Fyctia

Le jeu se poursuit à mon grand dam mais j'accepte, pour Roméo, de rester et de garder le sourire. De son côté, je le sens extrêmement doux avec moi, il est tactile, me chuchote dans l'oreille qu'il m'aime toutes les deux minutes et semble nerveux. J'ai le sentiment qu'il a compris que je faisais d'immenses efforts pour apprécier cette soirée et qu'il essaie de me montrer qu'il est reconnaissant, ce qui me fait chaud au cœur.

C'est au tour de Morgane de me poser la question. Cette fois-ci, je n'ai pas envie d'avoir à répondre à une question déplacée une nouvelle fois :

- Action ou vérité Maya ?

- Action.

Roméo hausse les sourcils, étonné. Il me regarde et me chuchote à l'oreille :

- T'es sûre ? demande-t-il nerveusement.

- Certaine.

J'ai envie et besoin de m'affirmer face à eux, ils m'insupportent et je tiens à leur montrer que peu importe ce qu'ils me disent ou me font faire, je ne me laisserai pas faire.

Morgane se met à rire :

- Ok, va dans la chambre avec Eden pendant dix minutes !

Je jette un œil à Roméo, il ne semble pas être dérangé plus que cela par l'action proposée par Morgane, son regard m'incite même à accepter. Sans réfléchir, je me lève et invite Eden à me suivre. Avant de fermer la porte derrière moi, je dis à Morgane :

- Allez, mets ton chrono.

Une fois de plus, je fais tout cela pour Roméo, j'espère sincèrement qu'il saura apprécier tous les efforts que je fais pour lui ce soir, ses amis sont quasiment tous irrattrapables, nous n'avons absolument pas les mêmes façons de penser, je n'ai rien en commun avec eux.

Timidement, je m'installe sur le lit de la chambre et attends, en silence. Eden vient s'installer près de moi et pose une main sur ma cuisse. Je ne comprends pas très bien son geste, lui qui d'ordinaire semble me détester est soudain bien trop tactile avec moi, c'est incompréhensible.

Je m'éloigne un peu :

- Tu vas où ? demande-t-il en souriant.

- Nulle part, le lit est assez grand pour deux, pas besoin de nous coller l'un à l'autre.

- Oh ça va, arrête de faire ta sainte, Roméo est pas là, tu peux te lâcher un peu.

- Je vois pas de quoi tu parles, arrête ou je me casse.

- Tu veux vraiment gâcher la soirée de Roméo et passer encore pour une rabat-joie incapable de s'amuser ?

Après réflexion, non, je ne veux pas. Connaissant Eden, je sais pertinemment qu'il fera en sorte de me faire passer pour la méchante, cela créerait un nouveau conflit dans mon couple et je n'ai pas besoin de cela en ce moment.

Je soupire et reste assise.

Eden se rapproche à nouveau :

- Mais qu'est-ce que tu veux ? demandé-je agacée.

- Rien, j'ai froid, dit-il en riant.

- Je m'en fous, t'as qu'à te mettre sous la couette en attendant !

Alors que je m'apprête à me lever une nouvelle fois, Eden me retient par le bras et je tombe à la renverse sur le lit :

- Mais arrête ! m'écrié-je.

- Tu peux crier autant que tu veux, la musique est à fond, personne t'entendra.

Effectivement, je ne m'en étais pas rendue compte mais la musique est bien plus forte depuis que nous sommes entrés dans la chambre, que se passe-t-il ?

Je me débats et tente de me défaire de l'emprise d'Eden mais il est bien plus fort que moi. Il m'allonge sur le lit et m'empêche de bouger. Puis, doucement, je sens une de ses mains parcourir mes cuisses, les larmes me montent aux yeux, je suis incapable de bouger, pétrifiée, des souvenirs remontent, je ne veux pas vivre cette sensation d'impuissance à nouveau, plus jamais. Alors qu'il est presque arrivé au niveau de ma culotte, je trouve la force de lui mettre un coup de genou dans les parties génitales. Il s'effondre à mes côtés en m'insultant et je me lève en trombe, encore sous le choc. J'ouvre la porte et me précipite dans le salon. Tel un chiot apeuré, je regarde à droite et à gauche, je snobe complètement Roméo et fonce vers la porte pour finir dans le jardin. Ensuite, je m'effondre.

Roméo me rejoint instantanément :

- Maya ? Ça va ? Maya ? Réponds-moi, je t'en supplie, qu'est-ce qui va pas ? T'es malade ? Tu veux vomir ? T'as trop bu ? T'es triste ? Eden t'a encore dit des conneries ?

Je ne l'ai jamais vu dans cet état, il semble encore plus apeuré que moi. Les mots peinent à sortir de ma bouche tant je suis sous le choc :

- Je... Il a... Il voulait... Il avait prévu son coup avec Morgane. Je suis sûre que... Pauline... Il a essayé de...

Je fonds en larmes, je suis incapable d'en dire plus mais Roméo ne lâche pas l'affaire :

- Il a essayé de faire quoi Maya ? Il t'a fait du mal ? Il t'a touché ?

Je hoche timidement la tête tandis que les larmes continuent de couler à grosses gouttes sur mon visage.

Le visage de Roméo s'assombrit. Il se lève et marmonne « il est mort », avant de partir rapidement vers la maison.

De mon côté, j'ai peur des trois mots que je viens d'entendre, je ne veux surtout pas qu'il se mette en danger pour moi. Tout ce que je souhaite, c'est rentrer chez moi et dormir dans ses bras. Je me lève difficilement et rejoins la maison à mon tour. Ensuite, je me dirige à l'aide des cris et arrive rapidement face à une scène d'horreur. Eden est allongé sur le sol, en sang. De son côté, Roméo a un œil fermé et saigne des deux poings. Je ne comprends pas ce qui est en train de se passer. J'avais envisagé tellement de scénarios, jamais je n'aurais pu penser une seule seconde à celui-ci.

Roméo attrape Eden par le bras, l'obligeant à se relever :

- Allez debout, j'ai pas fini, dit-il.

Son regard est froid, il semble ne rien ressentir pour Eden qui était pourtant une personne importante pour lui, un de ses meilleurs amis. À présent, il le regarde avec mépris, prêt à tout pour lui faire payer ses actions.

Matthieu et Sofiane se précipitent sur Roméo et l'attrapent :

- Mec, t'as pété un câble ou quoi ? s'écrit Matthieu.

- Ouais, t'es vraiment con là ! enchaîne Sofiane.

Roméo les regarde avec froideur avant de hurler :

- Allez tous vous faire foutre bande de bâtards ! J'ai pas besoin de vous ! Eden t'es qu'un sale fils de pute, et crois-moi que si on avait été que tous les deux je t'aurais crevé, approche toi encore de Maya à moins de dix mètres et je te défonce tellement la gueule que ta propre connasse de mère te reconnaîtra même pas !

Roméo est enragé, méconnaissable. Il me fait presque peur, je n'ose pas aller vers lui pour le calmer, j'ai l'impression qu'il ne se contrôle plus. Rapidement, Matthieu nous demande de quitter les lieux, ce que nous faisons sans broncher. Nous nous dirigeons tous les deux vers sa voiture, je suis silencieuse et plutôt distante, j'ai bien compris qu'il fallait lui laisser un peu d'espace.