Sylvie Marchal Marie Chapitre 63

Chapitre 63

– Tu embrasseras bien les parents pour moi, promis ? lance Guillaume en étreignant sa petite sœur.

– Ben, ce sera le week-end prochain alors, je t’ai déjà dit que ce soir, j’allais directement à mon studio. J’ai des cours demain matin à la fac, alors je ne fais pas de détour. Mais c’est à se demander si tu m’écoutes, rit Solène.


Après le coup de sifflet de l’agent de quai, les portières du train claquent et le convoi s’ébranle lentement en direction de Bordeaux. Le regard dans le vague, Guillaume continue à se demander s’il a eu raison d’amener Solène au stand de tir, mais il finit par s’en convaincre en se remémorant les œillades qu’il a surprises entre la jeune femme et son collègue, Mickaël. Après tout, ce week-end qui sortait de l’ordinaire sera peut-être la base d’une complicité qui pourrait se développer, se transformer en un Amour futur. Souriant à cette pensée, le gendarme se décide à quitter la gare de Perpignan pour retourner à sa voiture.


À son retour à la caserne, Micka ne tarde pas à venir frapper à sa porte :

– Alors, elle est déjà repartie ? lance-t-il sans autre préambule.

– Qui ça ? rétorque innocemment Guillaume.

– Mais… et en plus tu te fous de moi ! rit Micka et lui collant un coup de poing amical dans le pectoral.

– Bah ! Ça va, c’est mérité, non ? Ça ne se fait pas de draguer la sœur d’un pote sous ses yeux !

– Promis, mon gars, c’est pas ce que tu crois. Ça peut te paraître rapide, mais je te jure que j’ai eu un réel coup de cœur pour elle. Je ne me permettrais pas d’en parler, sinon. Elle t’a parlé de moi ? Tu penses que c’est réciproque ?

– Aucune idée, elle est du genre discrète, la frangine. Quand il s’agit de ses histoires perso, elle peut être plus secrète que le KGB.


Guillaume fait volte-face, se dirige vers sa cafetière pour préparer deux tasses fumantes, mais surtout pour tourner le dos à son ami et masquer le sourire irrépressible qui est en train de se dessiner sur son visage. Évidemment, il a perçu dans l’attitude de sa sœur comme dans quelques-uns de ses propos, qu’elle non plus n’était pas insensible à ces doux moments de partage. Ce n’est pas pour rien qu’elle a demandé à son frère s’il était envisageable qu’elle revienne passer un week-end à Perpignan, le mois prochain. D’ailleurs, elle avait utilisé le pluriel, « avec vous ».

Le jeune homme s’était bien gardé de relever ce quasi-lapsus, mais s’en était secrètement réjoui. Un peu de bonne humeur et d’amour ne serait jamais de trop chez les Vito.


Durant les cinq heures du trajet qui la ramène à la gare Saint-Jean, Solène a le regard perdu au loin, admirant les paysages qui défilent à vive allure à travers la large fenêtre. Son esprit rebondit d’un sujet à l’autre, passant de la douce joie de bientôt revoir Micka, le ventre saisi par une douce morsure, à l’inquiétude qu’elle ressent encore pour Méline. Depuis le décès de son père, celle-ci n’a connu que de courtes périodes d’accalmie, se faisant toujours rattraper par des événements du quotidien qui viennent empêcher sa reconstruction. Marianne, quant à elle, paraît traverser aussi des jours difficiles. Les forces qui étaient siennes il y a quelques semaines semblent épuisées, dispersées. Son médecin généraliste l’a mise sous anti-dépresseurs, espérant qu’elle puisse se passer de cette béquille chimique avant d’en devenir dépendante. Puis, dans les minutes qui suivent, le visage souriant de Micka lui revient en tête, ses yeux verts rivés sur elle, plus éloquents que n’importe quel discours.


Tenaillée à nouveau par cette culpabilité qui habite chaque centimètre carré de son corps, la jeune fille s’oblige à se remémorer les paroles de Guillaume, prononcées le matin même dans sa voiture : « On sait toi et moi d’où nous venons. Pas de mystère. Mais dis-toi bien que notre avenir n’appartient qu’à nous. On peut se débarrasser du poids du passé. En tous les cas, moi, je le ferai. Ras-le-bol de me sentir remué quand une mère de famille débarque à la brigade pour nous dire que son mec est violent envers elle, ou pire envers ses gosses. Je te jure que ce cercle infernal, je le briserai. Ils ne foutront pas ma vie en l’air ».

Solène avait acquiescé d’un signe de tête, un peu mal à l’aise de recevoir les confidences d’une forme de détresse chez celui qui est son héros depuis toujours, mais en accord avec son vœu de prendre son destin en main.


Après une dizaine de minutes de trajet en bus, Solène se retrouve enfin devant l’immeuble de pierre calcaire qui abrite son premier chez-elle. Heureuse d’arriver, elle grimpe l’escalier d’un bon pas, déverrouille la porte du troisième étage et se laisse tomber sur le clic-clac sans même se déchausser. Rêveuse, toutes ses pensées s’accrochent à Micka. Elle veut fixer le moindre souvenir pour longtemps. Le son de sa voix, les fossettes de son sourire, l’odeur de son parfum, tout ce qui fait naître chez elle des émotions si intenses.


Au même moment, du côté de Libourne, Marie se plie soudainement en deux :

– Oh ! Ma caille ? T’as une crampe ou quoi ? s’inquiète Manu.

Marie, les dents serrées, ne répond pas. La douleur est si intense que son visage blêmit, son front est perlé de sueurs froides.

Après quelques dizaines de secondes, elle reprend un peu son souffle :

– J’avais vraiment mal depuis quelques heures, mais ça restait supportable. Sauf que là, c’est trop. C’est pas les mêmes douleurs que d’habitude.

Devant les sourcils froncés de sa femme, Manu n’a aucun doute :

– Bon, on ne va pas chercher midi à quatorze heures, je t’amène aux urgences. Mieux vaut vérifier.


Après quelques minutes de refus, de nouveaux spasmes prennent possession du corps de Marie, plus violents que les précédents. Enfin, elle accepte la proposition de son époux.


– Madame Vito ? C’est à vous ! claironne l’infirmière de tri qui gère les arrivées aux urgences.

Péniblement, Marie se lève et la suit. Arrivée dans le box, un interne l’attend pour l’examiner :

– Des antécédents ?

– Des douleurs similaires il y a quelque temps, mais on a fait une batterie de tests, il n’y avait rien. Le stress, m’a-t-on dit.

– OK. Laissez-moi faire le tour de tout ça, puis on fera de nouvelles prises de sang, et de l’imagerie.

Marie soupire, lasse de reprendre un chemin déjà effectué, sans résultat.


Après quelques heures et de nouveaux examens, Marie finit par trouver le sommeil, jusqu’à ce qu’une main sur son épaule la réveille. En ouvrant les yeux, elle s’attend à apercevoir l’interne, mais sursaute devant le visage d’une femme inconnue ;

– Madame Vito, je suis le médecin senior, nous avons à parler, lui murmure-t-elle en s’asseyant au bout du brancard.

– C’est-à-dire ? bafouille Marie.

Après un trop long silence, plus lourd que n’importe quelle phrase, la femme en blouse blanche reprend :

– Les nouvelles sont mauvaises. Je suis désolée.






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13 commentaires

MagD

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Il y a 2 ans

que c'est frustrant de ne pas connaitre la suite. Un très beau moment de lecture. Merci

Sylvie Marchal

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Il y a 2 ans

Merci d'avoir lu cette histoire!

Karen Kazcook

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Il y a 2 ans

Oh non, pauvre Marie :(

Sylvie Marchal

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Il y a 2 ans

Espérons que la suite sera plus encourageante... à voir!

Lyaure

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Il y a 2 ans

Coucou ! Je viens du concours NR et pour ces derniers jours de concours Shadows, j'ai pensé liker les derniers chapitres du plus d'histoires possibles, pour permettre de débloquer les derniers chapitres peut-être !! Bravo pour ce concours et bon courage jusqu'au bout !! ^^

Sylvie Marchal

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Il y a 2 ans

Merci beaucoup Lya ! Je passerai te lire

Lyaure

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Il y a 2 ans

Oh j'adorerai avoir ton avis et ton retour sur mon roman ! ^^ Bonne écriture à toi ! ;)

User230517

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Il y a 2 ans

Effets retard sur les traumas de l'enfance ?

Sylvie Marchal

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Il y a 2 ans

très bonne question !

Isabelle Barbé

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Il y a 2 ans

Il est très raisonnable Guillaume 😊 je suis très heureuse que Solène tombe amoureuse 😊 Marie, tu vas la surmonter cette nouvelle épreuve 🙏
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