Fyctia

Depuis, deux semaines, je travaille en tant que serveuse et ça me plaît bien. J'aime discuter avec les clients.

Ma période de déconnexion n'a duré qu'une semaine, mais j'ai pris le temps de me recentrer sur mes priorités et tirer un trait sur Benjamin, grâce à l'aide de ma mère.

Margaux est passée hier soir avec son arme secrète… sa petite sœur, Louna.

Comment vous expliquer ce que je ressens quand je vois ma crapule préférée ?

Louna est mon petit arc-en-ciel ; du haut de ses cinq ans, elle illumine ma vie et vient balayer le mauvais temps de ses faisceaux de couleurs éclatantes. Elle apporte une telle joie dans ma vie que j'en oublie mes soucis.

Occupée à servir une grande tablée, je remarque à peine le nouveau groupe installé à la table dix. Retournant m'affairer en cuisine, ma collègue m'en informe rapidement.

Je prépare les salades d'accueil et me dirige vers les nouveaux clients.

Tout en les saluant distraitement, je lève la tête de mon bloc note et découvre avec étonnement que les visages ne me sont pas étrangers.

— Surprise, clame Yoann en ouvrant ses deux bras en grand.

— Coucou ma chérie ! continue Margaux, un petit sourire en coin.

— Qu'est-ce que vous faites là ?

— On était perdu sans toi ! exagère Clara.

— Mais arrêtez là, on a juste faim ! La carte s'il te plaît ! me taquine Tristan, l'air faussement renfrogné.

Ils sont vraiment infernaux ceux-là, je ne suis en paix nulle part !

Blague à part, ça me fait réellement plaisir de les revoir.

Je prends leur commande et pars m'occuper de mes autres tables.

Malheureusement, c'est la folie ce soir, je n'ai pas le temps de discuter avec eux, alors je leur propose de m'attendre à la fin de mon service. Clara me fait un clin d'œil qui me réchauffe le cœur.

Notre réconciliation est toute fraîche. N'ayant visiblement pas compris le concept de laisser du temps à l'autre. Pour se faire pardonner, elle m'a couverte de cadeaux.

J'ai reçu des chocolats, des fleurs, un album photo retraçant nos années collège et lycée, des places de cinéma et une magnifique robe.

J'ai fini par l'arrêter, car à cette allure, dans une semaine, elle m'offrait un voyage à Bora-Bora !

Forcément, je lui ai tout renvoyé par le biais de Margaux, mais elle est tenace. Lors de notre discussion, elle me les a redonnés en me souhaitant de nouveau un joyeux anniversaire.

Au départ, nous étions un peu sur la retenue, ne sachant plus trop quoi nous dire. Pour cause, on ne s'était jamais embrouillé en sept ans d'amitié.

Puis j'ai fini par vider mon sac et après deux heures d'explications, on s'est serré dans les bras en s'avouant s'être manqué.

Clara est comme elle est, on ne la changera pas ! Elle a toujours été dans la démesure, excessive et fofolle, mais en vérité, c'est comme ça que je l'aime.

Rincée à la fin de mon service, je rêve d'un bon bain chaud à la bougie et d'un livre.

Clara me hèle sur le parking, pensant que je ne les ai pas vus. Je les rejoins en bâillant.

— Désolée, les amis, mais, ce sera sans moi, pour ce soir.

— Ah non ! Ça fait des mois qu'on ne s'est pas retrouvé. Ce soir, c'est bowling ! s'écrie Tristan en pleine forme.

En apercevant les visages heureux de mes amis, je n'ai plus le courage de les abandonner.

Bon allé, juste une partie et je me rentre ! Mon bain n'est que remis à plus tard.

Gagnée par leur enthousiasme, j'accepte l'invitation.

Nous arrivons devant une Golf noire. Tristan déverrouille les portes, fier de nous montrer sa petite merveille.

— Attends ! c'est ta nouvelle voiture ? crions-nous tous en chœur.

Il acquiesce, content de son effet de surprise. Yoann fait le tour du véhicule en posant une tonne de question à notre ami, quant à nous, on s'installe à l'intérieur en les attendant.

Sur la route, j'envoie un message à mes parents pour les rassurer.

Nous pénétrons dans le bâtiment, Tristan ne tient pas en place, impatient de pouvoir nous mettre une raclée.

Yoann me prend dans ses bras et me chuchote.

— C'est bon de te revoir ma belle. Tu m'as trop manqué !

Quant à Clara, fidèle à elle-même, elle se dirige vers le bar pour nous commander des cocktails.

Au bout d'une demi-heure de jeu, les scores sont serrés.

À ma grande surprise, j'ai réussi deux strikes et me positionne en tête du classement.

Pendant mes deux lancés, le banc à côté de nous se remplit. N'y prêtant pas attention, je me concentre sur mon tir et fais un autre strike. Euphorique, je me retourne vers le groupe pour fêter ma performance.

Aussitôt, mon corps s'immobilise et mon sourire s'efface.

Mon regard se pose sur l'intrus qui me fixe intensément.

Non ce n'est pas possible ! J'ai fait quelque chose de mal dans une vie antérieure ?!

— Salut tout le monde, dit Benjamin en s'asseyant à côté d'une fille.

On se regarde à tour de rôle, choqués par son arrivée.

— Salut mec ! commence Tristan pour éviter le malaise.

Les autres suivent son exemple. Je lui fais un rapide signe de tête tout en m'éloignant le plus possible, pour ne pas l'avoir dans mon champ de vision.

— Qu'est-ce qu'il fait là ? questionne Margaux.

— La coïncidence est folle, s'étonne Clara.

On chuchote, tout en jetant des regards discrets vers lui.

Enfin, discrets… On parle de Clara tout de même !

Lorsque mon tour arrive, mon cœur n'y est plus.

Je commence par me sécher les doigts, mais au moment de prendre ma boule fétiche, une main effleure la mienne.

Je lève les yeux et surprends le regard étonné de Benjamin.

— Ah désolé, je ne savais pas que c'était la tienne. Prends-la, dit-il en me la laissant.

Pendant tout le reste de la partie, je sens ses regards appuyés. La fille à côté de lui tente d'attirer son attention, mais il semble ailleurs.

Pas très correcte si c'est sa copine !

Perdue dans mes pensées également, Tristan se place devant moi et entame sa danse de la victoire.

Je ne peux m'empêcher de rire face à sa chorégraphie approximative. Il a gagné ! Encore.

À la fin de la partie, le groupe propose de rejouer. Exténuée par ma journée, je décline gentiment et appelle ma mère pour qu'elle vienne me chercher.

— Allo, ma puce, ça va ?

— Désolée de vous déranger, mais tu pourrais venir me chercher ?

— Bien sûr, j'arrive.

J'embrasse chaleureusement mes amis en leur promettant de les revoir bientôt.

Dix minutes plus tard, mon père se gare sur le parking.

— Ce n'était pas maman, normalement ?

— Coucou mon petit papillon, non elle était fatiguée. Allez grimpe ! Tu as passé une bonne soirée ?

— Oui, ça a été, déclaré-je, songeuse.

Tout en me prélassant dans mon bain, je repense à cette étrange soirée.

Outre le fait que la coïncidence m'intrigue, je suis rassurée d'avoir pu le revoir sans gêne ni animosité. Visiblement, on a tous les deux tourné la page et c'est bien mieux comme ça !