Fyctia
Le jet-lag
J'émerge difficilement de ma sieste, la bouche pâteuse et le crâne prêt à éclater. On dirait qu'un camion m'a roulé dessus !
Génial ! Bonjour la gueule de bois !
Un coup d'œil au réveil sur la table de chevet me fait bondir.
16h27.
C'est quoi cette histoire ?
J'ai dormi près de 11h, j'ai quasiment fait le tour de l'horloge. Je repousse les draps et tombe sur un papier froissé, d'où je distingue l'écriture ronde de ma mère.
"Ma chérie, je t'ai laissé dormir, tu en avais besoin. Rejoins-moi quand tu seras prête, je suis au bord de la piscine."
Elle ne paie rien pour attendre ! La migraine m'étreint de nouveau tandis que mon ventre gargouille avec force.
C'est vrai que je ne n'ai rien avalé depuis le sandwich infâme servi dans l'avion ! Je balaie la chambre du regard et aperçois un plateau-repas, posé sur la commode. Ma mère a commandé tout ce que j'aime !
Entre un petit bouquet de dahlias aux reflets jaune orangé et un magnifique coquillage zébré se trouve un panier de viennoiseries accompagné d'une salade de fruits frais et d'un fromage blanc onctueux qui me mettent immédiatement l'eau à la bouche. Je me rue sur le verre de jus pour étancher ma soif post-cuite.
De la goyave ! Un délice !
J'aperçois seulement en reposant le verre sur le plateau une enveloppe entrouverte, posée à mon attention. Curieuse, je l'ouvre et lis le message, inscrit d'une belle écriture régulière, sur un papier à en-tête de l'hôtel.
"Mesdames, afin que vous gardiez le plus beau souvenir de votre séjour à Cancún, nous avons le plaisir de vous informer que l'intégralité de vos consommations vous sont offertes. La Direction"
Enfin une bonne nouvelle dans cet enfer mexicain ! Au moins, je n'aurai pas vidé le minibar pour rien ! J'imaginais déjà la facture salée de ma mère.
Un coup d'œil dans le miroir me renvoie ma mine défaite et mes cheveux blonds en pagaille.
Je file sous la douche brûlante. Ça fait du bien ! L'eau qui coule sur ma peau laiteuse efface les dernières traces de fatigue du voyage.
Je ressors l'esprit un peu moins embrumé et avec un seul objectif en tête : acheter deux billets pour la France illico !
J'attrape mon téléphone portable, en terminant de sécher mes cheveux et rentre le code Wifi indiqué sur la porte d'entrée. Le signal est assez faible. Je contourne le lit et m'approche de la fenêtre, dans l'espoir de mieux capter.
J'en profite pour tirer les rideaux et considérer enfin la vue. Un petit balcon donne directement sur la plage. On distingue au loin la couleur de l'eau turquoise à travers les palmiers.
Dis donc ! Quand ma mère profite, elle ne le fait pas à moitié !
Elle a dû réserver expressément une suite avec vue mer. Je me penche de nouveau sur mon écran et après plusieurs minutes interminables, toujours pas de réseau. C'est quoi cet Internet pourri ? Même au fin fond de l'Afrique ils captent le Wifi !
Attrapant un dernier croissant au vol, je décide de descendre à la réception, bien déterminée à obtenir une connexion digne de ce nom, un Aspirine et une explication franche avec ma mère !
La réceptionniste m'explique d'une voix traînante, dans un anglais fantaisiste "It's the Spring Break miss", comme si c’était une évidence.
Première nouvelle ! Et donc ? Ce n'est pas comme si je ne l'avais pas remarqué alors qu'une horde de bimbos décolorées vient tout juste de passer derrière le comptoir en poussant des cris de divas ! Il est clair que je ne suis pas la seule à avoir exploré le minibar !
La moitié des jeunes Américains doit se trouver en ce moment même à Cancún, bien décidés à ingurgiter le plus d'alcool possible en se déhanchant jusqu'au bout de la nuit sur de la musique assourdissante.
Je me tourne de nouveau vers la réceptionniste, qui rumine consciencieusement son chewing-gum en levant les yeux au ciel quand je l'interpelle de nouveau.
— I need to book my return tickets plane, but it's impossible because the Wifi is awfull in my bedroom. Can I have a VIP Internet access ? and an Aspirine ! please !
A juger son expression amorphe et son sourcil droit se redressant jusqu'à former un parfait arc de cercle, elle n'a absolument rien compris. Quoi ? mon accent est si pourri ?
Le téléphone de la réception sonne au même moment, et elle se précipite pour décrocher en détournant immédiatement son regard de moi.
— Hola ! Krystal Hotel ! Que puedo hacer por usted senor ?
Tu ne vas pas t'en tirer comme ça cocotte ! Je me plante devant le comptoir, résolue à obtenir gain de cause. Un second groupe d'adolescents éméchés passe au même moment et l'un d'eux manque de me faire tomber en me bousculant, sans me prêter plus attention.
J'hurle un "Be carefull !", excédée ; mais le type me balance une tirade en espagnol, hilare. A en juger la réaction de ses compagnons dont les regards lorgnent sur mes fesses, cela doit s'apparenter à une bonne blague douteuse, tendance sexiste.
Je fais du sport trois fois par semaine, alors mon postérieur n'a rien à envier au cul refait des nanas qui trainent avec eux.
— Abruti ! je vocifère en frottant mon short et les regardant s'éloigner vers le bar de l'hôtel.
Tout en détournant les yeux, dégoûtée de voir tous ces gens irrespectueux et ivres, mon regard tombe sur le mec que j'ai surpris hier dans la chambre de ma mère.
Qu'est-ce qu'il fait là celui-là ?
Torse nu (décidément, ça à l'air d'être une habitude chez lui de se balader à moitié à poil), accoudé au bar, il a l’air d’être en charmante compagnie. Deux jolies filles en bikini l'entourent, des cocktails à la main. Elles semblent subjuguées par lui et je les entends glousser d'ici, à chaque fois que ce type ouvre la bouche. Il faut dire qu'il a l'air de leur sortir le grand jeu. Tablettes de chocolat et peau caramel, il ne se dépare jamais d'un sourire éclatant, passant négligemment la main dans sa tignasse de cheveux ondulés toutes les dix secondes ; d'un air faussement détaché.
Je me retourne vers la fille de l’accueil, désormais en grande discussion avec son collègue.
Je bredouille un "Por favor", pensant que j'aurai plus de succès dans la langue de Shakira mais je pourrai m'adresser à une porte que ça n'aurait pas plus d'effet.
C'est quoi cet hôtel quatre étoiles qui traite ses clients comme de la merde ?!
Prête à hurler, je sens soudain une main qui m’effleure le dos. Troublée, une décharge électrique me parcourt à son contact. Des images que je préfèrerais oublier assaillent aussitôt mon esprit, ma mère allongée sur un lit et des yeux noisette mutins.
Et merde ! il ne manquait plus que lui !
— Vous avez besoin d'aide peut-être ? me demande le bellâtre.
Je le fusille du regard. De quoi il se mêle ?
Devant mon silence mutique, il insiste et j'abdique.
— Vous savez où on peut capter Internet correctement dans ce foutu hôtel ? je réponds, peu aimable.
— Bien sûr, je suis un peu comme à la maison ici, balance-t-il d’un ton taquin.
Il me prend alors par la taille d’un geste décidé.
—Suivez-moi, me lance-t-il d’un ton sans appel.
Visiblement habitué à ce qu'on lui obéisse.
5 commentaires
Seph
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Il y a un an
Lhana1709
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Il y a un an
Charlotte Whisper
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Il y a un an