Fyctia

Roméo doit passer à l'appartement aujourd'hui, je suis impatiente de le retrouver mais je compte bien lui parler de la soirée. J'espère réussir à rester calme pour ne pas le brusquer et provoquer une nouvelle dispute sans précédent.

Lorsqu'il arrive enfin, je lui saute dans les bras, revoir son visage me procure une joie immense. Certes, il est un peu cerné et ne semble pas dans son assiette mais il est toujours aussi charmant.

Je l'invite à s'installer dans le canapé tandis que je lui prépare un verre d'eau. Ni une ni deux, j'entame la discussion :

- Alors, pas trop la gueule de bois ? demandé-je en riant.

- Si, carrément, j'sais pas pourquoi j'ai bu autant, c'était pas malin.

- Adam a bu autant que toi ?

- Ouais, on a bu la même chose, il a fini à genoux devant les toilettes pendant que je dormais, c'est ce que Stéphanie m'a dit.

- Stéphanie ?

- Ah oui, Stéphanie c'est la meuf chez qui on était, son mec c'est Vivien, ils étaient cools.

- Tant mieux, du coup t'as dormi dans le canapé ?

- Ouais, avec Adam.

- Y'avait que vous deux ?

- Non, y'a une fille et un gars qui ont dormi ensemble dans le canapé d'à côté, j'crois qu'ils ont fait des choses dans la nuit selon Vivien mais j'étais trop mort pour capter quoi que ce soit, je dormais déjà depuis longtemps.

Je bouillonne. Il est en train de m'expliquer calmement que des gens ont eu un rapport sexuel à quelques centimètres de lui et cela ne semble pas le déranger :

- T'es sérieux Roméo ?

- Quoi ?

- Ils ont baisé à côté de toi et ça te dérange pas de me dire ça ?

- C'est pas pour t'emmerder Maya, je veux juste être honnête avec toi et tout te raconter. Moi j'ai rien vu, rien entendu, mais je trouvais ça honnête de t'en parler, c'est tout. Je dois faire quoi, te cacher ce genre de détails pour éviter un nouveau conflit ? Je sais plus quoi dire à force, peu importe ce que je fais, où je vais et avec qui, y'a toujours un putain de problème !

Je n'aime pas ce qu'il me dit car je sais pertinemment qu'il a raison, peu importe ce qu'il fait, le problème c'est moi.

Je hausse les épaules avant de répondre :

- J'sais pas, je le sens pas ton pote Adam.

- Quoi ? Mais pourquoi ? Tu changes de sujet là !

- Non, je te dis ce que je pense, tu veux qu'on soit honnête l'un envers l'autre, alors je te le dis, Adam n'a pas l'air d'être quelqu'un de bien.

- Et pourquoi ça ?

Je dois rapidement me creuser les méninges si je veux avoir l'air crédible. Je n'ai aucune idée de la raison pour laquelle j'ai dit cela, je cherche simplement à me défendre, à justifier cette folie soudaine qui m'habite. Je dois prouver que ce n'est pas moi le problème alors même que j'ai conscience du contraire, la tâche est plus délicate que dans mon imagination :

- Il t'a fait boire, tu t'es retrouvé chez une inconnue avec pleins d'autres inconnus, c'est un peu dangereux non ? T'aurais pu faire une mauvaise rencontre, j'sais pas.

- Je suis assez grand pour prendre mes décisions, Adam ne m'a forcé à rien Maya, c'est n'importe quoi.

- J'ai pas dit ça, mais je sais que tu as à cœur de t'intégrer auprès des autres et que tu peux parfois te montrer influençable. C'était un peu le cas avec Eden, tu te souviens ?

Soudain, Roméo baisse les yeux, il semble prendre conscience de ce que je viens de lui dire. Après quelques secondes de réflexion, il se redresse :

- T'as pas tort, mais je t'assure qu'Adam, c'est pas Eden.

- Je sais pas, je le connais pas, je me base sur ce que je sais.

- Mais tu sais rien Maya, tu le connais même pas. On peut passer à autre chose maintenant, s'il te plaît ? Je veux juste pouvoir profiter de ma copine sans conflit, sans dispute, c'est possible ?

Ses yeux sont larmoyants et sa détresse me touche, je baisse les armes, épuisée par moi-même :

- Je suis désolée, câlin ?

- Oui câlin, je t'en supplie, dit-il en reniflant.

Le fait d'avoir failli le faire pleurer me fait grandement me remettre en question. Je ne veux pas qu'il soit malheureux avec moi, ni qu'il me voit comme la cause de tous ses soucis. Si jamais il s'amuse avec les autres mais pleure avec moi, il ne lui faudra pas longtemps avant d'identifier la source de tous ses malheurs.

Je décide de ne plus l'embêter avec cette soirée. Objectivement, je n'ai rien à lui reprocher, certes je ne suis pas satisfaite de notre échange, je suis toujours terriblement frustrée, mais si je continue, je sens qu'il va imploser.

Je l'invite à me rejoindre dans mon lit afin de définitivement enterrer la hache de guerre. J'ai besoin de douceur et lui aussi, les débuts de notre relation me manquent. Je n'étais pas aussi attachée et dépendante de lui, je ne regardais pas constamment mon téléphone dans l'attente d'un message, je ne surveillais pas son compte Instagram dix fois par jour pour compter ses potentiels nouveaux abonnements et abonnés et je ne faisais preuve d'aucune jalousie vis-à-vis de ses amies, si on oublie bien sûr Pauline, qui faisait exception à la règle. En somme, j'étais plus ou moins libre. À présent, je me suis moi-même emprisonnée dans une dépendance malsaine qui nous atteint tous les deux. Néanmoins, je ne me vois pas stopper notre relation maintenant, j'aime tellement Roméo que je pourrais mourir de ne pas le voir pendant trop longtemps.

J'émerge d'un profond et doux sommeil aux côtés de mon amoureux. Je me blottis contre lui, incapable de quitter la chaleur de ses bras. Je me sens si bien, son odeur est toujours aussi agréable :

- Bien dormi ma belle ? me demande-t-il en chuchotant.

- Très bien et toi ?

- Niquel ! Ça m'a fait du bien de dormir avec toi.

- Moi aussi, ça m'avait manqué.

- Oui à moi aussi.

Cette douceur retrouvée dans nos échanges me fait jubiler. J'ai l'impression que ces derniers jours, nous avions du mal à communiquer.

À présent, tout semble aller mieux, mais pour combien de temps ?