matin, les gens partent, nous laissant tous les trois.

Ils ont bien tenu les vieux !

Tandis que ma mère rassemble ses cadeaux ; mon père, Benjamin et moi rangeons la maison pour désencombrer au maximum.

— Allez, vous coucher les enfants. On va finir avec ton père.

— Bonne nuit ! Je vous aime.

J'attrape la main de Benjamin et me dirige vers ma chambre. J'ai eu l'autorisation de l'inviter à dormir. Bien sûr, il passera la nuit dans la chambre d'amis, mais on va regarder une petite série avant d'aller se coucher.

J'ai envie de profiter un peu de lui tout de même !

Seule avec lui, je me blottis dans ses bras puissants.

— Cette soirée semble avoir plu à ta mère.

— Oui, son visage rayonnait de bonheur au milieu de leurs amis.

— C'est vraiment touchant l'album que tu lui as fait. Tu m'en feras un, un jour ?

— Oui si tu veux ! Attends ! Je reviens. Lance la série… J'arrive.

Je descends sur la pointe des pieds pour aller récupérer discrètement ma glace préférée.

La vie n'est rien sans un pot de glace Ben and Jerry's parfum cookie dough !

— Il va falloir qu'on lui en parle mon amour ! entends-je mon père, chuchoter auprès de ma mère dans la cuisine.

Un silence pesant s'installe. Le son métallique de la vaisselle résonne dans l'air, rompant le malaise ambiant.

— Oui, bientôt ! assène ma mère tout en se dirigeant rapidement vers l'entrée, où je me trouve.

Pour éviter de me faire repérer, je grimpe rapidement les escaliers et referme discrètement la porte.

Face à ma mine défaite, Benjamin s'avance vers moi.

— Ça va ? s'empresse-t-il de savoir.

— Je ne sais pas.