Fyctia

Bientôt les vacances de février, et aujourd'hui, à l'initiative de Madame Beaunichon, nous allons visiter le Louvre avec nos amis.

Je suis vraiment impatiente de pouvoir enfin visiter l'un des plus grands musées du monde, surtout que l'année prochaine, j'hésite encore à prendre une option d'histoire de l'art.

En montant dans le car, je repère Clara au fond.

Depuis sa soirée, elle est distante avec moi et ça m'attriste.

— Coucou ma belle, je peux ? questionné-je.

— Bien sûr !

— Écoute Clara, j’aimerais qu’on parle du week-end dernier. Je ne veux pas de malaise entre nous à cause d'un massage, c'était juste un gage !

— T’inquiète, ça va. J’ai été un peu dégoûtée sur le coup, mais Margaux m’a rassurée. Apparemment, il m'a jeté de nombreux regards, me glisse-t-elle discrètement en regardant autour de nous pour ne pas se faire entendre.

Ouf, je suis soulagée.

— En même temps, il ne pouvait pas te choisir, vu que vous aviez gagné, remarqué-je.

— C'est vrai ! concède-t-elle, en balançant sa chevelure blonde en arrière, tout en se retournant vers moi précipitamment, tel un enfant au sourire radieux, qui a mille questions à poser.

— Alors, il a la peau douce ? Il est musclé ? Et ses fesses, elles sont fermes ? m'interroge-t-elle toute excitée.

— Non, mais tu es grave ! C'était surtout extrêmement gênant. La prochaine fois, choisis mieux tes jeux s'il te plaît, la réprimandé-je, contente d'avoir crevé l'abcès.

On passe le reste du trajet à parler de Benjamin, je lui transmets ce que j’ai appris de lui. C’est-à-dire pas grand-chose, mais ça semble la satisfaire.

Descendant du car, je prends le bras de Yoann et laisse Clara rejoindre mon tuteur.

Durant la visite, le guide nous fait découvrir les tableaux emblématiques du musée. Notamment "La Joconde" de De Vinci, "La liberté guidant le peuple" de Delacroix ou encore "Le radeau de la méduse" de Géricault.

Je suis impressionnée et subjuguée par tant de beauté. J'aurais tellement aimé savoir dessiner ou peindre, mais pour le bien de l'art, il est préférable que je me contente de l'étudier.

J'ai découvert mon piètre talent en jouant au jeu de société "Esquissé", une fois sur deux, c'est ma faute si on n'arrive pas à retrouver le mot initial. À défaut de gagner, au moins, j'amuse la galerie !

Terminant la visite, Madame Beaunichon, nous autorise une heure de liberté.

Fascinée par ce lieu, j’en profite pour filer dans le département des Antiquités égyptiennes.

Quant aux filles, elles préfèrent aller faire les boutiques.

J'observe Clara et Benjamin se taquiner avant de m’éclipser discrètement.

Concentrée sur le mur regroupant tous les dieux et déesses égyptiens, une présence me frôle le dos. Je reconnais aussitôt l’intrus par son haleine fruitée. Je lève brusquement la tête, les sourcils arqués par l'incompréhension.

— Tu adores l’Égypte ?

— Oui, mais je n'y connais rien. Et toi ?

— Tu veux un cours rapide ?

— Sérieux ! Tu t’y connais aussi en égyptologie ? Mais dans quel domaine tu n’excelles pas ? plaisanté-je, admirative.

— La littérature… dit-il d'un ton charmeur.

Il sait que c’est ma spécialité.

Pour mettre un peu de distance entre lui et moi, je me dirige vers les peintures murales.

Hâtant le pas, je manque de m'étaler sur une marche. Il me rattrape in extremis tout en m'étreignant vivement. Nos lèvres trop proches l'une de l'autre me perturbent.

Mal à l'aise, je me retourne pour faire face aux papyrus.

Il en profite pour caler mon dos contre son torse ciselé et commence ses explications.

— Tu vois, à l’époque de l’Égypte ancienne, les Égyptiens accordaient une grande importance à la vie après la mort. Sur cette peinture, on voit un défunt passer le jugement de l’âme.

Il me serre plus fermement et me montre, de sa main droite, un homme face à une balance et un homme à tête de chacal. Il rajoute au creux de mon oreille pour ne pas déranger les autres visiteurs.

— Les Égyptiens croyaient que chacun possédait le ka (la force vitale) et le ba (l’âme). À la mort, le ka quitte le corps en premier, tandis que le ba reste jusqu’à l’enterrement.

Pendant le jugement, le défunt doit comparaître pour être jugé digne d’accéder à la vie éternelle. Le cœur du mort est confronté à la plume de Maât, la déesse de la vérité et de la justice, s’il est plus léger, c’est que le défunt s’est bien conduit durant sa vie sur terre et peut rejoindre le royaume des morts, mais si au contraire, il est plus lourd, le défunt est dévoré par le monstre Ammit.

— Waouh, c’est fascinant !

— Regarde ! Tous ces dessins de bétails, d’outils, de bijoux, de nourritures. C’est tout ce que le défunt veut emporter dans l’au-delà. Et tous ces personnages juste ici ?

Je sens son souffle sur ma joue à chaque murmure... Ce sont ses serviteurs.

Il estime avoir assez travaillé dans sa vie et ne veut plus rien faire dans l’au-delà, conclut-il.

— Où as-tu appris tout ça ? l'interrogé-je.

— Lors de mes voyages, j'ai visité l'Égypte.

Un silence s'installe, il passe nerveusement sa main dans ses cheveux, penche sa tête sur le côté et me fixe intensément, une lueur étrange dans le regard.

— J'ai fait le tour du monde avec mes parents sur deux ans, m'annonce-t-il.

— Trop bien, tu avais quel âge ?

— J'étais en quatrième, ça a été les meilleures années de ma vie.

— Tu m'impressionnes !

— J'ai eu de la chance, c'est tout.

Nos corps toujours l'un contre l'autre, je me détache en regardant ma montre.

Stressée à l’idée d’être vue avec lui, j'invente une excuse puis prends mon téléphone.

— Attends ! crie-t-il, tentant de saisir mon bras de sa main gauche.

Mais je pars sans me retourner.

Il me déstabilise ! Je n'aime pas l'effet qu'il me fait. Pourquoi n'est-il pas resté avec Clara ?

Dix minutes plus tard, en entrant dans le car, je passe à côté de Clara et lui, assis ensemble.

Je sais que je ne devrais rien ressentir, mais mon cœur n'est pas d'accord ! Il réagit à leur proximité.

Je leur souris et m'installe sur le siège libre près de Margaux qui me raconte son plan drague du jour. Un espagnol qui l'a ajouté sur Tinder.

Elle me fait rire, j’adore cette fille. Naturelle, spontanée, qui vit le moment présent.

Ses magnifiques boucles brunes, son regard brun expressif, légèrement bridé et ses courbes généreuses font d'elle une beauté chaleureuse.

Elle a souvent été critiquée pour ses origines guadeloupéennes.

C'est quelque chose que je n'arrive pas à comprendre : qu'on puisse juger une personne sur ses origines. On s'en fout de la couleur de peau ! Heureusement, elle a du caractère et n'a pas sa langue dans sa poche.

— Ça a l’air d’être en bonne voie, me souffle-t-elle en m’indiquant du regard Clara et Benjamin.

— On dirait, dis-je d'un air absent.

— Il te parle d’elle pendant tes cours particuliers ?

— Non, pas vraiment.

— C’est bizarre, quand un mec est intéressé par une fille et qu’il a la copine sous le coude, en général, il en profite pour soutirer des informations, s'interroge Margaux à voix haute.

— En même temps, je ne m'éternise jamais après le cours, me justifié-je.