Fyctia

Je sens Roméo de moins en moins investi dans notre relation. Il est toujours aussi doux, attentionné et gentil mais il semblé préoccupé, perturbé. Je ne sais pas quoi faire ni comment lui en parler, j'ai l'impression de ne pas être étrangère à ce changement d'attitude. J'ai peur que nos dernières disputes aient sérieusement impacté sa façon de voir les choses. Je suis quasiment certaine qu'il remet en question notre relation mais qu'il n'ose pas m'en parler. Je dois mettre le sujet sur le tapis rapidement si je ne veux pas me retrouver seule d'ici peu.

Après les cours, je compte bien discuter avec lui de nous.

Le dernier cours de la journée se termine et je suis lessivée, les partiels de fin d'année arrivent à pas de géant et j'ai du mal à suivre la cadence.

Entre ma relation avec Roméo et les révisions, je ne parviens pas à faire la part des choses. Mon copain a pris une place tellement importante dans ma vie que mon Master ne m'intéresse pratiquement plus. Ce que je veux à tout prix, c'est passer le plus de temps possible avec Roméo pour qu'il n'en passe pas avec d'autres personnes qui pourraient nous éloigner.

Alors que nous nous dirigeons tous les deux vers la sortie de l'établissement, nous croisons Matthieu et Sofiane. Roméo s'arrête pour les saluer.

De mon côté, je reste en retrait, je tiens à leur faire comprendre que je ne veux aucune interaction avec eux. Matthieu me regarde avec empathie, j'ai l'impression de voir de la peine dans ses yeux. Je ne veux pas de sa pitié, si nous en sommes là actuellement, c'est en partie à cause de lui et de ses amis malsains. Si Pauline, Eden et leurs sbires n'avaient pas initié une croisade contre moi, nous n'en serions pas là aujourd'hui. J'aimais bien Matthieu, il était le seul que je trouvais un minimum équilibré et gentil, mais depuis la soirée du nouvel an, je ne peux plus me le voir. Il nous a mis dehors Roméo et moi sans même chercher à comprendre. Certes, il ne voulait probablement pas que les choses s'enveniment, mais il aurait au moins pu nous prendre à part pour que nous puissions lui expliquer la situation, je suis certaine qu'il aurait compris. Il a préféré rester avec ses amis et prendre leur parti, tant pis pour lui, à présent il n'aura plus rien de ma part, même pas ma politesse.

Une fois dehors, Roméo et moi allons nous installer sur un banc :

- Pourquoi t'as pas dit bonjour à Sofiane et Matthieu ?

- C'est pas contre toi, mais depuis la soirée chez Matthieu, j'ai un peu de mal avec ce groupe de personnes, ça me rappelle trop de mauvais souvenirs, je préfère pas leur parler.

Alors que je m'attends à ce que Roméo ne comprenne pas et s'énerve, il pose une main délicate sur ma cuisse et me regarde avec tendresse :

- Je comprends, c'était une question idiote, je suis désolé.

- T'en fais pas.

- Alors, tu voulais qu'on discute ?

- Oui, réponds-je timidement.

- Je t'écoute, dis-moi tout !

Ses surnoms me manquent, d'ordinaire, il m'en donnait quasiment systématiquement. Je commence à comprendre leur importance pour moi depuis qu'il ne m'en donne plus, j'ai l'impression que nous sommes de nouveau à la case départ, comme deux inconnus. J'ai l'impression de redevenir peu à peu une fille banale à ses yeux, une amie, une pote, une connaissance, une camarade.

J'ai une boule dans la gorge, je me sens mal à l'idée d'aborder un sujet qui pourrait m'échapper. Si je lui parle de nous et que cela commence à le faire réfléchir, qu'il commence à se dire qu'une séparation serait judicieuse, je ne sais pas comment je le vivrais. Je sais bien qu'il se passe quelque chose, mais une fois que le sujet sera posé sur la table, je risquerais de le perdre, c'est ce qu'il y a de plus terrifiant pour moi.

Néanmoins, si nous ne mettons pas les choses à plat, je sais pertinemment qu'il va m'échapper un moment ou un autre.

Je prends une grande inspiration en retenant au maximum les larmes qui veulent couler sur mes joues avant de me lancer :

- J'ai l'impression que t'as changé, t'es plus le même.

- Dans quel sens ?

- T'es devenu froid avec moi, t'es moins tactile, moins proche de moi, je...

Mes larmes coulent sans que je ne puisse rien contrôler, j'ai encore tellement de choses à lui dire, mais ma gorge est nouée, plus aucun mot ne parvient à en sortir. Je suis démunie, effrayée, triste, Roméo est en train de m'échapper.

Il caresse ma cuisse avec tendresse mais je ne le sens pas plus atteint que cela par mon état, il reste impassible et je sens mon cœur se briser en mille morceaux. Avant même qu'il ne réponde, je lui pose la question qui me brûle les lèvres :

- Tu veux me quitter Roméo ?

Sa réponse n'est pas immédiate et cela veut tout dire à mes yeux. S'il ne me quitte pas, il y a au moins pensé. Cette fois, c'est clair, il se pose définitivement des questions sur notre relation. Il me prend dans ses bras avant de répondre :

- Maya, je...

Sa voix déraille, je sens qu'il commence à sangloter et je n'aime pas du tout la tournure que prend cette conversation. Il poursuit :

- Non, je veux pas te quitter, mais putain... Je suis malheureux ces derniers temps. On s'engueule tout le temps, j'ai plus d'amis, je sors plus, je me sens seul, et quand je suis avec toi, ça finit toujours mal, alors ouais... Je... Je me pose des questions.

- Tu m'aimes plus ?

- Si, bien sûr que je t'aime, mais l'amour fait pas tout, j'ai besoin d'être heureux avec toi, sinon je vois pas l'intérêt, on fait que se déchirer dernièrement, j'ai de plus en plus de mal à le supporter.

Je le comprends parfaitement. Moi-même, je n'en peux plus de cette situation. Je lui ai promis maintes et maintes fois de faire des efforts pour le rendre heureux, mais je sais bien que ce n'est pas assez, c'est tout juste si je fais le strict minimum. Tout ce que je fais, c'est toujours dans mon intérêt, dans le but de rester dans ma zone de confort, de garder Roméo pour moi et auprès de moi, il est rare que je m'attarde sur ce qu'il veut et ce dont il a besoin. Son bonheur passe après ma sérénité.