Fyctia
Chapitre 62
À la faveur d’un long week-end, Solène a pris le train pour aller rendre visite à Guillaume dans son nouveau fief, à Perpignan. Éprouvée par les derniers événements, la fratrie a besoin de se retrouver, de sentir à nouveau vibrer le lien qui les a toujours unis et qui les protège encore.
Marie et Manu, heureux de cette bonne entente entre leurs enfants, ont offert avec plaisir le billet de train qui a permis ce voyage. Par ailleurs, ce petit temps en tête-à-tête est le bienvenu, le couple ayant trop tiré sur la corde ces derniers temps. Épuisée, la quadragénaire ressent dans chaque parcelle de son corps le poids du stress et du chagrin :
– Tu crois que nos enfants auront un jour une vie meilleure que la nôtre ? Parce que je commence sérieusement à me demander si, dans l’existence de chaque humain, la vase est aussi profonde, si on a tous notre rocher à pousser, ou si nous sommes poursuivis par un mauvais sort ! s’exclame Marie, un verre de jus de pomme à la main.
Avec douceur, son mari s’approche d’elle, la prend dans ses bras et vient poser son menton sur son front :
– Tu me poses une colle, mon Amour. Évidemment, si on prend les éléments un à un, peut-être que c’est bien plus que la moyenne du genre humain. Et si on prend un peu de distance, ne le prend pas mal, hein, je me dis que les familles qui survivent à des malheurs sont légion. Probablement que c’est la majorité des cas. Attention, je ne dis pas que ce qui concerne tes parents ou Pascal n’est pas si grave ! Loin de moi cette idée, mais juste qu’on a, pour beaucoup, nos deuils, nos fêlures… et on survit avec. Dans le meilleur des cas, même, on vit !
Marie opine de la tête, silencieuse.
Dans l’appartement de Guillaume, une petite fête a été organisée pour la venue de Solène. Voilà des semaines et des semaines qu’il parle à ses collègues de cette petite sœur, drôle et sportive, altruiste et intelligente, celle que chacun a envie de rencontrer. Avec quelques bières, deux ou trois paquets de cigarettes et des tapas, la soirée est un vif succès. Au milieu des éclats de rire, des affinités se créent et Micka, collègue de Guillaume, propose spontanément à Solène de les accompagner le lendemain matin pour un footing suivi d’un entraînement au stand de tir :
– Mais Micka, tu sais très bien qu’on n’a pas le droit d’amener des civils là-bas, le tempère Guillaume.
– Oh ça va, il n’y aura que nous, et on respectera les consignes de sécurité, on connaît notre taf, quand-même ! soupire Micka, en expirant une bouffée de cigarette par la fenêtre de la cuisine.
– Allez frangin ! Fais pas ton rabat-joie ! Pour une fois que j’ai l’occasion de découvrir une activité un peu plus excitante que les autres, trépigne la jeune femme.
Adossé au mur, Guillaume lève les épaules en signe d’impuissance, indiquant ainsi qu’il rend les armes et que sa cadette vient d’obtenir gain de cause. La soirée se termine en musique, avec des invités heureux de laisser libre cours à leurs élans vitaux au milieu d’un simple salon. Ce soir, l’ambiance est pétillante, joyeuse, la vie reprend ses droits.
Après quelques heures de sommeil, Guillaume pénètre dans la chambre occupée par sa sœur sans préambule et ouvre les volets en un claquement de doigts. Éblouie par cette lumière vive, encore embrumée par le peu d’alcool qu’elle a ingurgité, Solène ne réussit qu’à se redresser sur son coude gauche, un œil ouvert, un œil fermé, les cheveux ébouriffés :
– Mais pourquoi tu déboules comme ça, frérot ? Tu crois que quatre heures de sommeil ça me suffit ? Je t’aime de tout mon coeur, mais t’es juste un gros boulet… sourit la belle brune.
– Comment ça un boulet ? Qui faisait la grande, hier soir, à clamer haut et fort qu’elle voulait faire du sport dès le matin ? Alors, zou, un tour à la douche parce que tu sens la moufette, tu enfiles ton short et on est partis !
– Hein ? Mais il est à peine huit heures !
– Mort de rire ! T’es pas au pays des princesses, ici, alors grouille ! rit Guillaume de bon cœur en lançant un oreiller au visage de l’endormie.
Refusant de se dédire, la jeune femme s’étire, saute en bas du lit et se dirige vers la salle de bains. Quatre minutes plus tard, elle en ressort prête à l’action.
– Micka est déjà en bas, il nous attend ! lance Guillaume en laçant ses chaussures de sport.
Une heure plus tard, le trio, transpirant, revient devant la gendarmerie avec une Solène épuisée, mais heureuse de ne pas avoir ralenti le rythme aux côtés des deux sportifs. Orgueilleuse par nature, elle avait été incapable de s’économiser.
– Et le stand de tir ? lance-t-elle, presque narquoise.
– Quoi, tu tiens encore debout ? Tu ne préfères pas remonter à l’appart et te reposer ? demande Guillaume ?
– Cette blague ! Allez, c’est par où la fête foraine ? le taquine Solène.
– Oublie ce genre d’humour tout de suite, gamine, c’est sérieux ce genre d’endroit. Alors pas de conneries, tu nous écoutes et on y va en toute discrétion.
Trop heureuse de pouvoir accéder à ce lieu secret, Solène retrouve son calme et son sérieux. De nouveau disciplinée, elle rassure Micka et Guillaume et les suit dans l’allée goudronnée qui mène au stand de tir. Derrière la lourde porte d’acier, elle découvre un long couloir aux murs de béton brut, puis un vestiaire dans lequel son frère pénètre. Ouvrant une armoire, il se saisit d’une paire de lunettes de protection, de gilets pare-balles et de casques anti-bruit. Après avoir expliqué à Solène comment enfiler cet équipement, il rejoint Micka et, comme lui, se couvre des protections réglementaires.
Arrivé au muret qui sépare la zone de tir de la zone de danger, Guillaume ouvre une seconde armoire dans laquelle sont rangées les armes d’entraînement. Comme il hésite sur celle à présenter en premier à la néophyte, il reste planté devant les différents pistolets et revolvers et se décide enfin pour un PA-MAS 9 millimètres. L’arme semi-automatique sera adéquate pour une entrée en matière. Après lui avoir répété les consignes de sécurité, le jeune gendarme se place dans le dos de sa sœur, sous la surveillance bienveillante de Micka, et positionne ses bras, ses jambes, sa tête le plus correctement possible. Motivée et intéressée, l’élève se révèle vite douée et semble ne plus vouloir quitter les lieux.
Quand Guillaume insiste pour quitter les lieux, craignant l’arrivée inopinée de collègues moins compréhensifs, mais Solène a beaucoup de mal à quitter les lieux :
– Allez, j’ai même pas essayé tous les types d’armes ! Et les grosses armes, les fusils… ? J’essaie ça quand ?
– Halte-là Miss, c’est sur un terrain extérieur, ce genre d’entraînement, impossible que quiconque t’aperçoive sur ce champ de tir ! coupe Guillaume.
Au-delà de la crainte d’être aperçu en cet endroit interdit, Guillaume ne peut pas avouer à sa sœur qu’il ne souhaite pas qu’elle maîtrise cet engin. S’il a découvert le fusil caché par son père dans le grenier, l’an passé, Solène pourrait en faire autant. Hors de question qu’elle puisse être tentée de l’utiliser.
6 commentaires
User230517
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Il y a 2 ans
slaville
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Il y a 2 ans
lausand
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Il y a 2 ans
Mikwg
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Il y a 2 ans
Karen Kazcook
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Il y a 2 ans
Sylvie Marchal
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Il y a 2 ans