Sylvie Marchal Marie Chapitre 31

Chapitre 31

Après avoir reboutonné son pantalon, Legrand jette un œil à la fenêtre, pour vérifier son reflet.

Les doigts de Claire ont labouré ses cheveux, si disciplinés d’ordinaire, mais par chance, il a toujours un peigne dans la poche intérieure de sa veste. En un instant, il retrouve son élégance habituelle. La jeune femme ajuste son chemisier afin qu’il retrouve sa place sous la ceinture de sa jupe.


Le stress fait partie des facteurs qui augmentent la libido d’Ernest, cela le pousse à solliciter Claire pour l’avenir, surtout si son mari est hors de cause quant à l’agression.


L’enlaçant avec force, il se penche à son oreille :


– Pardon, mon amour. Pardon d’avoir douté, de t’avoir écartée de ma vie pendant quelque temps. Tu comptes tellement pour moi, tu sais ! J’ai terriblement envie de te revoir, vite. Cette semaine ?


– Enfin, je te retrouve ! Quel coquin tu es ! Pourquoi pas, mais on peut éviter de se retrouver sur ton bureau, non ? Si tu as eu peur des indiscrétions pour mon mari, tu peux trouver un meilleur endroit !


– J’ai bien une idée, murmure Legrand en caressant les hanches de sa maîtresse, il suffira de la banquette arrière de ma voiture, comme avant. Rendez-vous vendredi, à la sortie du bureau, au même endroit que d’habitude ?


– On ne change pas une équipe qui gagne ! lance Claire, allumeuse. Prépare-toi, ça va être un festival.


Legrand sourit en la regardant quitter la pièce. Il a hâte de ce rendez-vous, d’assouvir encore l’un ou l’autre de ses fantasmes avec Claire, maîtresse dévouée et aventurière. Mais en quelques secondes, son sourire se transforme en rictus, sa joie devient amère.


L’orgasme qu’il vient de vivre, comme ceux à venir, ne suffisent plus à combler ses envies les plus profondes.


Tourmenté, habité par son instinct de chasseur, il pense de plus en plus souvent au passé, à la douceur de la peau de ses filles, à l’intensité jamais égalée de sa jouissance dans de pareils moments. Depuis qu’il a quitté Blaye, il n’a jamais plus touché un enfant mais l’envie reste là, chevillée au corps, tapie au fond de ses tripes.


Il sait qu’en Gironde, sa perversion a été découverte, mais ici, personne n’est au courant. S’il résiste à l’appel du diable, c’est aussi pour préserver cette nouvelle vie, pour ne pas devoir fuir à nouveau.


Songeur, il laisse son regard flotter par la fenêtre et observe la petite fourmilière qui s’active dans la rue piétonne, deux étages plus bas. Une petite grand-mère aux cheveux blancs et permanentés se courbe dangereusement vers le sol pour distribuer quelques miettes de pain aux pigeons qui s’attroupent à ses pieds. De l’autre côté des pavés, un couple avance d’un pas rapide. Sans doute ont-ils quelques courses urgentes à faire.


La petite marée humaine vit, tourbillonne, bruisse. Legrand pourrait rester un temps infini à observer cette micro-société, du haut de son observatoire secret.


En l’espace d’une seconde, l'homme se redresse puis se fige. Tel un chien de chasse à l’arrêt, son bras droit prend appui sur le mur alors que son bras gauche reste replié dans le vide, suspendu par l’image qui vient de heurter sa rétine. Blonde, avec une robe rouge qui dévoile ses genoux, elle lui fait face, sans le savoir. Ses cheveux longs et ondulés bougent au gré du vent, dévoilent ses joues rondes.


Elle doit avoir huit ans, peut-être neuf. Le diable a repris possession de l’âme et du corps de l’homme damné. Par chance, la nymphette semble patienter face à la porte principale de la mairie. Elle doit attendre son père, ou sa mère, sans doute.


Hypnotisé, il ne la quitte pas des yeux, essaie de deviner l’odeur de sa peau, celle de son shampoing. Caressant la paume de sa propre main, il imagine la texture de sa peau, puis sa voix. Quelle serait-elle, cette voix, si Ernest l’approchait, s’il lui murmurait ses secrets à l’oreille ? L’appellerait-elle par son prénom ? Protesterait-elle ?


À mille lieues de se douter de ce qui se joue cinq mètres plus haut, derrière une vitre rendue opaque par les reflets du soleil, elle patiente gentiment et offre ainsi son image au démon. Fatiguée d’attendre, elle avise le banc public qui se trouve à quelques mètres de là et s’y installe.


Une fois assise, sa robe remonte de quelques centimètres encore et assène le coup de grâce à Legrand. Perdant le contrôle de lui-même, trop peu rassasié par les prouesses de Claire quelques instants plus tôt, il retrouve l’usage de ses bras pour venir à nouveau dégrafer sa ceinture et faire renaître des sensations interdites.


Les dizaines de secondes qui s’ensuivent font jaillir des décharges électriques intenses dans tout son être. Son corps, son cerveau ne lui appartiennent plus.


Legrand perçoit le bruit de pas dans le couloir. Vigilant, il tente d’estimer la trajectoire de celui qui se déplace puis réalise qu’on vient vers son bureau. En une fraction de seconde, il se rhabille, se jette sur sa chaise et attrape un stylo.


– Legrand, la réunion de cet après-midi est reportée à la semaine prochaine. Tu inscris ça dans ton agenda ? Ça te laissera un peu de temps pour revoir ton dossier.

– Je le note, pas de soucis. Merci à toi !


Son collègue à peine reparti, le diable saute de sa chaise, comme mû par un ressort, et se précipite à la fenêtre, pressé de retrouver sa petite poupée. Lorsqu’il la voit s’éloigner, une colère froide le gagne, son bas-ventre ressent la douleur d’un coup de lame, celle de la trahison, de l’abandon.


Le reste de la journée se déroule dans la nervosité, l’aigreur et une forte colère intérieure. Ses retrouvailles avec Claire ne pèsent pas lourd face à ce plaisir des dieux qui vient à nouveau lui tendre les bras pour ensuite lui échapper. Legrand lutte jusqu’au soir pour tenter de se concentrer, en vain.


Le trajet du retour lui sert de sas de décompression, il tente de paramétrer ses pensées pour mieux revenir à sa vie quotidienne. Laurette l’attend, elle aura sans doute déjà préparé le dîner, elle prendra soin de lui.


Un tour de clé dans la serrure et le voici qui reprend possession de sa vie d’homme marié.

– Bonsoir ! Comment était ta journée, Ernest ? Pas trop fatigante ?

– Une journée comme les autres, rien de spécial ! Et toi, tu ne devais pas déjeuner chez ton frère ?

– Si si, j’ai vu Agnès, puis Philippe est venu pour sa coupure de midi.

– Et quoi de neuf chez eux ?

– Ils vont bien, pas de nouveauté de leur côté non plus ! On a parlé de la pluie et du beau temps, mais c’est toujours agréable !


Même entre quatre yeux, le mensonge est roi.

Celui que l’on dit, celui qu’on fait mine de ne pas reconnaître. Par omission de la vérité, ou par sa transformation, chacun cherche à garder ses intérêts. Si Laurette ment à Agnès, à Philippe, à Ernest, elle se ment surtout à elle-même. Et que dire du masque de mystificateur de Legrand ?


Pendant ce temps, l’esprit d’Ernest ne s'attarde pas sur ces considérations.


Il pense à la jolie fillette blonde.

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16 commentaires

Mireille Mathieu

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Il y a 2 ans

Mais quel horrible personnage ! Bravo pour l'écriture ! C'est vraiment prenant !

cedemro

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Il y a 2 ans

Ce monstre me dégoûte ! L'avertissement numéro deux devrait s'attarder sur sa masculinité et la rendre à son image : une horreur inutile à ce monde ! Je le déteste de toute mon âme...

sophie loizeau

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Il y a 2 ans

Et 🤮🤮 non pas ça...

sophie loizeau

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Il y a 2 ans

Laurette serait elle enceinte ou malade ?

Duten

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Il y a 2 ans

Ignoble individu

Monica Bellucci

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Il y a 2 ans

Juste envie de lui faire cramer ses parties intimes quand je vois comment il réagit à la vue de la petite. J'espère qu'il ne va pas passer à l'acte...🥺

Sylvie Marchal

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Il y a 2 ans

J’ai un fer rouge à la maison 😏

cedemro

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Il y a 2 ans

Entre autres... Une lame chauffée au rouge peut-être ? 😡

Balthazar

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Il y a 2 ans

Bon là, j'ai un peu eu l'impression de liker le comportement de Legrand... Mais non ! Quelle horreur !!! Je veux juste pouvoir lire la suite pour qu'un 2 apparaisse sur son autre joue ou n'importe quelle autre partie de son corps !!! Mais pas du tout envie de voir à nouveau l'étendue de sa perversion 🤢

Sylvie Marchal

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Il y a 2 ans

Le chapitre prochain devrait pouvoir prendre le contrepied de celui-ci 😉
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