Fyctia
Jalousie
Dix minutes que le cours d'histoire-géo a débuté et la prof nous impose un exposé à faire en binôme.
Attendant le petit panier qui passe de table en table, je m'évade par la fenêtre quelques instants, happée par les gouttelettes de pluie glissant lentement le long de la vitre.
Le mois de novembre est bien entamé ; les arbres sont dépouillés de leurs feuilles, les mettant à nu face au froid qui s'installe, les feuilles mortes jonchent le sol humide entre deux flaques d'eau où se reflète le ciel gris et sombre.
J'observe certains élèves, emmitouflés dans leur manteau, traverser rapidement la cour pour se mettre à l'abri. Cette vision me rend quelque peu maussade, je me retourne en réaction à la petite tape d'Amélie qui me tend la corbeille.
J'ai envie de soleil, de plage, de sable chaud, de cocktails colorés, installée sur un transat pour parfaire mon bronzage.
Au lieu de cela, je dois supporter cette grisaille parisienne et les lubies d'une petite veille, arborant un visage marqué par les rides du temps et un regard perçant empreint d'aigreur, camouflé par de petites lunettes noires.
Pour déterminer les duos, nous devons, cette fois-ci, piocher dans une corbeille le nom de l'un de nos voisins de droite. J'espère sincèrement me retrouver avec Amélie ou Emma, car le reste de la classe m'indiffère.
Surtout Arthur, qui me fatigue avec son rentre-dedans devenu assez lourd.
Il n'est pas méchant, mais il est persuadé qu'avec ses beaux yeux bleu-vert et sa coupe à la Harry Styles, toutes les filles craquent.
Légèrement narcissique, le jeune homme.
Je pioche à mon tour et pose le papier devant mon bureau comme nous l'a imposé la veille aigrie.
— Oh fait ! Tu as réussi à demander à Arthur d'aller boire un verre avec toi ?
— Tu plaisantes ? Il va m'envoyer chier. Je n'ai pas envie de me faire recaler par un mec de la classe, surtout lui !
— Amélie, ça fait partie de l'exercice. Tu as vu tes progrès depuis deux mois !
— Oui, mais, proposer un rencard à un garçon qui me plaît, je ne suis pas encore prête.
— OK, on va continuer à y aller progressivement. Donc, le prochain défi sera de demander la carafe d'eau à une table d'inconnus.
Mâchant l'intérieur de sa joue gauche d'appréhension, elle accepte tout de même le défi.
— Vous pouvez lire le papier, nous ordonne la prof.
Amélie m'arrache le papier des mains, impatiente de savoir si nous sommes ensemble. Mais à son air dépité, je comprends rapidement que ce n'est pas le cas. La prof passe dans chaque rang pour connaitre les binômes.
— Mademoiselle Devaux ?
Je reprends rapidement le papier des mains de mon amie et écarquille des yeux.
— Arthur Legendre, dis-je, les épaules affaissées par la révélation.
— Parfait, votre thème sera sur les régimes totalitaires.
— J'ai hâte de pouvoir étudier avec toi, me chuchote Arthur à l'oreille.
Super, j'ai hâte aussi !
Fait chier !
La sonnerie retentit, annonçant la fin du cours et de la journée.
— Putain, tu as de la chance, j'aurais trop voulu avoir Arthur en binôme, se renfrogne Emma en arrivant à notre hauteur.
— Je te le laisse volontiers, si tu veux en faire part à la prof.
— Tu parles, elle est trop rigide, elle n'acceptera pas de changement, intervient Amélie.
— Bon, les filles, je dois vous laisser, Benjamin m'attend normalement. Amélie n'oublie pas notre défi !
— Non, c'est bon t'inquiètes. m'affirme-t-elle l'air bougon.
On se dirige toutes vers la sortie, lorsque subitement Arthur m'attrape la taille par-derrière.
— Où vas-tu comme ça, ma belle ?
Je me détache de lui en lui souriant d'un air provocateur.
— Retrouver mon copain !
Il enlace furtivement sa main à la mienne pour me diriger vers le CDI.
— Ah non, tu es toute à moi pour les deux heures à venir. J'ai réservé des livres à la bibliothèque sur Mussolini et Hitler.
Non, mais il est sérieux !
Je retire ma main fermement.
— Désolée, mais je ne suis pas à ta disposition. Si tu veux, on se voit demain. Là, je suis occupée.
Il jette un rapide coup d'œil derrière moi et, avec un sourire carnassier, m'embrasse sur la joue.
— Très bien, à demain, mon ange.
Les filles me regardent médusées.
— C'est quoi son délire ? Il ne te tournait pas autour, Emma ? questionne Amélie.
Emma, légèrement déçue, nous regarde autant déroutée que nous.
— Ne t'en fais pas, Emma ! Je ne suis qu'un jeu pour lui, car je suis prise. Mais un conseil, oublie-le, tu vaux mieux que ça ! l'informé-je pour tenter de lui ouvrir les yeux.
Elle part dans ses pensées quelques instants, j'ai peur qu'elle réagisse comme Clara.
— Tu as raison, c'est un charo ce mec, conclut-elle.
Ouf… mon souffle bloqué sort de mes poumons.
Devant les grilles, Benjamin arrive vers moi d'un pas rapide, les poings serrés, la mâchoire contractée, et des yeux étincelants de colère.
— Putain, Léna, c'était quoi ça ?
Je me retourne vers mes amies, ne comprenant pas trop sa réaction.
— C'est à... ?
— Ton moment d'intimité avec le blondinet, j'ai tout vu ! me coupe-t-il, énervé.
— Ben rien, il voulait qu'on travaille ensemble.
— Tu te fous de ma gueule, pour toi prendre par la taille et tenir la main, ce n'est rien ?
Je suis quelque peu déstabilisée par la véhémence de ses propos. Je ne l'ai jamais vu comme ça.
Je ne comprends pas, je l'ai repoussé aussitôt. Je n'ai pas à prendre pour les actions d'Arthur !
— À quoi tu joues ? Tu as bien vu que je l'ai repoussé immédiatement.
— À toi de me le dire, Léna ? On se voit de moins en moins et depuis notre tentative ratée, tu as changé. Je n'y suis pour rien si on n'a pas réussi à faire l'amour ! crie-t-il, excédé et hors de lui.
Aussitôt les paroles ayant franchi ses lèvres, je sens qu'il les regrette déjà à ses yeux coupables et pleins de désarroi.
Mais le mal est fait.
Il a osé !
Je me retourne et intercepte certains regards moqueurs, d'autres compatissants ou gênés. Je ne sais plus où me mettre.
Benjamin passe une main dans ses cheveux et s'adoucit en baissant les yeux.
Blessée, trahie et incomprise, je préfère couper court à notre discussion.
— Tu sais quoi ! Va te faire foutre. Finalement, je vais aller réviser avec Arthur. Bonne fin de journée ! vociféré-je, saoulée.
Les filles, à côté de moi, n'osent pas broncher. Benjamin tente de m'attraper le bras mais je me dégage de sa poigne avec rage. Sans me retourner, je me dirige à grands pas vers le CDI.
Non, mais il se prend pour qui, à m'afficher devant tout le lycée ! Repiquer une année n'est déjà pas assez compliqué à gérer, je dois aussi me taper les crises de jalousie excessive d'un mec qui vit sa meilleure vie en école d'ingénieurs.
Qu'il aille retrouver sa bimbo plantureuse qui lui caresse l'épaule.
Enfin non ! Mais il m'a gavé.
À l'abri des regards, je bifurque derrière le CDI pour aller noyer ma peine dans les toilettes.
Pas dupe de mes émotions, les filles me rejoignent quelques minutes après.
— Laisse-le, il va se calmer. Tu n'as rien à te reprocher, tente de me rassurer Emma.
— Il a vraiment abusé de t'humilier comme ça ! ajoute Amélie, peinée pour moi.
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Fanny Nohal
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Ska
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