Fyctia

Vendredi 25 mars 2022.

Trois mois se sont écoulés depuis ce début d'année et Benjamin a maintenant officiellement intégré le groupe. À mon grand désarroi !

Clara et les garçons sortent tout juste de leur cours de philosophie.

— Bon anniversaire la vieille ! chantonne-t-on en chœur Margaux et moi.

— Vous allez voir ce qu'elle vous dit, la vieille ! riposte Clara en nous sautant dessus.

— Ce soir, on va s'éclater, je vais inviter quelques potes pour une ambiance de folie. Ce n'est pas tous les jours que je fête mes dix-huit ans ! ajoute-t-elle, euphorique.

Arrivée à la maison, je prends une douche rapide et opte pour une robe noire ajustée à la taille, des escarpins rouges et une ceinture de la même couleur.

Sur place, j'hésite à descendre au sous-sol. J'ai toujours un peu de mal quand on invite d'autres personnes, ma timidité me joue parfois des tours. Je ne suis à l'aise qu'en présence de mes amis proches. Avec des inconnus, j'ai tendance à me renfermer sur moi-même.

Clara m'aperçoit et court vers moi avec ses talons de dix centimètres. Elle est rayonnante ! Sa robe bleue nuit lui va à la perfection.

Elle a toujours complexé d'avoir une petite poitrine, mais en réalité, elle a de la chance, car elle peut tout mettre, contrairement à moi qui suis obligée de faire attention avec certains décolletés qui peuvent paraître vulgaires.

— Qué bonita ! me lance-t-elle en espagnol.

— Toi aussi, tu es resplendissante.

— Tiens, mets trois gages dans cette corbeille. C'est pour plus tard.

Je m'exécute en prenant le panier tout en rejoignant le reste du groupe. L'ambiance est bonne enfant, Clara ne peut s'empêcher de faire sa diva. Je ne comprends pas ce besoin de vouloir être au centre de l'attention, c'est tout ce que j'exècre.

Les premières notes de "Believer" d'Imagine dragons se font entendre. Les filles et moi nous ruons sur la piste pour nous déhancher sur une chorégraphie parfaitement maitrisée.

À plusieurs reprises, je sens le regard appuyé des mecs, notamment celui de Benjamin qui nous dévore des yeux. Je savoure ce moment complice entre filles.

Juste avant le gâteau, Clara nous invite à rejoindre son salon, où trois canapés sont disposés autour d'une table basse en acajou.

— Allez, installez-vous, je ne vais pas vous manger. Quoique, ça dépend qui ! provoque notre amie.

— Tu as une idée de ce qu'elle trame ? m'interroge Margaux en s'installant à mes côtés.

D'un haussement d'épaule, je lui signifie que je n'en ai aucune idée.

— Je vous propose un "Action ou Vérité" ! annonce-t-elle.

Des râles se font entendre.

— Mais cette fois, les actions seront piochées parmi les gages que VOUS avez notés, ajoute-t-elle, fière d'elle.

Bon, les ennuis commencent !

— Je commence. Tristan, Action ou Vérité ? lance-t-elle.

Tristan jette un regard entendu à Yoann.

Aie, ça sent mauvais cette histoire !

— Action, bien sûr ! dit-il sûr de lui.

Elle lui tend la corbeille et il pioche un papier qu'il lit à haute voix.

"Bois un cocktail à l'aveugle que Clara aura préparé"

Ah, c'est mon papier ! Je jubile de voir la tête moins sereine de Tristan.

Clara file en cuisine pour lui concocter une de ses spécialités écœurantes. Tristan, résigné, se pince le nez et avale tout d'un coup.

Berk, ça me dégoûte.

— Vincent, Action ou Vérité ?

— Action mec, dit Vincent en prenant le papier. "Embrasse Clara dans le cou."

Clara s'esclaffe face à l'attitude prédatrice de Vincent. Il s'approche et lui fait un baiser à la limite du suçon.

— Clara, action ou vérité ?

— Action, affirme-t-elle. "Saute dans l'eau tout habillé".

Après quelques secondes d'hésitation, elle saute dans un plongeon parfaitement exécuté. Une fois sortie de l'eau, elle défie le prochain en se séchant.

Je crains mon tour, je ne suis pas à l'aise avec ce genre de jeux. Ils ont placé la barre haut avec leurs gages complétement délurés.

Sans surprise, elle choisit Benjamin.

— Quand faut y aller ! Action, dit-il en se marrant. Il prend le papier...

Mon cœur palpite un peu plus fort, appréhendant son gage. "Enlève ton haut"

Il parcourt du regard la salle, ses yeux croisent les miens et avec une lenteur exagérée, il retire sa chemise, un bouton à la fois. Les filles se rincent l'œil avec gourmandise.

Un pincement de jalousie me prend. Non mais qu'est-ce qui m'arrive !

— Léna, Action ou Vérité ?

Eh mince, nous y voilà.

Mon estomac se noue d'angoisse.

— Vérité.

— Oh non, tu déconnes, crie Clara.

— J'ai le choix, non ? riposté-je, vexée.

— Oui, bien sûr. Alors… réfléchit-il, son pouce frottant son menton.

— Ah c'est bon, j'ai une question. Est-ce qu'un invité te plaît ? questionne-t-il.

Arf, j'aurais dû choisir action finalement.

Tous les regards rivés sur moi attendent la réponse.

Pourquoi cette question, franchement ? Il ne pouvait pas la poser à Clara !

J'inspire un grand coup tout en réfléchissant rapidement.

— Non ! Réponds-je les yeux baissés tout en enchainant sur Yoann.

— Action, ma belle, répond-il en piochant à son tour.

"Embrasse Sarah"

Je détourne les yeux vers la fille et tombe sur Benjamin qui me fixe intensément.

Yoann s'exécute sans cacher son plaisir. S'ensuivent des gages beaucoup plus softs me permettant de souffler et de me détendre.

Au bout d'une heure de jeu, Yoann me pose de nouveau la question fatidique.

Clara s'empresse de répondre à ma place, heureuse de pouvoir me sortir de ma zone de confort avec une action.

Blasée par son attitude, je lis le papier à haute voix.

"Faire un french Kiss à Benjamin"

Oh... Mon... Dieu !

Mon cœur s'affole, mes mains deviennent moites, mon estomac se contracte…

Je n'y crois pas ! Ce n'est pas possible !

Pour ne rien arranger, Clara me jette un regard sans équivoque. Elle est culottée quand même, c'est sa faute, si j'en suis là.

— Laissons l'honneur à Clara, c'est elle qui a joué, tenté-je d'un air faussement joyeux.

Clara heureuse tape des mains à plusieurs reprises.

— Ah non ! Interdiction de refuser un gage, intervient Vincent.

Je me décompose.

— Allez Léna, ce n'est qu'un baiser, déclare Olivia.

Si tu savais, ma pauvre !

Le souffle court, je le laisse venir à moi, il m’attrape la nuque délicatement… Je le regarde et décèle une ombre de désir dans ses iris émeraude. Immobile, face à moi, il attend mon accord.

Pour en finir rapidement, je me rapproche et effleure timidement sa bouche de la mienne.

La douceur de ses lèvres fruitées me galvanise. Il prend les rênes et s'empare de mes lèvres ; notre baiser s'approfondit lorsque nos langues entament une danse sensuelle en s'éloignant pour mieux se retrouver. Elles s'enlacent, se caressent et s’apprivoisent. Son corps se presse contre le mien. Une vague de chaleur m'envahit. Me laissant porter par ce baiser fiévreux, j'entends à peine le raclement de gorge.

Troublée par ma réceptivité, je me détache précipitamment de lui, les joues en feu, et tente de reprendre rapidement contenance.

Feignant l'indifférence, j'interroge Margaux :

— Action ou Vérité ?

Qu'est-ce que j'ai fait ?