Fyctia
Chapitre 47
Dix jours déjà que le Docteur Poiret a annoncé à Marie que ses analyses sanguines marquaient d’inquiétants écarts à la norme.
Dix jours qu’il a lui-même décroché son téléphone pour appeler l’hôpital Pellegrin afin d’obtenir les meilleurs délais pour des examens complémentaires.
Dix jours que la mère de famille ne dort presque plus, étouffée par l’angoisse de ce qui pourrait lui être annoncé, s’imaginant le pire, envisageant la vie de Manu et des enfants sans elle. Si l’éducation de Guillaume est quasiment terminée, s’il sera militaire dans quelques mois, un jeune adulte a toujours besoin de ses deux parents pour s’installer dans la vie, pour être accompagné dans ses décisions, qu’elles soient du quotidien ou plus exceptionnelles.
Pour Solène, c’est encore pire ! Il est impensable pour Marie de ne pas voir grandir sa fille, de ne pas l’encourager le jour du bac ou lors de sa rentrée à l’université, d’être incapable de la conseiller quant à ses premières amours ! Alors, pendant ces interminables journées d’attente, Marie se tait et remplit son âme d’images furtives du quotidien ; Solène qui rentre du lycée, les repas du soir partagés en famille…
Ces dix jours ressemblent à un fleuve tumultueux qui secoue en tous sens la nageuse perdue au milieu des flots, mais celle-ci lutte, refuse de montrer son trouble aux enfants. Manu et Marianne ont bien évidemment été mis dans la confidence et, comme toujours, leur soutien et leur force morale sont sans faille :
– Allez ma chérie ! Tu sais ce que je dis toujours ! Tant qu’il n’y a rien… ben, il n’y a rien ! Ça s’est déjà vérifié à d’autres occasions, quand tu avais des inquiétudes pour les enfants, quand ils étaient plus petits ! encourage Manu.
– Je sais bien, ta lapalissade a souvent été exacte, mais si tu avais vu avec quel empressement le généraliste s’est démené pour trouver des rendez-vous rapides à l’hosto ! Il n’aurait jamais fait ça sans raison !
– Je me permets de te rappeler qu’évacuer un doute, vérifier ou infirmer une hypothèse, c’est juste normal dans un diagnostic, alors essaie de reprendre ta respiration. Il sera toujours temps d’être secouée si tu avais une mauvaise surprise ! Moi, j’y crois, à la bonne nouvelle, alors tente de m’entendre, ou au moins fais semblant ! sourit Manu en étreignant son épouse.
Si seulement Manu avait raison ! Marie ne peut envisager que l’orage la frappe une fois encore, que le destin provoque sa mort, prématurément, comme il l’avait déjà foudroyé avec violence pendant ses jeunes années. Ce qu’elle redoute, ce que son médecin semble craindre lui aussi, c’est un cancer, un foutu crabe qui viendrait la ronger de l’intérieur, comme la peur, la honte puis la haine l’ont attaquée toute sa vie durant.
En prenant constamment sur elle, Marie réussit à contenir une partie ses angoisses afin que sa fille n’en perçoive rien. Dans ces moments-là, la mère de famille est heureuse que Guillaume soit à Tulle, loin de la maison. À chaque instant, son fils lui manque, mais cet éloignement le préserve et lui évite de percevoir les non-dits.
Arrive enfin le jour des examens à l’hôpital et si les rendez-vous sont prévus pour la fin de matinée, Marie est réveillée depuis cinq heures. Elle s’est contenue pour ne pas réveiller Manu, car il est si patient, son homme, si solide, qu’elle considère bien légitime de lui offrir ce temps de repos.
Comme à son habitude, le quadragénaire ouvre les yeux à six heures, avant même la sonnerie du réveil. C’est sans surprise qu’il aperçoit, face à lui, les beaux yeux translucides de Marie rivés sur lui :
– Bonjour mon Amour !
– Salut ma belle ! Comment te dire que je ne suis même pas étonné de te voir éveillée avant moi ? J’ai beau te répéter que tout ira bien, tu ne sembles pas plus convaincue que ça !
– Tu veux toujours avoir raison, hein ? J’ai épousé une tête de mule, va falloir que j’aille me plaindre au service après-vente, je crois ! ironise Marie en caressant la joue de Manu.
Celui-ci, heureux du trait d’humour tenté par sa femme, lui sourit en retour, l’attire contre son épaule et l’enlace longuement. Leurs corps fusionnent, ils ne font plus qu’un, leurs peaux se soudent l’une à l’autre pour former une armure qui les rendra invincibles.
Après un petit-déjeuner en famille, Manu accompagne Solène au lycée en voiture. C’est leur rituel quotidien et, puisque la jeune fille n’est pas au courant des rendez-vous à venir, elle n’a pas été informée non plus du fait que son père avait posé un jour de congé. C’est donc avec son cartable de bureau que Manu quitte la maison et grimpe dans la voiture.
Quarante minutes plus tard, il franchit à nouveau le seuil de son domicile pour retrouver une Marie déjà prête à partir :
– Une heure encore à attendre, ma caille ! Tu veux un café ?
– Oui, sans sucre, évidemment, pour rester à jeun.
– C’est noté, chef ! répond Manu en lui tendant une tasse.
Dans la fourmilière du hall des admissions, Marie peine à trouver le bon guichet pour déposer son dossier. Elle tourne en rond, s’agace avant d’être saisie de sueurs froides. Quand, enfin, elle y accède, on l’oriente vers le deuxième étage, là où se trouve l’imagerie médicale. Une infirmière l’accueille et demande à Manu de patienter sur l’une des chaises en plastique vert, dans le couloir :
– Monsieur, vous pouvez prendre de la lecture sur la petite table, on vous rend votre dame d’ici une heure, le temps de faire le scanner. Madame, suivez-moi !
Obéissante, Marie emboîte le pas de la jolie rousse en blouse blanche puis entre dans la cabine de déshabillage. Comme il le lui a été demandé, elle ne garde que sa culotte et pénètre dans la pièce froide qui contient le lourd appareil de métal. Elle s’allonge sur la table, crispée, inquiète de l’imminence du diagnostic. Des bruits de pas marquent l’approche de la manipulatrice radio qui lui donne les dernières consignes et enclenche avec habitude les commandes du scanner. Marie tente de centrer ses pensées sur un lieu qu’elle aime, la montagne, afin de ne pas se laisser envahir par ses émotions.
Enfin, le ronronnement mécanique cesse et la soignante revient :
– Il va falloir qu’on refasse l’examen, Madame, mais cette fois-ci, je vous injecte un produit de contraste.
– Comment ça, le refaire en injectant un produit ? Vous m’expliquez ? demande Marie d’une voix blanche.
– Dès que vous serez sortie de la machine, le médecin vous donnera les éclairages nécessaires.
Marie se ferme comme une huître, se tait et retient les larmes qui lui montent aux yeux afin de garder sa dignité. Les dix minutes qui suivent lui paraissent les plus longues de sa vie.
Dès qu’elle est rhabillée, Marie est conduite au bureau du radiologue :
– Bonjour Madame. Les examens que nous venons de faire visent à détecter une masse suspecte. Vos analyses de sang indiquent qu’il y a un problème. Soit un stress intense a fait exploser ces taux, soit il y a une masse sur vos reins. On va vite être fixés !
13 commentaires
cedemro
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Il y a 2 ans
marco
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Il y a 2 ans
Sylvie Marchal
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Il y a 2 ans
SandNémi
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User230517
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Monica Bellucci
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Mikwg
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Il y a 2 ans