Fyctia
Chapitre 49
Trois jours, déjà, que les deux cousines ont rencontré Marthe, au travers d’un "hasard" provoqué :
– Est-ce-que tu as pu tout raconter à Guillaume ? s’inquiète Méline.
– Hier soir, oui. Je n’ai même pas eu besoin de me cacher dans ma chambre pour pouvoir lui parler, mes parents ont eu la bonne idée d’aller au ciné ! Le frangin, il était perturbé par deux choses. D’une part, j’ai été incapable de saluer la vieille sur le parcours Vita, donc il a des doutes sur mes capacités à gérer la suite. D’autre part, il a trouvé dingue que Marthe nous reconnaisse. Il est étonné, lui aussi, qu’elle ait réussi à se procurer des photos, parce que même si dans le coin, chacun connaît quelqu’un qui connaît l’autre, on ne s’y attendait pas ! répond Solène.
– Ben je ne te cache pas, que moi aussi, ça m’a retournée, qu’elle ait ces clichés. Et si elle n’était pas aussi mauvaise que ce que nos mères ont gardé en mémoire ? Que leur enfance les ait traumatisées, ça se comprend, mais elles ont pu faire un amalgame, juste parce que Marthe était une femme libre, non ? questionne Méline.
– Je ne pense pas qu’elles se soient trompées, non. Du peu que je sais, cette carne n’a jamais protégé ses enfants de leur père, y compris quand ils se prenaient des raclées jusqu’au sang. Demande à tonton Daniel, il te le dira. Et puis ces lettres des bonnes sœurs des Pyrénées, celles sur lesquelles on a mis la main il y a quelques mois, elles laissent à penser que cet éloignement avait été instauré pour protéger ma mère, mais Marthe ne prenait pas de nouvelles. La mère supérieure lui avait sonné les cloches par courrier, à la vieille, pour ça. Je te montrerai ! s’exclame Solène.
– La seule chose dont je suis sûre, c’est qu’elle demandait de l’argent à tes parents, régulièrement, après leur mariage. Ça fait dégoupiller ma mère, les rares fois où elle en parle ! Elle radote toujours « Comme si elle ne nous avait pas assez exploitées à faire les bonniches et à piquer les paies de ses gosses chaque fois qu’elle le pouvait » ! concède Solène.
La faim fait sortir les louves de leur tanière et, comme chaque samedi après-midi, les filles partent explorer la cuisine de Marie à la recherche de l’en-cas idéal :
– Vous avez un gâteau au chocolat sur la table, les mimines ! sourit Marie, heureuse de cette connivence entre les cousines.
– La recette de la page 555 ? s’écrie Solène.
– Comme d’habitude ! Allez, installez-vous et racontez-moi un peu les histoires que vous vous partagez dans cette chambre si mal rangée !
Solène rit et en profite pour changer de sujet. Les filles évoquent le lycée, le bac, les profs et, une fois rassasiées, tournent les talons pour repartir tenir conciliabule.
– Bon ! On l’appelle quand, Marthe ? chuchote Méline, de plus en plus impatiente.
– Allez, feu ! Si tu t’en sens capable, on va se balader, direction la cabine téléphonique. Mais c’est toi qui parles ! propose Solène.
Sitôt dit, sitôt fait, les filles parcourent les quelques centaines de mètres qui les séparent du téléphone public, puis Méline entre seule dans l’habitacle de verre et de métal pendant que sa cousine fait les cent pas.
– Mercredi prochain, rendez-vous à quinze heures, à Blaye ! lance Méline, triomphante, en ressortant.
– La vache, va falloir assurer ! souffle Solène qui prend la mesure de leurs actes.
Plus que trois jours pour se préparer, trois jours pour mettre en place la stratégie qui permettra de comprendre qui est Marthe. Inquiètes à l’idée de commettre un impair, les cousines décident qu’il y aura au moins deux expéditions à Blaye. La première pour créer du lien et générer un climat de confiance qui leur sera utile et la seconde visite pour effectuer une fouille discrète de ce qui fut autrefois une maison familiale.
Par nécessité, les filles ont, une fois encore, menti à leur famille. Pour ce mercredi peu ordinaire, elles ont annoncé un retour en fin d’après-midi, après une sortie shopping, rue Sainte-Catherine à Bordeaux.
Dès la sortie du lycée, à midi, Méline et Solène ont pris le bus pour Blaye, se dispensant de prendre un quelconque repas, leur estomac est bien trop noué pour ça ! Les filles ont quand même eu à cœur de se préparer avec soin, comme si elles se présentaient à un entretien professionnel. Elles ont envie de faire bonne impression, pour obtenir plus rapidement ce qu’elles sont venues chercher : des informations.
Dès que Marthe ouvre la porte, le malaise ressenti par les deux cousines grandit. La sexagénaire est souriante, apprêtée, elle aussi. Si elle semble émue, elle reste maîtresse d’elle-même, les prie d’entrer et les guide vers le salon.
Sur la table basse est posée une assiette dans laquelle trônent quelques gâteaux secs. D’un geste, la grand-mère invite ses petites-filles à prendre place.
Solène, oppressée de se retrouver dans cette maison qu’elle a si souvent imaginée, celle qui aurait dû abriter une partie de son enfance, promène son regard sur les murs qui l’entourent. Quand ses yeux tombent sur un cadre de bois clair contenant une photo de Guillaume, Méline et elle, vieille d’environ trois ans, son souffle s’accélère. Elle n’arrive plus à distinguer, au creux de ses émotions, ce qui relève de la joie que cette femme se soit réellement intéressée, même de loin, à ses descendants, ou ce qui frôle les prémices d’une colère sans bornes.
Alors, Solène prend sur elle, se contient pour rester dans les rails de leurs décisions.
Après quelques banalités d’usage, Marthe ose enfin lancer la nécessaire conversation :
– Si vous me le permettez, j’aimerais vous parler à cœur ouvert. Nos histoires de famille sont compliquées, mais c’est le cas chez beaucoup de gens ! Est-ce que vos mères vous ont dit ce qu’elles avaient à me reprocher ? Parce que moi, je veux bien vous donner ma version des faits !
– En fait, pas vraiment ! On a entendu qu’il y a eu des querelles autour de l’argent, mais c’est à peu près tout ! pose Méline, restant volontairement évasive.
– Alors vous savez l’essentiel ! C’est effectivement ce qui a causé le plus de dégâts entre mes enfants et moi. Ça, et mon divorce d’avec leur père. Les deux sont liés, finalement ! Je dois vous confesser que j’aimais un autre homme, Pierre. Mais peut-on condamner l’amour ? Pour faire simple, mon ex-mari, votre grand-père, n’était pas un homme très intéressant alors je l’ai quitté puis j’ai vécu avec Pierre. Malheureusement, lui aussi avait un problème d’alcool et avec les tracas de mon divorce, il lui est arrivé de prendre, parfois, un somnifère. J’avais tenté de lui dire que c’était une mauvaise combinaison, mais un jour, il s’est noyé dans l’estuaire, et j’imagine malheureusement que ce contexte n’est pas étranger à son décès ! De là, ma situation financière est devenue encore plus compliquée, alors, bien-sûr que j’ai demandé de l’aide à mes enfants qui étaient déjà grands. Ils l’ont mal vécu ! Voilà!
À cet instant, le regard que Solène lance à Méline ne laisse aucun doute sur le maelstrom de sentiments violents qu’elle ressent.
9 commentaires
cedemro
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Il y a 2 ans
Karen Kazcook
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Il y a 2 ans
User230517
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Il y a 2 ans
Hanna Bekkaz
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Il y a 2 ans
Bradley Cooper
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Il y a 2 ans
marco
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Il y a 2 ans
SandNémi
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Il y a 2 ans
Monica Bellucci
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Il y a 2 ans
Isabelle Barbé
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Il y a 2 ans