Fyctia
Chapitre 17
Devant la porte d’entrée de la maison des Legrand, deux gendarmes se lancent un regard d’encouragement avant d’appuyer sur la sonnette.
Derrière eux se tiennent Georges et Jojo, les yeux rougis, la tête basse. La nouvelle qu’ils se doivent d’apporter est cruelle et changera irrémédiablement le cours de la vie de ses destinataires.
Le plus grand des deux militaires se lance, pose son doigt sur le petit bouton de plastique et déclenche le carillon.
Il ne faut que quelques secondes à Marthe pour arriver à l’entrée de la maison. Elle espère trouver le vieux pêcheur qu’elle a appelé à la rescousse, plus tôt dans la journée. Il aura sans doute des nouvelles de Pierre à lui donner.
Entrouvrant la porte, elle blêmit en découvrant les deux hommes en uniforme, elle pressent que sa vie va prendre un nouveau tournant, violent, implacable.
– Madame Legrand ? Bonjour, pouvons-nous entrer un instant, nous avons à vous parler ?
Blême, Marthe s’efface et leur fait signe d’une main tremblante, désigne la cuisine. Les quatre hommes la suivent et le deuxième gendarme, avec compassion, propose :
– Vous devriez vous asseoir, Madame. Nous sommes porteurs d’une bien mauvaise nouvelle.
– Pierre ? Qu’est-il arrivé à Pierre ? Il a eu un accident de Solex, c’est ça ? Il est blessé, c’est grave ?
– Asseyez-vous, Madame, s’il vous plaît.
Elle s’exécute et le gendarme prend son souffle et lance en une rapide tirade, comme pour ne pas s’engluer dans ce qu’il a à dire :
– Votre ami Pierre a été retrouvé cet après-midi par ces deux messieurs, noyé dans l’estuaire. Sa mort remonte à cette nuit, sans doute, d’après les premières constatations du médecin qui s’est rendu sur place.
– Noyé ? Mais non, c’est impossible, il connaît le lieu comme sa poche et c’est un excellent nageur ! Vous vous trompez, ce ne peut pas être lui ! nie Marthe, incrédule et sidérée.
– Madame, le corps a déjà été identifié par ces deux messieurs ici présents. Nous les avons d’ailleurs exceptionnellement autorisés à nous accompagner afin qu’ils puissent vous soutenir.
– Vous trompez, vous faites erreur ! se met à hurler Marthe d’une voix stridente.
Tel un animal blessé, sa bouche s’ouvre sans qu’aucun son n’en sorte avant qu’un hurlement ne vienne déchirer le cœur des quatre hommes présents. Les yeux de Marthe se perdent dans le vague, son corps semble soudain perdre toute énergie, elle coule de sa chaise jusqu’à tomber lourdement sur le sol.
Jojo s’avance le premier, lui prend la main et lui parle avec douceur. Ses mots de réconfort ne font pas sens pour elle, mais le son de sa voix la ramène doucement à la réalité. Elle lutte, elle refuse de laisser son esprit revenir dans cette pièce, de se confronter à cette annonce si violente.
Marthe est lentement relevée par les deux amis de Pierre pour être ensuite allongée sur le canapé:
– Les enfants ! ils sont encore à l’école ! Il faut que quelqu’un s’occupe de les récupérer, il ne faut pas qu’ils apprennent ça par quelqu’un d’autre ! Allez chercher Marie, il n’y a qu’elle qui puisse les accompagner. Moi, elle ne m’écoutera pas ! Georges, elle te connaît depuis longtemps, elle t’aime bien, je crois ! À toi, elle ne claquera pas la porte au nez.
– Je te promets d’essayer, Marthe ! Je ne sais pas si je réussirai mais je veux bien essayer. Donne moi son adresse.
Chancelante, Marthe se lève, attrape le bloc de papier dédié aux correspondances et note, de tête, les coordonnées de son aînée à Libourne.
– Je sais qu’elle et sa sœur Marianne se fréquentent beaucoup. Si jamais tu arrives à les voir toutes les deux, à les convaincre que les petits ne pourront pas affronter encore une épreuve sans elles… Et même moi, si je suis honnête, je ne me vois pas avancer seule dans la noirceur qui m’attend.
Marthe devine l’obscurité qui l’attend. Le manque d’argent, à nouveau. Le manque de relais pour s’occuper des trois petits. Le manque d’une personne qui la regarde avec un amour inconditionnel, prête à donner sa vie pour la sienne.
Pendant que les gendarmes prennent congé, les deux pêcheurs s’organisent. Jojo restera au chevet de Marthe pendant que Georges se fera son avocat auprès des filles, à Libourne.
En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, le vieux sage est au pied de l’immeuble des Vito. L’espace d’un instant, il hésite. N’est-il pas en train d’interférer dans des histoires de famille qui ne sont pas les siennes ?
Mais en mémoire de son ami Pierre et parce qu’une parole est une parole, il s’avance jusqu’au hall d’entrée et se met en quête de la bonne porte d’appartement.
Sitôt que Marie lui ouvre, elle fronce les sourcils. Elle devine la mauvaise nouvelle, alors, elle salue simplement le nouvel arrivant et le prie d’entrer. Georges la suit, s’installe avec elle au salon et lui délivre en quelques phrases les informations dont il dispose puis conclue simplement :
– Marie, la seule question que je dois te poser, c’est de savoir si tu accepterais d’aller chercher les gamins à l’école, et si tu te sens capable de leur parler, pour Pierrot. Parce que ta mère, elle n’est pas en état, ça va leur faire plus de mal qu’autre chose, à ces mômes. Toi, tu es quasiment leur deuxième mère, je t’ai vu t’occuper d’eux quand ils étaient vraiment minots. La vie est sûrement compliquée pour tout le monde, je ne connais pas toutes vos histoires de famille, mais quand même! Je ne vais pas essayer de te forcer la main, mais réfléchis vite, s’il te plaît ! L’heure tourne !
– Donne moi juste deux minutes pour réfléchir et laisse moi appeler mon mari et Marianne. Reste assis-là, je reviens.
Marie laisse Georges planté dans le canapé et s’installe près du téléphone pour prendre les avis des deux personnes qui lui sont si chères. Après une courte conversation avec chacun, Marie fait face à nouveau à l’ami de Pierre :
– Marianne et Pierre pensent comme moi ! Ma réponse va être simple...
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cedemro
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Adrien Lioure
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Il y a 2 ans
sophie loizeau
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Karen Kazcook
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User230517
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Il y a 2 ans
SandNémi
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Isabelle Barbé
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Il y a 2 ans