Fyctia

À travers le judas, j'aperçois un visage bien familier, celui de Roméo. Timidement, je lui ouvre :

- Qu'est-ce que tu veux ? demandé-je.

- Je suis désolé Maya, je peux entrer ?

- Si tu veux.

Il pénètre dans mon appartement, enlève ses chaussures puis va s'installer dans mon canapé :

- Tu veux bien venir à côté de moi ? demande-t-il.

- Je vais rester debout.

J'ai conscience d'être un peu dure avec lui mais je ne veux pas que les choses soient si simples. Encore une fois, je vais penser à cette humiliation pendant des semaines avant de réussir à passer à autre chose et il aurait pu m'éviter cela :

- Très bien. Écoute, y'a rien qui excuse ce que j'ai fait, ou plutôt ce que j'ai pas fait. Je suis sincèrement désolé. Encore une fois, c'est ma lâcheté qui a parlé. Je déteste me donner en spectacle, y'avait du monde, je voulais juste que tout se termine rapidement. Pauline m'a gonflé, je voulais lui dire de la fermer mais en même temps, j'avais peur de passer pour un rabat-joie, que mes potes s'en mêlent, je sais pas.

- Donc par peur d'être mal vu par les autres, tu es prêt à me laisser dans la merde face au reste du monde ?

- C'est... Non, c'est pas ça... Je suis désolé.

- C'est comme ça que je l'ai vécu. Heureusement, Matthieu a pris ma défense, je me suis sentie un peu moins seule, mais j'aurais préféré que ce soit toi.

Roméo lève les yeux au ciel nonchalamment :

- C'est peut-être avec Matthieu que tu aurais dû te mettre alors.

- Quoi ? Mais tu te fous de moi là ?

- T'essaies juste de me dire qu'il ferait probablement un meilleur copain que moi, c'est bon j'ai compris.

- Mais enfin Roméo tu sais très bien que c'est pas ce que j'ai voulu dire.

Je vois une larme couler sur sa joue, puis deux. Bientôt, il est en pleurs sur mon canapé et je me sens désemparée par la situation. Il y a à peine quelques minutes, j'étais la personne à réconforter et voilà qu'à présent, l'attention a dévié sur lui en moins de cinq minutes sans même que je m'en rende compte.

Sans réfléchir, je vais m'installer à côté de lui pour lui faire un câlin et le réconforter tout en séchant ses larmes.

Je ressens une certaine frustration. Je lui ai exprimé ma douleur après une humiliation publique, pourquoi c'est lui qui pleure dans mes bras ?

Cela fait à présent une semaine que mon altercation avec Pauline a eu lieu. Depuis que Roméo est venu chez moi après cet événement, nous n'en avons pas reparlé. Je ressens toujours une certaine tristesse lorsque j'y repense, j'avais plus de choses à lui dire, j'aurais aimé qu'il prenne davantage en considération mes sentiments, j'ai l'impression de l'avoir réconforté après avoir souffert et je ne trouve pas cela normal.

Néanmoins, je garde ce que je ressens pour moi, je n'ai pas envie de créer un nouveau conflit. Petit à petit, je commence à intégrer le fait qu'une dispute pourrait provoquer la fin de notre relation.

Roméo est un jeune homme charmant, il peut avoir qui il veut, quand il veut, où il veut, je le sais très bien. Pour preuve, son ex-copine lui court encore après, je ne peux pas me permettre de l'ennuyer. Je ne veux pas qu'il pense qu'il ne peut pas être heureux avec moi ou avoir la paix, je ne veux pas lui faire des crises continuellement et qu'il s'éloigne de moi. Doucement mais sûrement, il devient essentiel à ma vie.

Aujourd'hui, nous allons tous les deux au cinéma et je suis impatiente de le revoir. Depuis quelques jours, je n'arrête pas de penser à lui. Je commence à ressentir des sentiments forts à son égard, je pense pouvoir parler d'amour.

Après une mise en beauté toujours plus longue, je me mets en route pour le rejoindre sur le parking de mon immeuble.

Lorsque j'entre dans sa voiture, la tension sexuelle ne se fait pas attendre. Rapidement, il attrape mon visage et nous nous embrassons avec fougue. Bien sûr, plus le temps passe, plus je commence à penser au sexe. J'ai très envie d'aller plus loin mais pour l'heure, nous devons rester sages si nous voulons être à l'heure pour le film.

Arrivés au cinéma, Roméo paie nos places et de mon côté, je m'occupe du pop-corn et des boissons. Je ne suis pas vraiment adepte des rendez-vous où l'homme doit payer, j'aime bien l'idée de diviser la note, je trouve cela plus juste. Je sais que cet état d'esprit fait plaisir à Roméo, il était prêt à tout payer bien sûr, mais j'estime que lui aussi a le droit d'être gâté.

Une fois dans le cinéma, je me blottis contre lui, je me sens parfaitement bien.

Alors que le film s'apprête à commencer, Roméo se penche vers moi et me chuchote à l'oreille :

- Bonne séance, je t'aime.

J'écarquille les yeux, ai-je bien entendu ? Alors que je réfléchissais depuis tout ce temps à une manière de lui avouer mes sentiments sans le brusquer, il arrive d'une façon aussi détendue à me dire qu'il m'aime ? Je n'en reviens pas. Mes joues sont chaudes et sans les voir, je sais qu'elles sont rouges écarlates.

Je prends mon courage à deux mains et lui réponds en souriant :

- Je t'aime aussi.

Il sourit à son tour puis m'embrasse avant de se concentrer sur le début du film. De mon côté, j'ai du mal à apprécier les premières minutes de ce dernier, je n'écoute rien, je plane seulement. J'ai encore du mal à croire ce qui vient de se passer. J'en ai enfin le cœur net, Roméo m'aime, malgré toutes ces péripéties, il me l'a avoué. J'ai l'impression que cette déclaration va nous permettre de vivre notre relation au grand jour, que l'on va passer plus de temps ensemble, envisager de faire de nouvelles choses, activités, je suis impatiente de découvrir où tout cela va nous mener.

J'ai des papillons dans le ventre, j'ai envie de lui hurler que je l'aime et de le remercier de donner une chance à une fille comme moi. Évidemment, j'ai toujours du mal à accepter tout cet amour qu'il me donne, j'ai encore cette impression malsaine qu'il m'a fait un cadeau en se mettant en couple avec moi, presque qu'il a fait preuve de charité.

Pour une fois, mes pensées intrusives ne restent pas longtemps dans mon esprit. Rapidement, j'arrive à me concentrer sur le film blottie contre mon Roméo, comme si plus rien n'avait d'importance, comme s'il n'y avait plus que nous.